Les Français grandissent-ils au fil des générations ?
Question d'origine :
Madame, Monsieur,
Les français deviennent-ils de plus en plus grand au fil des générations ?
Si oui, est-ce une tendance uniquement européenne, ou mondiale ?
Et si oui, est-ce inéluctable d'après les scientiques (l'homme sera toujours de plus en plus grand) ou non (l'homme grandit à tel siècle, puis rétrécit au suivant, etc) ?
Bien respectueusement,
Réponse du Guichet

Depuis plusieurs générations, les français ont effectivement bien grandi avec une nette accélération au XXe siècle. Cette augmentation tend toutefois à se tasser : depuis quelques années, notre taille n'évolue quasiment plus. Elle peut même diminuer si l'environnement économique, sanitaire et alimentaire apparaît moins favorable.
Toutefois, "Notre corps ne devrait pas changer notablement d'apparence dans les prochains millénaires" de l'avis de certains scientifiques.
Bonjour,
D'après les chiffres publiés en 2011 par l'ENNS, la taille moyenne des français serait de 1,74 m pour les hommes et 1,61 m pour les femmes.
On retrouve également un comparatif entre divers pays sur le site www.donneesmondiales.com.
Un article du journal Le Monde répond à quelques unes de vos interrogations :
Taille : le tassement de la croissance
Jamais l'humain n'a autant grandi qu'au XXe siècle : une dizaine de centimètres en moyenne, et bien davantage dans certains pays. En Iran, les hommes ont gagné 17 cm en cent ans, les femmes sud-coréennes 20 cm, selon des données publiées le 26 juillet par une équipe internationale dans la revue eLife. Mais cette poussée de croissance marque désormais le pas. « Beaucoup de signaux indiquent que cette phase séculaire s'est récemment terminée », souligne Joerg Baten, professeur d'histoire de l'économie à l'université de Tuebingen (Allemagne), qui a analysé les données anthropométriques depuis 1810 dans 156 pays. C'est notamment le cas dans la plupart des pays d'Europe, continent leader par la taille moyenne de ses habitants. « Aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves, la taille des jeunes de 20 ans n'a pas augmenté cette dernière décennie », précise M. Baten.
La stature stagne aussi dans certaines zones d'Asie, au Bangladesh et au Japon, par exemple. Elle a même commencé à diminuer dans des pays africains. Ainsi, depuis environ une génération, la taille moyenne se réduit en Egypte, en Ouganda, en Sierra Leone... Les jeunes adultes y sont aujourd'hui plus petits qu'il y a cinquante ans.
Comment expliquer ces évolutions, et que présagent-elles pour l'avenir?
Aubaine pour les chercheurs, les données ne manquent pas et permettent des analyses sur de longues périodes. Militaires, criminels, esclaves ou domestiques ont vu leur taille répertoriée, notamment en Europe, depuis le XIXe siècle. Les anthropologues, de leur côté, mesurent les squelettes des premiers hommes. « Sur une échelle de temps longue, les caractéristiques morphologiques humaines ont peu évolué , constate le médecin et anthropologue Alain Froment (Musée de l'homme). L'homme de Cro-Magnon, qui vivait il y a environ quarante mille ans, mesurait souvent plus de 1,70 m, et son squelette était peu différent du nôtre. La taille a ensuite diminué d'une dizaine de centimètres du néolithique au XVIIIe siècle, du fait de conditions difficiles. Les gens vivaient entassés, leur alimentation était très dépendante des récoltes, et ils étaient soumis à de nombreuses maladies infectieuses infantiles, qui peuvent affecter la croissance. » L'amélioration des conditions de vie, de l'alimentation, les progrès de l'hygiène et de la médecine au XIXe et surtout au XXe siècle s'est accompagnée d'une croissance impressionnante de la stature moyenne.
Avec des bénéfices non négligeables pour l'espèce. « Nous avons montré que, jusque dans les années 1970, un centimètre supplémentaire correspond à 1,2 année d'espérance de vie en plus », indique M. Baten, en précisant que ce calcul s'applique à une population, pas à l'échelle individuelle. D'autres études ont retrouvé des liens positifs entre la taille et le niveau du QI. Les grands feraient de meilleures études, occuperaient davantage des postes à responsabilités...
