qu'est-ce qui fait qu'on tombe amoureux, plutot que ressenti
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 06/07/2020 à 20h51
920 vues
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir qu'est-ce qui fait qu'on tombe amoureux, plutot que ressentir de l'amitié pour une personne ? Comment et pourquoi se développent des sentiments pour telle personne spécifiquement ?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 08/07/2020 à 09h56
Bonjour,
Les mystères de l’amour sont un des grands centres d’intérêt de nos usagers, et nous y revenons souvent ! Tout d’abord, rappelons, avec une précédente réponse, s’intéressant déjà à la différence amour/amitié, que l’amour est beaucoup une question de biochimie :
« Une équipe de l’université de Syracuse a ainsi analysé 6 études (Journal of Sexual Medicine, 2010). Conclusion : lorsqu’on tombe amoureux, pas moins de 12 aires du cerveau travaillent de concert pour produire des hormones comme la dopamine, l’ocytocine, l’adrénaline ou la vasopressine qui nous rendent euphoriques. Chaque étape – la séduction, la passion, l’attachement… – met en jeu des circuits complexes. Quand une personne nous plaît, notre hypothalamus sécrète de la testostérone, qui attise le désir, et entraîne la libération de dopamine, neuromédiateur du plaisir et de la récompense. Au premier rapport sexuel, la lulibérine prend le relais. « Contrairement à la testostérone, elle a besoin de stimuli pour être fabriquée », précise le Pr Michel Reynaud, chef du département de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital universitaire Paul-Brousse (Villejuif). « C’est elle qui va nous donner envie de continuer le rapport jusqu’à l’orgasme. » Quand il est atteint, notre cerveau est baigné d’endorphines, responsables de l’état de béatitude et de somnolence après l’amour, mais aussi d’ocytocine, à l’origine de l’attachement. « Plus on fait l’amour, plus on éprouve du plaisir, donc plus on s’attache à son partenaire », résume le spécialiste. »
Ce cocktail d’hormone est savamment préparé dans une des partie les plus archaïques du cerveau, « les noyaux gris centraux (qui représentent seulement 1/50ᵉ de la masse cérébrale) » :
« Ce qui est étonnant, c’est que le sentiment amoureux semble justement géré par de si petites et si anciennes, structures cérébrales. De façon intuitive on pourrait se dire : le sentiment amoureux est si complexe, si subtil, qu’il sollicite essentiellement le cortex cérébral – un territoire plus récent qui contrôle les activités mentales les plus subtiles de l’homme, soit les comportements non automatiques, comme la conscience. En réalité, pas du tout. Tomber amoureux relève plutôt de la subconscience, c’est-à-dire de la faculté cérébrale qui nous permet d’agir, de penser et de ressentir des émotions de façon non consciente, donc automatique.
On a déjà tous observé des pigeons amoureux qui se bécotent. Comme nous ! Or, les pigeons n’ont pratiquement pas de cortex, mais des noyaux gris centraux très développés. Tout se passe donc chez ces animaux comme chez les êtres humains : on « tombe » amoureux de manière brutale et inattendue, automatiquement, de manière subconsciente… probablement avec la contribution des structures cérébrales les plus primitives du cerveau. »
(Source Institut du cerveau et de la moelle épinière)
Ceci explique peut-être que nous ayons l’impression que l’amour est une chose instinctive, incontrôlable, imprévisible… et pourtant, nous ne tombons pas amoureux n’importe quand, n’importe comment, de n’importe qui !
Arthur et Elaine Aron, chercheurs en psychologie, pionniers dans la recherche sur l’amour, (voir leur portrait sur news.berkeley.edu/, en anglais), ont créé en 1997 une liste de 36 questions destinées à étudier les mécanismes de l’intimité. Ayant testé ce questionnaire sur des binômes d’étudiants, ils se sont rendus compte que ceux-ci avaient tendance à tomber amoureux suite à l’entretien !
Devenu viral en 2015 suite à l’article d’une universitaire américaine ayant elle-même fait l’expérience, le questionnaire est devenu célèbre… pour un pouvoir de rendre amoureux qu’il n’a pas. Ou pas exactement.
