Question d'origine :
Bonjour,
Je cherche à comprendre comment fonctionnait le Cursus Publicus sous Auguste. Au départ, c'étaient des personnes qui transmettaient les messages en faisant la navette entre 2 points, me semble-t-il ?
Étaient-elles à cheval ou a pied ?
Plus tard, Auguste les remplaça par des voitures pour n'avoir qu'un seul courrier sur la totalité du trajet ? Pour quelle raison ?
Par ailleurs je ne vois pas la différence entre la poste créée par l'empereur perse Cyrus qui utilisaient, elle aussi, des relais et des courriers à cheval, avec le Cursus Publicus.
Pourriez-vous m'éclairer sur toutes ces questions ? Par avance merci.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 27/10/2017 à 13h41
Bonjour,
Vous vous interrogez d’une part sur les modalités pratiques de fonctionnement du Cursus Publicus, réseau de transmission et de distribution de courriers mis en place sous l’empereur Auguste, et d’autre part sur les différences éventuelles avec le système équivalent mis en place par l’empereur perse Cyrus.
L’article Wikipedia dédié au Cursus publicus apporte des précisions sur son fonctionnement pratique :
« L’organisation de ce service commence sous Auguste :
« Pour que l’on pût facilement et plus vite lui annoncer et lui faire connaître ce qui se passait dans chaque province, il fit placer de distance en distance sur les routes stratégiques, d’abord des jeunes gens à de faibles intervalles, puis des voitures. Le second procédé lui parut plus pratique, parce que le même porteur de dépêche faisant tout le trajet, on peut en outre l’interroger en cas de besoin. » Suétone, La vie des douze Césars, Auguste XLIX
Les historiens se sont interrogés sur l'identification de ces jeunes gens chargés des messages (juvenes), qui pouvaient être des esclaves ou des affranchis impériaux ou bien des hommes libres, soldats ou civils. Selon Pflaum, il s'agirait des jeunes gens des municipalités d'Italie et des colonies provinciales, regroupés en sodalités, associations civiques qu'Auguste avait remis à l'honneur. Lorsqu'Auguste adapta l'organisation pour qu'un seul messager assure l'acheminement sur un trajet de plusieurs jours, les jeunes d'une cité n'étaient plus en mesure d'assurer un transfert qui les éloignait de leur rattachement, la poste recourut à des professionnels dédiés et à une organisation de relais d'étape. […] »
Le Grand atlas de l'Antiquité romaine : IIIe siècle av. J.-C.-VIe siècle apr. J.-C. conçu par Christophe Badel et Hervé Inglebert en 2014 confirme, dans le chapitre « Des routes et des lettres » (pp. 66-67) cet organisation de la « poste impériale, appelée cursus publicus ou vehiculatio (en fait, le premier terme, très usité par les historiens actuels, n’apparaît qu’à la fin de l’Antiquité) » :
« Inventée par Auguste, cette poste est réservée uniquement aux messagers impériaux et aux fonctionnaires, qui ne peuvent l’emprunter que s’ils présentent un diplôme signé de l’empereur. Le long des routes, un réseau de stations est mis en place, des relais-auberges (mansio) tous les 40-50 km ou de simples haltes tous les 10-15 km. Ces stations sont construites et entretenues par les cités, qui fournissent aussi les chevaux. Le pouvoir impérial, quant à lui, est censé s’occuper des messagers et des véhicules, mais il s’en décharge souvent sur les cités, ce qui occasionne tensions et mécontentement. Grâce à cette poste, les empereurs peuvent faire parvenir leurs ordres dans les provinces avec une rapidité jusqu’alors inconnue. On a calculé qu’un courrier impérial peut parcourir 75 km en une journée. »
Autre source : Sylvie Crogiez-Pétrequin apporte d’autres précisions dans son article La Poste : une idée d’avenir : « Auparavant, sous la République, des affranchis ou des esclaves étaient employés comme tabellarii (porteurs de lettres) par l'État et par les citoyens importants. Pour leur correspondance personnelle, les magistrats et les hauts dignitaires romains en voyage procédaient à des réquisitions auprès des villes traversées pour équiper leurs messagers en animaux (mules, boeufs, chevaux). Or ce système était largement insuffisant et surtout incontrôlable. Caton l'Ancien, Cicéron et d'autres ont livré de nombreux témoignages sur ce « proto » service postal. Dans son texte, Suétone évoque également la mise en place par Auguste de « voitures » (vehicula). Il s'agissait sans doute à l'origine de voitures légères à deux roues et non de chariots. Désormais, plutôt que de se relayer, un même messager pouvait accomplir sa mission et parcourir des kilomètres : il lui suffisait de changer de voiture. La parole était en effet considérée comme plus sûre que l'écrit : on ne pouvait pas la falsifier à moins de corrompre le messager. […]L'emploi de véhicules, l'organisation en relais et l'interdiction des réquisitions non autorisées auprès des populations provinciales sont les trois caractéristiques du cursus publicus mis en place sous Auguste. Elles seront maintenues pendant plusieurs siècles. »
Pour répondre à vos questions, sur le base de ces sources,il semble que les messagers cheminaient à cheval, et le même messager, changeant de « voiture », a progressivement réalisé l’ensemble du trajet, car cela permettait au destinataire de l’interroger en cas de besoin (d’après Suétone pour le second point), la parole étant « considérée comme plus sûre que l’écrit » selon Sylvie Crogiez-Pétrequin.
Une autre source majeure sur le sujet permet de répondre à votre question sur les différences éventuelles avec le système équivalent mis en place par l’empereur perse Cyrus. Il s’agit de Essai sur le cursus publicus dans le Haut-Empire de Hans-Georg Pflaum (1940), dans le chapitre premier « les postes préromaines » et sa première partie « La poste perse » :
« [La poste perse] a été fondée par Cyrus l'Ancien. C'est un service monté, qui fonctionne le long des routes de l'Empire. Les relais se trouvent à la distance qu'un seul et même cheval peut franchir dans une journée. Ces hippones sont sous la direction d'un préposé chargé de veiller au bon fonctionnement du service. Il reçoit les lettres qui arrivent.
Il les fait repartir immédiatement. Les courriers et les palefreniers affectés à la station obéissent à son commandement. Les angaroi forment un corps distingué choisi parmi les Perses les plus fidèles. Vastandès à leur tête est un des grands dignitaires de l'Empire. Il ne faut pas confondre les écuries postales avec les maisons où le roi s'arrête pour passer la nuit. La charge du ravitaillement du service postal en chevaux est supportée par le roi qui les fait élever dans ses haras. L’installation et l’entretien des relais incombent vraisemblablement aussi à la caisse du roi. La régularité du service n'est pas probable, nous ne savons rien non plus sur sa fréquence. Sa rapidité est d'environ 135 kilomètres par 24 heures. »
Des différences apparaissent ainsi avec la poste romaine, notamment la plus grande rapidité de la poste romaine, et le fait ce n’est pas forcément le même messager qui assure le trajet jusqu’au destinataire dans l'Empire perse.
A consulter :
- Essai sur le cursus publicus dans le Haut-Empire / Hans-Georg Pflaum, Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut de France. Première série, Sujets divers d'érudition Année 1940 Volume 14 Numéro 1 pp. 189-391. 8 chapitres :
• Chapitre premier. Les postes préromaines
• Chapitre II. La création du cursus publicus par Auguste
• Chapitre III. Le développement du cursus publicus et ses dirigeants
• Chapitre IV. L'évolution de la poste d'Adrien jusqu'à Septime Sévère
• Chapitre V. L'évolution de la poste romaine de Septime Sévère jusqu'à la fin du Haut-Empire
• Chapitre VI. Les courriers impériaux
• Chapitre VII. L'organisation des relais de la poste romaine
• Chapitre VIII. La rapidité du cursus publicus
- La Communication à Rome / Guy Achard (1991). Réédition en 2006. Résumé : « Rome, avec des moyens techniques relativement limités, a rapidement dépassé la Grèce et atteint une efficacité remarquable dans le domaine des réseaux de communication, décloisonnant le monde antique et mettant en contact toutes les parties d'un empire immense. Panorama du développement de ces techniques et des échanges. »
- Grand atlas de l'Antiquité romaine : IIIe siècle av. J.-C.-VIe siècle apr. J.-C. / Christophe Badel et Hervé Inglebert (2014)
- La Poste : une idée d’avenir / Sylvie Crogiez-Pétrequin, article publié dans la revue « L’Histoire », n°395, 2014/1, dans le cadre du dossier consacré à « Auguste, fondateur d’Empire ». Cet article est disponible dans la base de données en ligne Europresse accessible à la Bibliothèque municipale de Lyon.
Bonne journée.
Vous vous interrogez d’une part sur les modalités pratiques de fonctionnement du Cursus Publicus, réseau de transmission et de distribution de courriers mis en place sous l’empereur Auguste, et d’autre part sur les différences éventuelles avec le système équivalent mis en place par l’empereur perse Cyrus.
L’article Wikipedia dédié au Cursus publicus apporte des précisions sur son fonctionnement pratique :
« L’organisation de ce service commence sous Auguste :
« Pour que l’on pût facilement et plus vite lui annoncer et lui faire connaître ce qui se passait dans chaque province, il fit placer de distance en distance sur les routes stratégiques, d’abord des jeunes gens à de faibles intervalles, puis des voitures. Le second procédé lui parut plus pratique, parce que le même porteur de dépêche faisant tout le trajet, on peut en outre l’interroger en cas de besoin. » Suétone, La vie des douze Césars, Auguste XLIX
Les historiens se sont interrogés sur l'identification de ces jeunes gens chargés des messages (juvenes), qui pouvaient être des esclaves ou des affranchis impériaux ou bien des hommes libres, soldats ou civils. Selon Pflaum, il s'agirait des jeunes gens des municipalités d'Italie et des colonies provinciales, regroupés en sodalités, associations civiques qu'Auguste avait remis à l'honneur. Lorsqu'Auguste adapta l'organisation pour qu'un seul messager assure l'acheminement sur un trajet de plusieurs jours, les jeunes d'une cité n'étaient plus en mesure d'assurer un transfert qui les éloignait de leur rattachement, la poste recourut à des professionnels dédiés et à une organisation de relais d'étape. […] »
Le Grand atlas de l'Antiquité romaine : IIIe siècle av. J.-C.-VIe siècle apr. J.-C. conçu par Christophe Badel et Hervé Inglebert en 2014 confirme, dans le chapitre « Des routes et des lettres » (pp. 66-67) cet organisation de la « poste impériale, appelée cursus publicus ou vehiculatio (en fait, le premier terme, très usité par les historiens actuels, n’apparaît qu’à la fin de l’Antiquité) » :
« Inventée par Auguste, cette poste est réservée uniquement aux messagers impériaux et aux fonctionnaires, qui ne peuvent l’emprunter que s’ils présentent un diplôme signé de l’empereur. Le long des routes, un réseau de stations est mis en place, des relais-auberges (mansio) tous les 40-50 km ou de simples haltes tous les 10-15 km. Ces stations sont construites et entretenues par les cités, qui fournissent aussi les chevaux. Le pouvoir impérial, quant à lui, est censé s’occuper des messagers et des véhicules, mais il s’en décharge souvent sur les cités, ce qui occasionne tensions et mécontentement. Grâce à cette poste, les empereurs peuvent faire parvenir leurs ordres dans les provinces avec une rapidité jusqu’alors inconnue. On a calculé qu’un courrier impérial peut parcourir 75 km en une journée. »
Autre source : Sylvie Crogiez-Pétrequin apporte d’autres précisions dans son article La Poste : une idée d’avenir : « Auparavant, sous la République, des affranchis ou des esclaves étaient employés comme tabellarii (porteurs de lettres) par l'État et par les citoyens importants. Pour leur correspondance personnelle, les magistrats et les hauts dignitaires romains en voyage procédaient à des réquisitions auprès des villes traversées pour équiper leurs messagers en animaux (mules, boeufs, chevaux). Or ce système était largement insuffisant et surtout incontrôlable. Caton l'Ancien, Cicéron et d'autres ont livré de nombreux témoignages sur ce « proto » service postal. Dans son texte, Suétone évoque également la mise en place par Auguste de « voitures » (vehicula). Il s'agissait sans doute à l'origine de voitures légères à deux roues et non de chariots. Désormais, plutôt que de se relayer, un même messager pouvait accomplir sa mission et parcourir des kilomètres : il lui suffisait de changer de voiture. La parole était en effet considérée comme plus sûre que l'écrit : on ne pouvait pas la falsifier à moins de corrompre le messager. […]L'emploi de véhicules, l'organisation en relais et l'interdiction des réquisitions non autorisées auprès des populations provinciales sont les trois caractéristiques du cursus publicus mis en place sous Auguste. Elles seront maintenues pendant plusieurs siècles. »
Pour répondre à vos questions, sur le base de ces sources,
Une autre source majeure sur le sujet permet de répondre à votre question sur les différences éventuelles avec le système équivalent mis en place par l’empereur perse Cyrus. Il s’agit de Essai sur le cursus publicus dans le Haut-Empire de Hans-Georg Pflaum (1940), dans le chapitre premier « les postes préromaines » et sa première partie « La poste perse » :
« [La poste perse] a été fondée par Cyrus l'Ancien. C'est un service monté, qui fonctionne le long des routes de l'Empire. Les relais se trouvent à la distance qu'un seul et même cheval peut franchir dans une journée. Ces hippones sont sous la direction d'un préposé chargé de veiller au bon fonctionnement du service. Il reçoit les lettres qui arrivent.
Il les fait repartir immédiatement. Les courriers et les palefreniers affectés à la station obéissent à son commandement. Les angaroi forment un corps distingué choisi parmi les Perses les plus fidèles. Vastandès à leur tête est un des grands dignitaires de l'Empire. Il ne faut pas confondre les écuries postales avec les maisons où le roi s'arrête pour passer la nuit. La charge du ravitaillement du service postal en chevaux est supportée par le roi qui les fait élever dans ses haras. L’installation et l’entretien des relais incombent vraisemblablement aussi à la caisse du roi. La régularité du service n'est pas probable, nous ne savons rien non plus sur sa fréquence. Sa rapidité est d'environ 135 kilomètres par 24 heures. »
A consulter :
- Essai sur le cursus publicus dans le Haut-Empire / Hans-Georg Pflaum, Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut de France. Première série, Sujets divers d'érudition Année 1940 Volume 14 Numéro 1 pp. 189-391. 8 chapitres :
• Chapitre premier. Les postes préromaines
• Chapitre II. La création du cursus publicus par Auguste
• Chapitre III. Le développement du cursus publicus et ses dirigeants
• Chapitre IV. L'évolution de la poste d'Adrien jusqu'à Septime Sévère
• Chapitre V. L'évolution de la poste romaine de Septime Sévère jusqu'à la fin du Haut-Empire
• Chapitre VI. Les courriers impériaux
• Chapitre VII. L'organisation des relais de la poste romaine
• Chapitre VIII. La rapidité du cursus publicus
- La Communication à Rome / Guy Achard (1991). Réédition en 2006. Résumé : « Rome, avec des moyens techniques relativement limités, a rapidement dépassé la Grèce et atteint une efficacité remarquable dans le domaine des réseaux de communication, décloisonnant le monde antique et mettant en contact toutes les parties d'un empire immense. Panorama du développement de ces techniques et des échanges. »
- Grand atlas de l'Antiquité romaine : IIIe siècle av. J.-C.-VIe siècle apr. J.-C. / Christophe Badel et Hervé Inglebert (2014)
- La Poste : une idée d’avenir / Sylvie Crogiez-Pétrequin, article publié dans la revue « L’Histoire », n°395, 2014/1, dans le cadre du dossier consacré à « Auguste, fondateur d’Empire ». Cet article est disponible dans la base de données en ligne Europresse accessible à la Bibliothèque municipale de Lyon.
Bonne journée.
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