Manufactures des trois montagnes
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 21/07/2014 à 13h53
176 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je recherche des informations sur la manufacture textile des trois montagnes à Moscou, qui a connu son apogée dans la seconde moitié du 19e siècle. Elle a vraisemblablement fait appel à de la main d’œuvre étrangère, notamment française. Que sait-on de ces flux migratoires ? A-t-on gardé une trace de l'expatriation des français entre 1850 et 1900 vers Moscou pour aller travailler dans cette société ?
Merci d'avance
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 22/07/2014 à 14h19
Bonjour,
Concernant les chiffres de l’émigration des français vers la Russie, voici les données qu’on trouve dans D’une révolution, l’autre : les Français en Russie de 1789 à 1917, de Paul Gerbod (consultable dans Persée) :
Jusqu’en 1830, le nombre moyen des voyageurs et émigrants pour la Russie est de l’ordre d’une centaine par an. Ces départs qui représentent moins de 2% de l’ensemble des voyageurs et émigrants annuels peuvent parfois s’élever jusqu’à 150-200. […] Sous la Monarchie de Juillet et la Seconde République, le rythme annuel des départs s’accélère. Ils sont de l’ordre de 200 dans les années trente ; ils dépassent les 300 dans les années quarante ; en 1851 l’on note même un chiffre record : 834 départs dont 556 dans la Seine. Mais dans les premières années du Second Empire, les candidats se font plus rares : en 1852, ils sont 474, en 1853, 289 et en 1854 seulement 70 (c’est, il est vrai, l’époque de la guerre de Crimée).
Les départs se font plus nombreux après le traité de Paris qui ouvre une ère de pais entre les deux nations. Voyageurs et émigrants entrés en Russie en 1856 sont environ un millier ; entre 2000 et 2500 dans les années qui suivent et, en 1860, l’on atteint le chiffre de 4998. Un recul s’esquisse entre 1861 et 1870 : de 1861 à 1865, la moyenne annuelle des départs est de 1173 (entre 2091 et 742) et de 1467 de 1866 à 1870. De 1871 à 1885 les moyennes quinquennales s’élèvent de nouveau : 3106 (1871-1875), 5217 (1876-1880), 3470 (1881-1885) : le chiffre record est atteint en 1877 avec 6976 entrées dans l’empire de Russie ; l’étiage se situe en 1884 avec 1692 entrées.
En un demi-siècle, de 1835 à 1885, la présence française n’a cessé de s’affirmer au plan quantitatif : entre 90 000 et 100 000 français seraient entrés en Russie, soit comme voyageurs, soit comme émigrants. De plus, entre 1854 et 1855, près de 150000 soldats et officiers participent à l’expédition de Crimée. Les pertes sont considérables : elles sont de l’ordre de 90 000 victimes, tuées au combat ou ayant succombé à la dysenterie.
[…]parmi les candidats au départ pour la Russie, les émigrants définitifs ou temporaires sont fort peu nombreux. En trente ans, de 1856 à 1885, le solde de l’émigration, en tenant compte du nombre des arrivées et des départs tous les cinq ans, est de 3300 soit une moyenne annuelle de 110 avec un maximum entre 1856 et 1860 de 1100, soit 220 par an et un minimum de 114 de 1866 à 1870, soit à peine 23 par an. Il s’agit là de références minimales car l’on tient compte des retours d’émigrants. Ainsi, en trois ans, de 1858 à 1860, l’on recense près de 1200 français qui se proposent d’émigrer en Russie soit environ 30% des départs.
[…]Ces émigrants viennent au fil des ans renforcer ou renouveler les colonies françaises déjà établies en Russie avant 1815. En 1818, les Français sont au nombre de 4000 à Saint-Pétersbourg, 3027 en 1843 et 2760 en 1848. A Moscou, en 1843, sur 2700 étrangers l’on compterait seulement 600 français.
[…] Parmi les français et françaises établis en Russie figurent tout d’abord les membres du corps diplomatique et consulaire ainsi que leurs familles.
[…] Au-delà de cette représentation diplomatique et consulaire, de nombreux français et françaises s’insèrent dans la vie économique et culturelle. On les retrouve dans les divers commerces de l’alimentation, en particulier dans les deux capitales, les métiers de la mode (tailleurs et couturières), l’hôtellerie et la librairie. D’autres sont négociants en gros ou industriels, médecins ou ingénieurs. […]
Des français et françaises enseignent également la langue française dans des gymnases, institutions et pensions. D’autres sont précepteurs et gouvernantes. […] L’on compte également des artistes […].
Au nombre des Français qui se rendent en Russie figurent un certain nombre de savants chargés d’une mission officielle.[…]
Beaucoup plus nombreux sont ceux qui voyagent pour leur agrément […].
Les seules sources d’information substantielles en français que nous ayons trouvée sur la manufacture des Trois-Montagnes (ou manufacture Trekhgornaya) : Industriels moscovites : Le secteur cotonnier, 1861-1914 (disponible sur Persée) et La Russie textile de la Piscine (empruntable à la BmL) ne mentionnent pas de main d’œuvre venant de la France.
Cependant, il ne semble pas déraisonnable d’imaginer que certains des employés (techniciens étrangers de haute qualification) aient pu être français, puisque Sergej Prohorov, l’un des deux frères détenant la manufacture, se rendait régulièrement à Paris et à Mulhouse pour y voir les nouvelles modes de tissus et les derniers progrès de la chimie industrielle. A partir de 1894 toutefois les techniciens étrangers furent peu à peu remplacés par des Russes, anciens élèves des écoles techniques.
Dès 1816 une des spécificités de cette manufacture est la création d’une école visant à former le personnel qualifié de l’usine (alors que jusque-là, on faisait venir des spécialistes de l’étranger), et accueillant les enfants des ouvriers (puis, suite à une épidémie de choléra à Moscou, une centaines de garçons et de filles orphelins). Beaucoup d’entre eux restent travailler à la manufacture en tant qu’ouvriers qualifiés.
Nous sommes désolés de ne pouvoir vous renseigner davantage.
Bonne journée.
Concernant les chiffres de l’émigration des français vers la Russie, voici les données qu’on trouve dans D’une révolution, l’autre : les Français en Russie de 1789 à 1917, de Paul Gerbod (consultable dans Persée) :
Jusqu’en 1830, le nombre moyen des voyageurs et émigrants pour la Russie est de l’ordre d’une centaine par an. Ces départs qui représentent moins de 2% de l’ensemble des voyageurs et émigrants annuels peuvent parfois s’élever jusqu’à 150-200. […] Sous la Monarchie de Juillet et la Seconde République, le rythme annuel des départs s’accélère. Ils sont de l’ordre de 200 dans les années trente ; ils dépassent les 300 dans les années quarante ; en 1851 l’on note même un chiffre record : 834 départs dont 556 dans la Seine. Mais dans les premières années du Second Empire, les candidats se font plus rares : en 1852, ils sont 474, en 1853, 289 et en 1854 seulement 70 (c’est, il est vrai, l’époque de la guerre de Crimée).
Les départs se font plus nombreux après le traité de Paris qui ouvre une ère de pais entre les deux nations. Voyageurs et émigrants entrés en Russie en 1856 sont environ un millier ; entre 2000 et 2500 dans les années qui suivent et, en 1860, l’on atteint le chiffre de 4998. Un recul s’esquisse entre 1861 et 1870 : de 1861 à 1865, la moyenne annuelle des départs est de 1173 (entre 2091 et 742) et de 1467 de 1866 à 1870. De 1871 à 1885 les moyennes quinquennales s’élèvent de nouveau : 3106 (1871-1875), 5217 (1876-1880), 3470 (1881-1885) : le chiffre record est atteint en 1877 avec 6976 entrées dans l’empire de Russie ; l’étiage se situe en 1884 avec 1692 entrées.
En un demi-siècle, de 1835 à 1885, la présence française n’a cessé de s’affirmer au plan quantitatif : entre 90 000 et 100 000 français seraient entrés en Russie, soit comme voyageurs, soit comme émigrants. De plus, entre 1854 et 1855, près de 150000 soldats et officiers participent à l’expédition de Crimée. Les pertes sont considérables : elles sont de l’ordre de 90 000 victimes, tuées au combat ou ayant succombé à la dysenterie.
[…]parmi les candidats au départ pour la Russie, les émigrants définitifs ou temporaires sont fort peu nombreux. En trente ans, de 1856 à 1885, le solde de l’émigration, en tenant compte du nombre des arrivées et des départs tous les cinq ans, est de 3300 soit une moyenne annuelle de 110 avec un maximum entre 1856 et 1860 de 1100, soit 220 par an et un minimum de 114 de 1866 à 1870, soit à peine 23 par an. Il s’agit là de références minimales car l’on tient compte des retours d’émigrants. Ainsi, en trois ans, de 1858 à 1860, l’on recense près de 1200 français qui se proposent d’émigrer en Russie soit environ 30% des départs.
[…]Ces émigrants viennent au fil des ans renforcer ou renouveler les colonies françaises déjà établies en Russie avant 1815. En 1818, les Français sont au nombre de 4000 à Saint-Pétersbourg, 3027 en 1843 et 2760 en 1848. A Moscou, en 1843, sur 2700 étrangers l’on compterait seulement 600 français.
[…] Parmi les français et françaises établis en Russie figurent tout d’abord les membres du corps diplomatique et consulaire ainsi que leurs familles.
[…] Au-delà de cette représentation diplomatique et consulaire, de nombreux français et françaises s’insèrent dans la vie économique et culturelle. On les retrouve dans les divers commerces de l’alimentation, en particulier dans les deux capitales, les métiers de la mode (tailleurs et couturières), l’hôtellerie et la librairie. D’autres sont négociants en gros ou industriels, médecins ou ingénieurs. […]
Des français et françaises enseignent également la langue française dans des gymnases, institutions et pensions. D’autres sont précepteurs et gouvernantes. […] L’on compte également des artistes […].
Au nombre des Français qui se rendent en Russie figurent un certain nombre de savants chargés d’une mission officielle.[…]
Beaucoup plus nombreux sont ceux qui voyagent pour leur agrément […].
Les seules sources d’information substantielles en français que nous ayons trouvée sur la manufacture des Trois-Montagnes (ou manufacture Trekhgornaya) : Industriels moscovites : Le secteur cotonnier, 1861-1914 (disponible sur Persée) et La Russie textile de la Piscine (empruntable à la BmL) ne mentionnent pas de main d’œuvre venant de la France.
Cependant, il ne semble pas déraisonnable d’imaginer que certains des employés (techniciens étrangers de haute qualification) aient pu être français, puisque Sergej Prohorov, l’un des deux frères détenant la manufacture, se rendait régulièrement à Paris et à Mulhouse pour y voir les nouvelles modes de tissus et les derniers progrès de la chimie industrielle. A partir de 1894 toutefois les techniciens étrangers furent peu à peu remplacés par des Russes, anciens élèves des écoles techniques.
Dès 1816 une des spécificités de cette manufacture est la création d’une école visant à former le personnel qualifié de l’usine (alors que jusque-là, on faisait venir des spécialistes de l’étranger), et accueillant les enfants des ouvriers (puis, suite à une épidémie de choléra à Moscou, une centaines de garçons et de filles orphelins). Beaucoup d’entre eux restent travailler à la manufacture en tant qu’ouvriers qualifiés.
Nous sommes désolés de ne pouvoir vous renseigner davantage.
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter