Question d'origine :
Mon guichet préféré, bonsoir !
Oui, je sais, vous n'êtes pas juristes, mais moi non plus...
Je travaille dans un établissement assimilable à une université.
Quelques jours avant le 2eme tour des présidentielles, le directeur général, professeur d'université, a envoyé à l'ensemble du personnel, enseignant ou non,
un courriel contenant des consignes de vote très précises.
Une rumeur non vérifiée raconte qu'un PU ne serait pas astreint à ce
fameux devoir de réserve du fonctionnaire. Est-ce exact ?
Réponse du Guichet
bml_soc
- Département : Société
Le 20/05/2017 à 15h17
Le devoir de réserve est régulièrement invoqué et provoque souvent la polémique, notamment dans les milieux universitaires. En 2009, un chercheur du CNRS avait par exemple fait l’objet d’une procédure disciplinaire pour manquement à son devoir de réserve, ce qui avait déclenché une affaire médiatique où de nombreux chercheurs avaient pris parti. Plus récemment, de nombreuses universités ont vu leurs présidents être accusés du même manquement dans le contexte des élections présidentielles : l’université Paris-Descartes, l’université de Poitiers, l’université de Picardie ou encore celui d’Angers. Comment fonctionne le devoir de réserve ?
Le devoir de réserve n’est pas prévu dans les statuts de la fonction publique, par exemple dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dite loi Le Pors, comme l’a précisé le Ministre de la fonction publique et de la réforme de l’État dans une réponse à une question écrite d'un député, publiée au Journal Officiel de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2001 :
« L’obligation de réserve, qui contraint les agents publics à observer une retenue dans l’expression de leurs opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire, ne figure pas explicitement dans les lois statutaires relatives à la fonction publique. »
C’est le Conseil d’Etat dans son arrêt « Bouzanquet » du 15 janvier 1935 (voir également la pièce jointe ci-dessous) qui a consacré ce principe pour la première fois. C’est donc un devoir d’origine essentiellement jurisprudentielle, depuis ancré dans les devoirs du fonctionnaire, qui doit toutefois être concilié avec les droits du citoyen du fonctionnaire, comme le rappelle dans le même texte le Ministre :
« il convient de rappeler, au plan des principes, que cette obligation de réserve ne saurait être conçue comme une interdiction pour tout fonctionnaire d’exercer des droits élémentaires du citoyen : liberté d’opinion et, son corollaire nécessaire dans une démocratie, liberté d’expression. Ces droits sont d’ailleurs, eux, expressément reconnus par l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (...) »
Par nature, le périmètre du devoir de réserve du fonctionnaire est donc délimité au cas par cas par la jurisprudence selon la nature de ses fonctions, son rang hiérarchique ou encore aux circonstances dans lesquelles l’agent s’exprime, et doit être conjugué avec ses droits, en particulier le principe de la liberté d’opinion prévu à l’article 6 de la loi Le Pors. C’est donc au juge d’apprécier au cas par cas les limites imposées au droit d’expression des fonctionnaires par le devoir de réserve, mais aussi l’articulation du devoir de réserve avec d’autres principes juridiques. Pour cela, nous vous conseillons de consulter le Code de la fonction publique édité chez Dalloz qui comporte une section abondante et particulièrement fouillée sur cette question. A titre d’exemple, le Conseil constitutionnel avait considéré dans sa décision n°83-165 DC du 20 janvier 1984 que le principe de l’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur se rattache partiellement à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme concernant la liberté de communication des pensées et constitue aussi un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
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