Pourquoi est-ce lâche de s'en prendre à plus faible que soi ?
Question d'origine :
D'où vient l'idée morale 'que c'est lâche de s'en prendre à plus faible que soi'?
Réponse du Guichet
L'idée qu'il est lâche de s'en prendre à plus faible que soi découle probablement de plusieurs doctrines différentes, nous pensons principalement à la religion ainsi qu'aux organisations sociales dictées par les contractualistes Rousseau et Hobbes mais aussi, plus anciennement, aux vertus telles que dictées par Aristote ou encore l'impératif catégorique de Kant.
Bonjour,
L'idée de s'attaquer à quelqu'un de plus faible est comme vous le soulignez, avant tout une question morale et éthique. Nous vous redirigeons premièrement vers toutes vos précédentes questions concernant les valeurs ainsi que la morale, dans lesquelles vous trouverez de nombreuses références et lectures sur les sujets, si vous ne les avez pas déjà consultées.
Pour aller un peu plus loin, nous pouvons d'ores et déjà retracer l'idée de "vertu" en la liant à votre question. Aristote établit un cadre solide, qui sera repris plus tard par de nombreux philosophes, concernant ces vertus. Il s'agit selon lui d'une certaine tempérance, d'une volonté de ne pas céder aux extrêmes, et de faire preuve de justice. Il est ici assez aisé de comprendre en quoi ne pas s'attaquer au plus faible témoignerait d'un sens de la justice. On peut même y voir de la tempérance dans le refus de violence à autrui. Voir à ce sujet l'article de Michel Meyer, L'éthique selon la vertu : d'Aristote à Comte-Sponville, publié dans la revue internationale de philosophie n°258
Vous pourrez retrouver ces points dans l'ouvrage du Philosophe Ethique à Nicomaque.
Emmanuel Kant nous parle de son côté de l'impératif catégorique. A travers sa célèbre phrase "Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en une loi universelle". On peut lire qu'il faut préférer des actions qui nous semblent applicables au reste de l'humanité. Serait-il bon que je m'attaque à plus faible que moi si tout le monde le faisait ? Probablement pas selon un grand nombre de personnes. Dans ce cas, il est de l'impératif catégorique de ne pas s'attaquer aux plus faibles. Selon l'impératif hypothétique, ne pas s'attaquer au plus faible représenterait un moyen et non une fin, nous nous écartons ici du cadre universel et absolument moral pour tendre vers l'empirique. Avoir une bonne réputation pourrait passer par une absence de violence envers les plus faibles. Vous pouvez retrouver ces questions dans Fondements de la métaphysique des moeurs.
S'attaquer aux plus faibles est par définition à la portée des plus forts. Pourquoi est-ce que les personnes ayant l'ascendant physique et psychologique ne prennent-ils pas cette position d'ascendance ? Ici se trouve la base du contractualisme, théorie selon laquelle les plus fort mettent une partie de leur liberté de côté au profit du contrat social. Les plus faibles se trouvent protégés des potentiels assauts et des violences. De telles idées sont traitées dans les ouvrages comme Léviathan de Hobbes, ou Rousseau et "Du contrat social". Ajoutez à cela la position utilitariste et l'hédonisme de John Stuart Mill, et il s'agit désormais d'éviter tout ce qui peut apporter le malheur :
Dans les versions classiques de l’utilitarisme, ce principe d’utilité se double d’un impératif de maximisation, selon lequel, lorsque nous agissons, nous devons choisir l’action qui contribue le plus au bonheur de l’humanité, de telle sorte qu’il ne peut pas y avoir d’action meilleure que celle que nous avons le devoir d’accomplir.
Florian Cova, François Jaquet, "Qu'est-ce que l'Utilitarisme ?" issu de "La morale", 2012
Il existe cela dit des philosophes comme Nietzsche qui court-circuitent ce circuit d'une science fondée sur la morale, et qui met au premier plan ce qu'il a appelé, la "volonté de puissance". Ici, il n'existe plus d'actes moraux ou amoraux, simplement des individus qui souhaitent exprimer leur volonté de puissance, bien souvent, si ce n'est tout le temps, sur les autres.
Tous ces philosophes se sont exprimées sur cette question, mais il reste un domaine d'étude que nous n'avons pas encore cité, qui semblerait aussi véhiculer une telle idée, il s'agit de la religion. En effet, la bonté et l'aide de son prochain restent des valeurs clés prônées par beaucoup de religions, d'autant plus lorsqu'il s'agit de personnes "plus faibles que soi". Il se peut que cette valeur ait transpiré dans l'inconscient collectif ou les raisonnements de divers figures intellectuelles. Nombreuses sont les louanges aux saints et religieux/ses ayant aidé les pauvres ou les plus démunis. Un inversement logique nous laisserait penser que l'église aurait très mal vu de s'en prendre à ces derniers ? Cette inversion donne aussi lieu a des images de déséquilibre qui soulignent le courage des plus faibles qui s'attaquent aux plus forts, comme dans l'épisode de David et Goliath.
En espérant vous avoir aidé,