Question d'origine :
Bonsoir,
Je me demande comment les constructeurs du Pont du Gard on calculé la pente nécessaire à l'écoulement de l'eau non seulement pour le pont, mais sur toute la longueur de l'ouvrage.
Bien cordialement.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 08/03/2011 à 15h32
Réponse du service Guichet du Savoir
Bonjour,
Le pont du Gard est la partie monumentale d'un aqueduc de près de 50 km de longueur (49 702 m), qui apportait l'eau de la Fontaine d'Eure, située au pied d'Uzès, jusqu'à la ville romaine de Nemausus, aujourd'hui Nîmes.
Source : Wikipédia
Le dénivellé de l'aqueduc de Nîmes est de 12,27 m soit 25 cm/km, et son débit à l'origine était de 40 000 m3/jour en moyenne. L'eau mettait entre 24 et 30 heures à parvenir jusqu'à Nîmes.
Source : Le site du Pont du Gard.
Alors, comment était calculé le tracé de l'aqueduc et son dénivellé?
Conduire l'eau, c'était en effet la faire descendre en contrôlant sa vitesse, et mettre en place un "specus", c'était bâtir un canal en pente dans dans lequel l'eau sécoulerait sans pression par l'effet de la gravité.
On avait donc toujours soin d’abord de n’installer que des captages assez élevés pour que, compte tenu de la distance à parcourir et de la hauteur du point d’arrivée, la pente optimale pût être obtenue sans trop de difficultés techniques.
(...)
Quand l'élévation semblait insuffisante, on s'efforçait de l'augmenter, et l'on peut voir qu'à Sens, par exemple, les drains qui faisaient monter l'eau des sources comme un puits artésien n'avaient pas seulement pour fonction d'en accroître le débit, mais aussi d'en rehausser nettement le niveau.
Il fallait ensuite arranger le canal de telle manière que l'inclinaison n'en fût jamais ni trop faible ni trop forte ; trop forte, elle aurait provoqué l'usure prématurée du conduit ou la destruction des installations d'arrivée; trop faible, elle n'aurait pas permis l'écoulement naturel des eaux, qui seraient demeurées stagnantes au pied des contrepentes nées de leurs propres limons. On devait donc à la fois se préoccuper de maintenir durablement en état le specus et d'obtenir une bonne progression de l'eau.
Pour tracer le parcours de l'aqueduc, les ingénieurs romains, nommés dans ce cas "libratores" parce qu'ils calculaient la pente appelée "libramentum", disposaient de deux appareils qui nous sont connus par les découvertes archéologiques et par les descriptions qu'ont données les théoriciens ; il s'agit dela groma , qui permettait de faire les visées indispensables, et du chorobate utilisé pour les travaux de nivellement.
La groma est représentée sur deux stèles funéraires, et un exemplaire en a été découvert en assez bon état dans un atelier de Pompéi. L'appareil est en métal et se compose essentiellement d'une croix à quatre branches, qui est fixée latéralement sur un pied d'environ deux mètres ; à l'extrémité de chacune des branches pend un fil à plomb ; la stabilité du support est assurée par un tripode ou par une pointe à planter dans le sol, et sa verticalité contrôlée par un cinquième plomb.
L'ensemble étant installé près d'un repère en position bien horizontale, et à condition que le temps soit très calme, les quatre fils permettent au géomètre d'effectuer commodément toutes les visées droites ou orthogonales nécessaires au tracé de l'aqueduc.
Plus spécifiquement adapté à la détermination des différences de niveau, le chorobate n'est connu que par la description qu'en a laissée Vitruve. Il s'agit cette fois d'une table de bois, d'environ six mètres de longueur, dont les extrémités reposent solidement sur deux pieds verticaux ; l'horizontalité peut en être vérifiée par des fils à plomb, qu'il faut placer sur des repères, ou par un niveau d'eau ménagé dans la partie supérieure et spécialement utile quand le vent vient faire osciller les plombs.
(...)
Quelle que fut cependant la méthode utilisée, il s'agissait toujours de suivre le trajet prévu pour l'aqueduc en traçant une ligne horizontale imaginaire qu'on reportait sur un plan ; en notant ensuite la distance entre cette ligne et le sol, telle que l'avait fournie le chorobate, on obtenait le profil du terrain à partir duquel les ingénieurs pouvaient établir le parcours définitif du specus, en déterminer la pente et en fixer la nature aérienne ou souterraine.
C'était donc un travail lent et minutieux, qui nécessitait, avec des manipulations délicates et des déplacements difficiles, de nombreux relevés, de nombreux calculs et l'enregistrement soigneux de nombreuses cotes qu'il fallait transcrire ensuite avec clarté sur d'innombables schémas ; si l'on ajoute que les instruments étaient imprécis par nature, et que, inévitablement exposés au soleil et à l'humidité, le bois du chorobate travaillait certainement , on comprend que les erreurs et les approximations devaient être fréquentes, et que, en général imparfaitement calculée, la pente des aqueducs ne pouvait pas être absoluement continue.
Dès la mise en service de l'adduction de Nîmes on s'apperçut, par exemple, que le specus du pont du Gard était placé trop bas et que l'eau s'en échappait par le haut ; il fallut aussitôt mettre l'aqueduc à sec et rehausser de 60 centimètres les côtés du radier.
Source: Les Romains et l'eau/ Alain Malissard, 1994, pages 166 et suivantes.
Vous trouverez des schémas du chorobate sur le site de l'Académie de Montpellier.
Enfin, voici d'autres réponses traitant du sujet :
- les aqueducs
- Aqueducs, technique de tracé
Bonjour,
Le pont du Gard est la partie monumentale d'un aqueduc de près de 50 km de longueur (49 702 m), qui apportait l'eau de la Fontaine d'Eure, située au pied d'Uzès, jusqu'à la ville romaine de Nemausus, aujourd'hui Nîmes.
Source : Wikipédia
Le dénivellé de l'aqueduc de Nîmes est de 12,27 m soit 25 cm/km, et son débit à l'origine était de 40 000 m3/jour en moyenne. L'eau mettait entre 24 et 30 heures à parvenir jusqu'à Nîmes.
Source : Le site du Pont du Gard.
Alors, comment était calculé le tracé de l'aqueduc et son dénivellé?
Conduire l'eau, c'était en effet la faire descendre en contrôlant sa vitesse, et mettre en place un "specus", c'était bâtir un canal en pente dans dans lequel l'eau sécoulerait sans pression par l'effet de la gravité.
On avait donc toujours soin d’abord de n’installer que des captages assez élevés pour que, compte tenu de la distance à parcourir et de la hauteur du point d’arrivée, la pente optimale pût être obtenue sans trop de difficultés techniques.
(...)
Quand l'élévation semblait insuffisante, on s'efforçait de l'augmenter, et l'on peut voir qu'à Sens, par exemple, les drains qui faisaient monter l'eau des sources comme un puits artésien n'avaient pas seulement pour fonction d'en accroître le débit, mais aussi d'en rehausser nettement le niveau.
Il fallait ensuite arranger le canal de telle manière que l'inclinaison n'en fût jamais ni trop faible ni trop forte ; trop forte, elle aurait provoqué l'usure prématurée du conduit ou la destruction des installations d'arrivée; trop faible, elle n'aurait pas permis l'écoulement naturel des eaux, qui seraient demeurées stagnantes au pied des contrepentes nées de leurs propres limons. On devait donc à la fois se préoccuper de maintenir durablement en état le specus et d'obtenir une bonne progression de l'eau.
Pour tracer le parcours de l'aqueduc, les ingénieurs romains, nommés dans ce cas "libratores" parce qu'ils calculaient la pente appelée "libramentum", disposaient de deux appareils qui nous sont connus par les découvertes archéologiques et par les descriptions qu'ont données les théoriciens ; il s'agit de
La groma est représentée sur deux stèles funéraires, et un exemplaire en a été découvert en assez bon état dans un atelier de Pompéi. L'appareil est en métal et se compose essentiellement d'une croix à quatre branches, qui est fixée latéralement sur un pied d'environ deux mètres ; à l'extrémité de chacune des branches pend un fil à plomb ; la stabilité du support est assurée par un tripode ou par une pointe à planter dans le sol, et sa verticalité contrôlée par un cinquième plomb.
L'ensemble étant installé près d'un repère en position bien horizontale, et à condition que le temps soit très calme, les quatre fils permettent au géomètre d'effectuer commodément toutes les visées droites ou orthogonales nécessaires au tracé de l'aqueduc.
(...)
Quelle que fut cependant la méthode utilisée, il s'agissait toujours de suivre le trajet prévu pour l'aqueduc en traçant une ligne horizontale imaginaire qu'on reportait sur un plan ; en notant ensuite la distance entre cette ligne et le sol, telle que l'avait fournie le chorobate, on obtenait le profil du terrain à partir duquel les ingénieurs pouvaient établir le parcours définitif du specus, en déterminer la pente et en fixer la nature aérienne ou souterraine.
C'était donc un travail lent et minutieux, qui nécessitait, avec des manipulations délicates et des déplacements difficiles, de nombreux relevés, de nombreux calculs et l'enregistrement soigneux de nombreuses cotes qu'il fallait transcrire ensuite avec clarté sur d'innombables schémas ; si l'on ajoute que les instruments étaient imprécis par nature, et que, inévitablement exposés au soleil et à l'humidité, le bois du chorobate travaillait certainement , on comprend que les erreurs et les approximations devaient être fréquentes, et que, en général imparfaitement calculée, la pente des aqueducs ne pouvait pas être absoluement continue.
Dès la mise en service de l'adduction de Nîmes on s'apperçut, par exemple, que le specus du pont du Gard était placé trop bas et que l'eau s'en échappait par le haut ; il fallut aussitôt mettre l'aqueduc à sec et rehausser de 60 centimètres les côtés du radier.
Source: Les Romains et l'eau/ Alain Malissard, 1994, pages 166 et suivantes.
Vous trouverez des schémas du chorobate sur le site de l'Académie de Montpellier.
Enfin, voici d'autres réponses traitant du sujet :
- les aqueducs
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