Cépages interdits
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 10/06/2005 à 07h58
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Question d'origine :
A propos de la question de Popi du 29/05/2005 concernant l'Auberlin, je vous pose la même concernant le cépage "Noa" (dont je ne connais pas l'orthographe exacte non plus). Pourquoi et quand ces cépages ont-il été interdits ? Est-ce leur culture qui est interdite ou la vinication des raisins ? Existe-il encore des cultures ? Y a t-il d'autres cépages "interdits" ?
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 10/06/2005 à 10h10
Vous avez bien lu la question, mais avez-vous lu notre réponse :
Répartition : L'oberlin noir occupait en 1958 une superficie totale de 4 500 ha. Il était notamment cultivé dans les départements du nord-est de la France. Classé autorisé en Côte-d'Or, Saône-et-Loire, Haute-Saône, Marne, Meurthe-et-Moselle et Moselle, il n'est plus multiplié dans les pépinières et ne couvre plus qu'une quarantaine d'hectares.
L'Oberlin n'est pas interdit, il continue d'être cultivé même s'il tend à disparaitre.
Sauf en regard de la législation sur les vins AOC qui définit strictement pour chaque appellation les cépages autorisés pour les assemblages, il n'existe plus de cépages interdits au sens légal du terme. Et si certains cépages ont été interdits dans les années 30 (l'Oberlin, cépage français, n'était d'ailleurs pas visé, à l'inverse du Noah, cépage américain), l'objectif relevait clairement du protectionnisme économique, sous prétexte de considérations médicales. Cette interdiction n'a par ailleurs pas été suivie par tous, en particulier par les petits producteurs :
En 1934, une loi dont l'objectif est de lutter contre la concurrence des vins algériens et de favoriser les vins de métropole de qualité, est votée : " Il est interdit d'offrir en vente et de vendre sur le marché intérieur, ainsi que d'acheter, transporter ou de planter des cépages dont la liste, déterminée par régions vinicoles, sera donnée par décret, après avis d'une commission". Le 24 janvier 1935, un décret définit les cépages interdits : le Noah, l'Othello, l'Isabelle, le Jacquez, le Clinton, l'Herbemont.
En fait, il y a longtemps que les producteurs directs, et même les porte-greffes américains faisaient l'objet de critiques de la part des vignerons de terroirs français renommés. Le vin issu des plants américains, "une piquette abominable", est appelé tour à tour "le vin des gardes-barrières", "le vin qui rend fou" (il est accusé de produire du méthanol et d'être hallucinogène), "le démon des Cévennes".
Pour les petits producteurs, ceci est parfaitement injustifié. On dit même que cette décision, qui ne pouvait en rien résoudre les problèmes de surproduction, avait de sombres dessous politiques. Ce n'était pas le Jacquez qui était visé dans le Vaucluse, mais Edouard Daladier. Ce n'était pas l'Herbemont qui était visé à Toulouse, mais Maurice Sarraut. Et il fallait bien trouver quelques compensations pour calmer les producteurs algériens…
En Ardèche, c'est la révolution ! On brandit le Clinton comme "le vin interdit", "le vin des opprimés", "le vin des causes perdues", "le vin phare de la résistance", "le vin des anarchistes" et même "le plan des Camisards" (avec quelques erreurs sur les dates…) En fait, après l'intervention de quelques personnalités, ces vins ont été tolérés pour la consommation personnelle jusqu'en 1956.
Il est aujourd'hui prouvé que ces vins, quand les raisins sont égrappés et bien vinifiés, ne produisent pas plus de méthanol que les autres vins et qu'ils ne rendent pas fous. Il faut quand même reconnaître, d'une part que les conditions de vinification par les petits producteurs n'étaient pas toujours parfaites et pouvaient entraîner une mauvaise conservation, et d'autre part que tout le monde ne respectait pas alors le conseil des médecins qui recommandaient de se limiter à un maximum de deux litres par jour et par personne.
Alors que les dernières vignes des basses montagnes ardéchoises sont peu à peu abandonnées et envahies par les ronces, il existe encore ici et là, sur quelques échamps, faysses, chalets, restanques, des pieds de Clinton, Jacquez, Noah, Isabelle, Herbemont. Il est urgent de les sauvegarder car ils ont sauvé, il y a plus d'un siècle, le vignoble ardéchois, et ils sont notre histoire. Ils ont peut-être un goût rustique particulier, un peu déroutant. Mais ils sont bien l'expression d'un terroir, d'un savoir-faire qui est si recherché aujourd'hui.
source : L'Ardèche parisienne, Jean-Claude Bouvier.
Vous pouvez également consulter l'ancien Code du vin, officiellement abrogé en 2003 (Décret n°2003-851, article 4, 2°), en particulier l'article 96 qui liste ces cépages interdits. Voici enfin texte d'analyse de la loi précitée qui reprend les discussions qui ont conduit à ces interdictions.
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