Arthur Aron, revenant sur le sujet dans un entretien avec le journal Le Monde, insiste sur le fait que le questionnaire n’est pas magique, mais permettait « d’aborder des sujets dont on ne parle pas dans une conversation banale avec quelqu’un, d’échanger des informations très personnelles – ses relations avec ses parents, ses espoirs secrets, ses échecs, ses faiblesses, ses rêves », et « de dire à plusieurs reprises ce qui vous plaît chez l’autre » - ce qui crée une configuration propice à l’apparition de l’amour.
Le chercheur ajoute :
« La plupart des gens pensent qu’ils n’ont pas « décidé » de tomber amoureux. Toute notre société s’est construite autour de ce mythe de l’amour qui arrive par enchantement. Mais en réalité, cela n’arrive pas par hasard. Pour tomber amoureux, je crois qu’il faut être prêt à se rapprocher de quelqu’un d’autre, d’avoir face à soi une personne de l’âge et du genre qui vous convient, qui vous plaît raisonnablement physiquement… Nos études montrent que le fait d’avoir des goûts communs n’est pas fondamental pour créer de l’intimité entre deux personnes. En revanche, penser que l’autre vous ressemble est très important. »
Pour le sociologue Michel Bozon, auteur de Pratique de l'amour [Livre] : le plaisir et l'inquiétude, il y a une certaine représentation culturelle de l'amour qui façonne nos attentes :
« – C’est donc parce qu’on reconnaît chez l’autre un comportement qui relève de l’amour que l’on peut nouer avec lui une relation amoureuse?
– Oui. En Occident, le modèle de l’amour courtois, puis la littérature romantique, notamment, ont façonné notre représentation de l’amour. La Rochefoucauld l’exprimait déjà au XVIIe siècle: «Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient entendu parler de l’amour». Cette imprégnation culturelle se fait aussi au contact des pairs – des personnes du même âge surtout – avec qui on discute de ce qu’on est en train de vivre. »
(Source : letemps.ch)
Le psychologue Jacques Cosnier, dans Psychologie des émotions et des sentiments, ne dit pas autre chose, lorsqu’il écrit que la première condition de l’amour passionnel « est socioculturelle : cet état survient dans les cultures qui lui offrent un statut et où les jeunes gens ont appris que ce type de relation peut exister ; » - et de rappeler que « la conception actuelle de l’amour est récente, elle remonte en Europe au moyen-âge ». Mais d’autres facteurs jouent :
« Un déterminisme biologique est souvent invoqué : « C’est la nature qui parle. » Or, la biologie permet de distinguer deux notions : la sexualisation et l’érotisation.
Le sexualisation est ce qui fait qu’un individu acquiert les attributs de son genre : masculin ou féminin.
L’érotisation est l’état d’appétence et de disponibilité présenté par l’individu sexualisé quand les circonstances s’y prêtent.
Le sexualisation est une condition nécessaire de l’érotisation, mais n’est pas suffisante. Il convient que l’individu se trouve en conditions psychophysiologiques de réceptivité et qu’il rencontre un objet érogène. C’est ce que l’on appelle en éthologie la loi du double déterminisme de l’érotisation : déterminisme endogène correspondant à la force pulsionnelle et déterminisme exogène lié à la valeur stimulante de l’objet. Tous deux se combinent en s’additionnant ou en se suppléant. »
Pour aller plus loin
- Histoire du sentiment amoureux / [Livre] / Jean-Claude Bologne
- Comment devient-on amoureux ? [Livre] / Lucy Vincent
- Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es [Livre] : de l'attachement insécurisant à l'attachement amoureux sécurisant / Marc Pistorio
- Pratique de l'amour [Livre] : le plaisir et l'inquiétude / Michel Bozon
- Tomber amoureux [Livre] / Sabrina Cerqueira
- Aimer, mais comment ? [Livre] / Jacqueline Rousseau-Dujardin
- Je, tu, nous [Livre] : le couple, le sexe et l'amour / Dr Gérard Ribes, Dr Marie Veluire ; préface du Dr Mony Elkaïm
- Un cerveau nommé désir [Livre] : sexe, amour et neurosciences / Serge Stoléru
Bonne journée.
Les mystères de l’amour sont un des grands centres d’intérêt de nos usagers, et nous y revenons souvent ! Tout d’abord, rappelons, avec une précédente réponse, s’intéressant déjà à la différence amour/amitié, que l’amour est beaucoup une question de biochimie :
« Une équipe de l’université de Syracuse a ainsi analysé 6 études (Journal of Sexual Medicine, 2010). Conclusion : lorsqu’on tombe amoureux, pas moins de 12 aires du cerveau travaillent de concert pour produire des hormones comme la dopamine, l’ocytocine, l’adrénaline ou la vasopressine qui nous rendent euphoriques. Chaque étape – la séduction, la passion, l’attachement… – met en jeu des circuits complexes. Quand une personne nous plaît, notre hypothalamus sécrète de la testostérone, qui attise le désir, et entraîne la libération de dopamine, neuromédiateur du plaisir et de la récompense. Au premier rapport sexuel, la lulibérine prend le relais. « Contrairement à la testostérone, elle a besoin de stimuli pour être fabriquée », précise le Pr Michel Reynaud, chef du département de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital universitaire Paul-Brousse (Villejuif). « C’est elle qui va nous donner envie de continuer le rapport jusqu’à l’orgasme. » Quand il est atteint, notre cerveau est baigné d’endorphines, responsables de l’état de béatitude et de somnolence après l’amour, mais aussi d’ocytocine, à l’origine de l’attachement. « Plus on fait l’amour, plus on éprouve du plaisir, donc plus on s’attache à son partenaire », résume le spécialiste. »
Ce cocktail d’hormone est savamment préparé dans une des partie les plus archaïques du cerveau, « les noyaux gris centraux (qui représentent seulement 1/50ᵉ de la masse cérébrale) » :
« Ce qui est étonnant, c’est que le sentiment amoureux semble justement géré par de si petites et si anciennes, structures cérébrales. De façon intuitive on pourrait se dire : le sentiment amoureux est si complexe, si subtil, qu’il sollicite essentiellement le cortex cérébral – un territoire plus récent qui contrôle les activités mentales les plus subtiles de l’homme, soit les comportements non automatiques, comme la conscience. En réalité, pas du tout. Tomber amoureux relève plutôt de la subconscience, c’est-à-dire de la faculté cérébrale qui nous permet d’agir, de penser et de ressentir des émotions de façon non consciente, donc automatique.
On a déjà tous observé des pigeons amoureux qui se bécotent. Comme nous ! Or, les pigeons n’ont pratiquement pas de cortex, mais des noyaux gris centraux très développés. Tout se passe donc chez ces animaux comme chez les êtres humains : on « tombe » amoureux de manière brutale et inattendue, automatiquement, de manière subconsciente… probablement avec la contribution des structures cérébrales les plus primitives du cerveau. »
(Source Institut du cerveau et de la moelle épinière)
Ceci explique peut-être que nous ayons l’impression que l’amour est une chose instinctive, incontrôlable, imprévisible… et pourtant, nous ne tombons pas amoureux n’importe quand, n’importe comment, de n’importe qui !
Arthur et Elaine Aron, chercheurs en psychologie, pionniers dans la recherche sur l’amour, (voir leur portrait sur news.berkeley.edu/, en anglais), ont créé en 1997 une liste de 36 questions destinées à étudier les mécanismes de l’intimité. Ayant testé ce questionnaire sur des binômes d’étudiants, ils se sont rendus compte que ceux-ci avaient tendance à tomber amoureux suite à l’entretien !
Devenu viral en 2015 suite à l’article d’une universitaire américaine ayant elle-même fait l’expérience, le questionnaire est devenu célèbre… pour un pouvoir de rendre amoureux qu’il n’a pas. Ou pas exactement.
Arthur Aron, revenant sur le sujet dans un entretien avec le journal Le Monde, insiste sur le fait que le questionnaire n’est pas magique, mais permettait « d’aborder des sujets dont on ne parle pas dans une conversation banale avec quelqu’un, d’échanger des informations très personnelles – ses relations avec ses parents, ses espoirs secrets, ses échecs, ses faiblesses, ses rêves », et « de dire à plusieurs reprises ce qui vous plaît chez l’autre » - ce qui crée une configuration propice à l’apparition de l’amour.
Le chercheur ajoute :
« La plupart des gens pensent qu’ils n’ont pas « décidé » de tomber amoureux. Toute notre société s’est construite autour de ce mythe de l’amour qui arrive par enchantement. Mais en réalité, cela n’arrive pas par hasard. Pour tomber amoureux, je crois qu’il faut être prêt à se rapprocher de quelqu’un d’autre, d’avoir face à soi une personne de l’âge et du genre qui vous convient, qui vous plaît raisonnablement physiquement… Nos études montrent que le fait d’avoir des goûts communs n’est pas fondamental pour créer de l’intimité entre deux personnes. En revanche, penser que l’autre vous ressemble est très important. »
Pour le sociologue Michel Bozon, auteur de Pratique de l'amour [Livre] : le plaisir et l'inquiétude, il y a une certaine représentation culturelle de l'amour qui façonne nos attentes :
« – C’est donc parce qu’on reconnaît chez l’autre un comportement qui relève de l’amour que l’on peut nouer avec lui une relation amoureuse?
– Oui. En Occident, le modèle de l’amour courtois, puis la littérature romantique, notamment, ont façonné notre représentation de l’amour. La Rochefoucauld l’exprimait déjà au XVIIe siècle: «Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient entendu parler de l’amour». Cette imprégnation culturelle se fait aussi au contact des pairs – des personnes du même âge surtout – avec qui on discute de ce qu’on est en train de vivre. »
(Source : letemps.ch)
Le psychologue Jacques Cosnier, dans Psychologie des émotions et des sentiments, ne dit pas autre chose, lorsqu’il écrit que la première condition de l’amour passionnel « est socioculturelle : cet état survient dans les cultures qui lui offrent un statut et où les jeunes gens ont appris que ce type de relation peut exister ; » - et de rappeler que « la conception actuelle de l’amour est récente, elle remonte en Europe au moyen-âge ». Mais d’autres facteurs jouent :
« Un déterminisme biologique est souvent invoqué : « C’est la nature qui parle. » Or, la biologie permet de distinguer deux notions : la sexualisation et l’érotisation.
Le sexualisation est ce qui fait qu’un individu acquiert les attributs de son genre : masculin ou féminin.
L’érotisation est l’état d’appétence et de disponibilité présenté par l’individu sexualisé quand les circonstances s’y prêtent.
Le sexualisation est une condition nécessaire de l’érotisation, mais n’est pas suffisante. Il convient que l’individu se trouve en conditions psychophysiologiques de réceptivité et qu’il rencontre un objet érogène. C’est ce que l’on appelle en éthologie la loi du double déterminisme de l’érotisation : déterminisme endogène correspondant à la force pulsionnelle et déterminisme exogène lié à la valeur stimulante de l’objet. Tous deux se combinent en s’additionnant ou en se suppléant. »
- Histoire du sentiment amoureux / [Livre] / Jean-Claude Bologne
- Comment devient-on amoureux ? [Livre] / Lucy Vincent
- Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es [Livre] : de l'attachement insécurisant à l'attachement amoureux sécurisant / Marc Pistorio
- Pratique de l'amour [Livre] : le plaisir et l'inquiétude / Michel Bozon
- Tomber amoureux [Livre] / Sabrina Cerqueira
- Aimer, mais comment ? [Livre] / Jacqueline Rousseau-Dujardin
- Je, tu, nous [Livre] : le couple, le sexe et l'amour / Dr Gérard Ribes, Dr Marie Veluire ; préface du Dr Mony Elkaïm
- Un cerveau nommé désir [Livre] : sexe, amour et neurosciences / Serge Stoléru
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter