Question d'origine :
Bonjour,
Dans la chanson (magnifique) de Jacques Brel "La ville s'endormait", il y chante "et je ne suis pas bien sûr, comme chante un certain, qu'elles [les femmes] soient l'avenir de l'homme". C'est Jean Ferrat qui a chanté ce texte de "La femme est l'avenir de l'homme".
Les deux chanteurs étaient-ils donc en mauvais termes ?
Par ailleurs, où est-il possible de trouver des explications aux nombreuses chansons de Jacques Brel, parfois obscures... ?
Merci!
Réponse du Guichet
bml_mus
- Département : Musique
Le 15/07/2010 à 15h46
Au delà d'éventuels "mauvais termes", plus que politique, l'opposition entre Jacques Brel et Jean Ferrat est une différence d'attitude vis-à-vis des femmes et de manière plus générale face à la vie. En schématisant, on pourrait dire qu'a contrario de l'optimisme révolutionnaire du chanteur engagé, il y a le pessimisme dynamique, le désenchantement révolté devant l'absurdité de Jacques Brel.
Les femmes dans la relation amoureuse sont pour Brel des ennemies, des tricheuses. De nombreuses chansons, parfois beaucoup plus anciennes que La ville s'endormait en attestent, comme par exemple Le prochain amour qui sera pour lui "la prochaine défaite" (1961). Cela n'empêche pas Jacques Brel d'évoquer la puissance de l'amour dans les termes optimistes de Quand on n'a que l'amour, mais il semble qu'entre la création de la chanson en 1956 et son second enregistrement en 1972, l'amour devienne plus la force positive que Brel oppose au monde et moins la seule union d'un couple.
Cinq ans plus tard, lorsque Brel sort Les Marquises dont La ville s'endormait est la deuxième chanson, rien ne dissimule la violence de l'amertume d'un homme qui exprime alors violemment son opposition à la vision "progressiste" de Ferrat et Aragon. Notez quand même que la chanson se termine par l'évocation de l'amour avec la "demoiselle inconnue" "sous le lin qui dansait".
Rien n'est simple avec Brel, humaniste amer, amoureux écorché.
Quant aux relations personnelles entre Jacques Brel et Jean Ferrat, nous n'avons rien trouvé qui permette de les décrire sérieusement. une même anecdote est rapportée d'abord par Olivier Todd dans Jacques brel : une vie (mais l'anticommunisme de l'auteur ne permet pas de certitude) et reprise dans le Jean Ferrat de Jean-Dominique Brierre : Jacques Brel a chanté à laFête de l’Humanité de 1965 et aurait dit à son ami Jacques Zwick « …moi qui ne suis pas communiste, mais qui trouve que ces gens se battent pour des idées généreuses et qu’on doit les aider, j’y vais, sans être communiste, comme un con, à l’œil. Et Ferrat, nettement plus communiste que moi, se fait payer. » Mais il ne s’agit sans doute pas d’une querelle d’ennemis, Brierre classe cela au rang de « l’incompréhension de certains chanteurs amis ». Nous ne pouvons vous en dire plus sur ces relations.
Pour parfaire votre compréhension des chansons de Jacques Brel, reportez vous d’abord au texte écrit. Tout Brel dans la collection 10/18 est disponible dans de nombreuses bibliothèques, mais épuisé en librairie. L'oeuvre intégrale chez Robert Laffont est disponible dans de nombreuses bibliothèques et en librairie.
Parmi les critiques qui vous aideront à appréhender les chansons, on peut citer le Profil d’une œuvre de Bruno Hongre et Paul Lidsky consacré aux Chansons de Jacques Brel dans une collection destinée d’abord aux lycéens, voire Penser avec Jacques Brel de Laurent Bibard, mais la référence est l’ouvrage de Stéphane Hirschi Jacques Brel, chant contre silence, qui nous a bien servi pour faire cette réponse. Publié à la Libraire Nizet au prix de 29 euros, il est annoncé actuellement comme « en attente de réimpression chez l’éditeur », mais si vous voulez vraiment approfondir votre approche des chansons de Brel, c’est lui qu’il vous faut. Commandez-le chez votre libraire, cela incitera peut-être l’éditeur à hâter la réimpression. Sinon découvrez-le en bibliothèque !
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