Question d'origine :
Cher Guichet,
Quels étaient les habits des hommes et des femmes (et enfants) des artisans en France au XVIIe siècle? Les maîtres ont-ils un vêtement distinct des ouvriers et étaient-ils différents suivant le métier et le province?
Bonne année 2018 !
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 20/01/2018 à 16h50
Bonjour,
Il est difficile de répondre brièvement à votre question, en partie parce que « artisans et boutiquiers n’ont jamais fait l’objet d’une étude d’ensemble, rendue difficile par l’absence d’homogénéité d’un milieu qui voit se côtoyer le gros marchand Mercier, membre des six corps dont les affaires ont un horizon international, et le modeste épinglier à la clientèle locale, le petit commerçant de détail et le négociant à l’aise dans le système corporatif, le fabricant contrôlant des ateliers divers et le chef de boutique qui y travaille avec sa famille. »
Dans la suite de La culture des apparences. Une histoire du vêtement XVIIe-XVIIIe siècle, Daniel Roche analyse les inventaires des garde-robes à Paris sous l’Ancien Régime. Il en ressort que les artisans qui dépensent le plus d’argent pour se vêtir se trouvent au sein des couches les plus ambitieuses, ce sont ceux qui ont le mieux réussi. Il y a donc sans doute plus de recherche vestimentaire chez le maître que chez l’apprenti.
Ce qui apparait aussi, c’est que les pièces des vêtements sont les mêmes pour tous les Parisiens de la fin du XVIIe : « L’habit complet est dans toutes les armoires : justaucorps, veste, culotte » pour les hommes (voir opus cité, p. 129 et suiv.). Ce qui révèle les différences est bien plutôt le nombre de ces pièces dans les garde-robes, les ornements, accessoires et bijoux qui les accompagnent, et la qualité des tissus.
On peut constater la même chose à Meaux, dans cet article dont nous reproduisons l’introduction et la conclusion :
« Les inventaires après décès fournissent un moyen d’accès pour écrire une histoire des manières de s’habiller, en complément des sources iconographiques.L’exploitation statistique d’un corpus de ce type relatif à la ville de Meaux, en Brie, entre la fin du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle, permet de définir le « costume commun », autrement dit celui porté majoritairement par les hommes et les femmes, indépendamment de leur milieu social et sans privilégier celui réservé aux élites.
[…] En 1670, comme en 1590, le costume masculin se compose d’un pourpoint et d’un haut-de-chausses. Au XVIIe siècle, ils sont coupés généralement dans un lainage (drap, serge) de couleur sombre ou neutre (du noir puis du gris) accompagnés dans la plupart des circonstances par un manteau, première esquisse d’un costume trois pièces, et portés avec un chapeau. Voilà pour l’essentiel. Mais à côté de ce modèle de base que de transformations ! Les vêtements pseudo-militaires comme le collet ou le colletin, encore nombreux à la fin du XVIe siècle, ont complètement disparu, de même que la jupe qui se portait sur le pourpoint ou à la place du pourpoint. En revanche, la casaque, apparue dans les inventaires meldois dès 1620, puis le justaucorps autour de 1640, sont venus concurrencer le manteau. Le justaucorps a rencontré tant de succès que, dans les années 1680, associé à la culotte et complété plus tard par la veste, il aura remplacé l’ensemble pourpoint et haut-de-chausses. Simultanément, les bas d’estame, de coton, de fil, plus rarement de soie se sont substitués aux vieux bas-de-chausses de drap et l’avènement, puis la multiplication des caleçons (on en trouve dans plus de 60 % des inventaires dans les années 1660) révèle de nouvelles habitudes vestimentaires.
Le costume féminin a subi une transformation plus précoce et sans doute plus radicale, quoique le principe de base ait été respecté : une superposition d’éléments qui se recouvraient en mettant en évidence une partie des vêtements de dessous. À la robe portée sur le corset ou la chemisette, majoritaire dans les années 1590, a succédé l’ensemble corps et cotte (ou jupe) généralement adopté dans les années 1660. Au cours du temps, des vêtements qui avaient tenu une place importante dans les vestiaires féminins en ont tout à fait disparu ; je citerai le corset, le garde-robe, le chaperon mentionnés dans plus des deux tiers des inventaires de la fin du XVIe siècle. Comme pour les hommes, quoique le port de la chemise fût acquis à la fin du XVIe siècle, l’usage du linge de corps s’est généralisé. L’habitude de porter en sous-vêtement une cotte de toile et un corps de toile ou de coton s’est prise au cours du XVIIe siècle. Ces transformations n’ont peut-être pas modifié sensiblement l’apparence de la femme. Pourtant, quoique la superposition de plusieurs jupes reste la règle, sa silhouette a dû s’affiner avec, sans doute, la disparition des bourrelets et, surtout, l’allègement, bien réel, dû à la régression du drap et à l’utilisation dans la confection de tissus moins épais comme la serge. Plus visible a sans doute été l’abandon progressif du noir, notamment pour les cottes, et l’épanouissement de la couleur, du violet d’abord puis du rouge et, en petite quantité, du bleu, du jaune, du vert.
À toutes les périodes, ne se distinguent du modèle commun que le petit groupe des notables (essentiellement des gens de robe) et de leurs épouses, et parfois quelques personnes très âgées, qui sont restées vêtues à la mode de leur jeunesse. L’impression dominante est celle d’une grande homogénéité en l’absence pourtant de règle écrite."
Nous vous conseillons de lire tout l’article : Jalons pour une histoire du costume commun. L’exemple de Meaux (1590-1670), Micheline Baulant. Histoire & mesure, XVI, 1-2/2001. Vous y verrez l’évolution du costume au cours du XVIIe et aussi, comme l’indique cette conclusion, qu’il n’y a pas de grandes différences de pièces d’habillement entre les artisans et les autres métiers, si ce n’est le nombre de pièces possédées, les accessoires et les tissus.
Les communautés de métiers à la Rochelle au 17e siècle, Blog de Guy Perron
Pour ce qui est du caractère régional, nous n’avons pas trouvé de texte attestant une différenciation à cette époque. Mais il semble que le caractère régional des costumes se rencontrait surtout dans les zones rurales, plus que dans les villes, et surtout pour les habits de fête. De plus, « en Europe occidentale, les premiers costumes régionaux seraient apparus vers la fin du XVIIIe siècle et ont atteint leur apogée vers la fin du XIXe siècle. » (Les costumes régionaux. Entre mémoire et histoire, compte-rendu du livre de Jean-Pierre Lethuillier par Judith Rygiel, Revue de la culture matérielle, vol. 71, printemps 2010). S’il y avait des différences au 17e, on peut donc penser qu’elles étaient plutôt à la marge, tissus, couleurs, rubans ou accessoires.
Dans le blog Les fées tisseuses, à la page Le vêtement populaire au XVIIIe, qui résume le texte de Daniel Roche pour le XVIIIe, vous pouvez lire la partie III.1 : Le vêtement indicateur de sa région.
Bonnes lectures !
Il est difficile de répondre brièvement à votre question, en partie parce que « artisans et boutiquiers n’ont jamais fait l’objet d’une étude d’ensemble, rendue difficile par l’absence d’homogénéité d’un milieu qui voit se côtoyer le gros marchand Mercier, membre des six corps dont les affaires ont un horizon international, et le modeste épinglier à la clientèle locale, le petit commerçant de détail et le négociant à l’aise dans le système corporatif, le fabricant contrôlant des ateliers divers et le chef de boutique qui y travaille avec sa famille. »
Dans la suite de La culture des apparences. Une histoire du vêtement XVIIe-XVIIIe siècle, Daniel Roche analyse les inventaires des garde-robes à Paris sous l’Ancien Régime. Il en ressort que les artisans qui dépensent le plus d’argent pour se vêtir se trouvent au sein des couches les plus ambitieuses, ce sont ceux qui ont le mieux réussi. Il y a donc sans doute plus de recherche vestimentaire chez le maître que chez l’apprenti.
Ce qui apparait aussi, c’est que les pièces des vêtements sont les mêmes pour tous les Parisiens de la fin du XVIIe : « L’habit complet est dans toutes les armoires : justaucorps, veste, culotte » pour les hommes (voir opus cité, p. 129 et suiv.). Ce qui révèle les différences est bien plutôt le nombre de ces pièces dans les garde-robes, les ornements, accessoires et bijoux qui les accompagnent, et la qualité des tissus.
On peut constater la même chose à Meaux, dans cet article dont nous reproduisons l’introduction et la conclusion :
« Les inventaires après décès fournissent un moyen d’accès pour écrire une histoire des manières de s’habiller, en complément des sources iconographiques.L’exploitation statistique d’un corpus de ce type relatif à la ville de Meaux, en Brie, entre la fin du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle, permet de définir le « costume commun », autrement dit celui porté majoritairement par les hommes et les femmes, indépendamment de leur milieu social et sans privilégier celui réservé aux élites.
[…] En 1670, comme en 1590, le costume masculin se compose d’un pourpoint et d’un haut-de-chausses. Au XVIIe siècle, ils sont coupés généralement dans un lainage (drap, serge) de couleur sombre ou neutre (du noir puis du gris) accompagnés dans la plupart des circonstances par un manteau, première esquisse d’un costume trois pièces, et portés avec un chapeau. Voilà pour l’essentiel. Mais à côté de ce modèle de base que de transformations ! Les vêtements pseudo-militaires comme le collet ou le colletin, encore nombreux à la fin du XVIe siècle, ont complètement disparu, de même que la jupe qui se portait sur le pourpoint ou à la place du pourpoint. En revanche, la casaque, apparue dans les inventaires meldois dès 1620, puis le justaucorps autour de 1640, sont venus concurrencer le manteau. Le justaucorps a rencontré tant de succès que, dans les années 1680, associé à la culotte et complété plus tard par la veste, il aura remplacé l’ensemble pourpoint et haut-de-chausses. Simultanément, les bas d’estame, de coton, de fil, plus rarement de soie se sont substitués aux vieux bas-de-chausses de drap et l’avènement, puis la multiplication des caleçons (on en trouve dans plus de 60 % des inventaires dans les années 1660) révèle de nouvelles habitudes vestimentaires.
Le costume féminin a subi une transformation plus précoce et sans doute plus radicale, quoique le principe de base ait été respecté : une superposition d’éléments qui se recouvraient en mettant en évidence une partie des vêtements de dessous. À la robe portée sur le corset ou la chemisette, majoritaire dans les années 1590, a succédé l’ensemble corps et cotte (ou jupe) généralement adopté dans les années 1660. Au cours du temps, des vêtements qui avaient tenu une place importante dans les vestiaires féminins en ont tout à fait disparu ; je citerai le corset, le garde-robe, le chaperon mentionnés dans plus des deux tiers des inventaires de la fin du XVIe siècle. Comme pour les hommes, quoique le port de la chemise fût acquis à la fin du XVIe siècle, l’usage du linge de corps s’est généralisé. L’habitude de porter en sous-vêtement une cotte de toile et un corps de toile ou de coton s’est prise au cours du XVIIe siècle. Ces transformations n’ont peut-être pas modifié sensiblement l’apparence de la femme. Pourtant, quoique la superposition de plusieurs jupes reste la règle, sa silhouette a dû s’affiner avec, sans doute, la disparition des bourrelets et, surtout, l’allègement, bien réel, dû à la régression du drap et à l’utilisation dans la confection de tissus moins épais comme la serge. Plus visible a sans doute été l’abandon progressif du noir, notamment pour les cottes, et l’épanouissement de la couleur, du violet d’abord puis du rouge et, en petite quantité, du bleu, du jaune, du vert.
À toutes les périodes, ne se distinguent du modèle commun que le petit groupe des notables (essentiellement des gens de robe) et de leurs épouses, et parfois quelques personnes très âgées, qui sont restées vêtues à la mode de leur jeunesse. L’impression dominante est celle d’une grande homogénéité en l’absence pourtant de règle écrite."
Nous vous conseillons de lire tout l’article : Jalons pour une histoire du costume commun. L’exemple de Meaux (1590-1670), Micheline Baulant. Histoire & mesure, XVI, 1-2/2001. Vous y verrez l’évolution du costume au cours du XVIIe et aussi, comme l’indique cette conclusion, qu’il n’y a pas de grandes différences de pièces d’habillement entre les artisans et les autres métiers, si ce n’est le nombre de pièces possédées, les accessoires et les tissus.
Les communautés de métiers à la Rochelle au 17e siècle, Blog de Guy Perron
Pour ce qui est du caractère régional, nous n’avons pas trouvé de texte attestant une différenciation à cette époque. Mais il semble que le caractère régional des costumes se rencontrait surtout dans les zones rurales, plus que dans les villes, et surtout pour les habits de fête. De plus, « en Europe occidentale, les premiers costumes régionaux seraient apparus vers la fin du XVIIIe siècle et ont atteint leur apogée vers la fin du XIXe siècle. » (Les costumes régionaux. Entre mémoire et histoire, compte-rendu du livre de Jean-Pierre Lethuillier par Judith Rygiel, Revue de la culture matérielle, vol. 71, printemps 2010). S’il y avait des différences au 17e, on peut donc penser qu’elles étaient plutôt à la marge, tissus, couleurs, rubans ou accessoires.
Dans le blog Les fées tisseuses, à la page Le vêtement populaire au XVIIIe, qui résume le texte de Daniel Roche pour le XVIIIe, vous pouvez lire la partie III.1 : Le vêtement indicateur de sa région.
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