La croissance de la taille ces cent dernières années a cependant été variable d'un pays à l'autre, en raison de facteurs génétiques et d'environnement. Au total, environ 700 gènes sont impliqués dans la détermination de la stature d'un individu. « Leur rôle n'est pas encore parfaitement élucidé, mais il est évident . Il existe par exemple des nanismes insulaires, liés à l'isolement et l'endogamie », cite Alain Froment. Surtout, le poids de l'environnement et des paramètres socio-économiques apparaît majeur, notamment par l'alimentation. « Le sucre, dont la consommation a beaucoup augmenté au XXe siècle, induit une réponse insulinique, qui est anabolisante », insiste l'anthropologue. L'appétence traditionnelle des Européens (notamment des Néerlandais) pour les produits lactés, riches en calcium et en protéines, est aussi avancée pour expliquer leur croissance record. Mais les nouvelles habitudes alimentaires, avec une moindre consommation de lait et de viande, pourraient bien changer la donne. « Aux Pays-Bas, la consommation de lait a baissé de 5 % entre 2000 et 2010 », souligne M. Baten . Le contexte de crise économique pourrait aussi jouer. « En Allemagne, on a constaté que les enfants dont les parents sont au chômage sont plus petits », note encore Joerg Baten.
Selon ce chercheur, ce coup d'arrêt de la croissance n'est pas forcément définitif. « Il n'y a pas de raison que les Européens n'atteignent pas au moins le niveau actuel des Néerlandais (recordmen mondiaux), 1,83 m pour les hommes et 1,71 pour les femmes », estime-t-il.
Et à plus long terme? Développement technologique ou bricolage génétique mis à part, notre corps ne devrait pas changer notablement d'apparence dans les prochains millénaires, prévoit Alain Froment. « L'espèce est programmée pour une certaine taille, un certain poids. Les extrêmes ne sont généralement pas favorables », justifie-t-il.
source : L'être humain a-t-il atteint ses limites ? / Sandrine Cabut et Nathaniel Herzberg - Le Monde - Science & techno, mercredi 4 janvier 2017
Concernant les jeunes adultes de 18 ans, le quotidien du médecin explique qu'entre 1979 et 2018, leur taille n'a pratiquement pas évolué :
Nos jeunes adultes sont-ils vraiment plus grands et plus gros que leurs grands-parents??
On peut en effet estimer qu’il y a près de deux générations qui séparent les jeunes adultes de la courbe de Sempé (1979) et ceux de la courbe du CRESS-AFPA (2018). Eh bien, les résultats des tailles en fin de croissance des filles et des garçons montrent que, contrairement à la croyance de bien des gens, cette taille est quasiment la même (voir courbes 1 et 2 filles et garçons).
- Les petits sont toujours petits : 162 cm à – 2 DS à 18 ans pour les garçons CRESS - AFPA versus 163 cm en fin de croissance pour les garçons GFA ; 152 cm pour les filles AFPA – CRESS et GFA.
- Les moyens sont toujours moyens (différence non significative mais médiane de la population CRESS - AFPA non publiée et donc statistiquement non comparable à la moyenne Sempé),
- Mais les grands sont plus grands. Avec, à 18 ans, 190 cm à 18 ans pour les garçons AFPA-CRESS versus 187 cm GFA, soit + 3 cm (+0,5 DS) ; 177 cm pour les filles AFPA -CRESS versus 174,5 cm GFA, soit + 2,5 cm (+0,5 DS) .
Il n’y a donc pas d’augmentation séculaire de la taille adulte stricto sensu puisqu’il n’y a pas de modifications pour les petits et les moyens, mais un simple élargissement de la répartition de la population de + 0,5 DS au profit des plus grands.
source : Médecines complémentaires Taille, poids, corpulence : nos jeunes adultes sont-ils vraiment plus grands et plus gros que leurs grands-parents ? / Le Quotidien du Médecin - études médicales, jeudi 3 juin 2021
Pour en savoir plus, voir cette précédente réponse : Quelles sont les mensurations des garçons français de 13 ans ?
Notre taille pourrait toutefois rétrécir suite à un changement de nutrition et de qualité de vie. Un régime alimentaire moins équilibré pourrait avoir un réel effet sur la santé des jeunes et sur leur croissance :
« Nous nous sommes intéressés à la taille et à l'IMC, car il s'agit de deux indicateurs de la qualité de la nutrition et d'un environnement salutaire durant l'enfance et l'adolescence, explique Andrea Rodriguez Martinez, chercheuse à l'Imperial College de Londres et première autrice de l'étude. Jusqu'à l'âge de 5 ans, la taille est principalement déterminée par l'alimentation. A partir de 5 ans, la taille est le résultat d'une association complexe entre des facteurs génétiques et environnementaux (principalement nutritionnels, mais aussi liés à l'activité physique). »
La génétique est le premier facteur qui vient à l'esprit quand il s'agit de comparer des tailles, mais les travaux de l'Imperial College montrent qu'elle n'apporte qu'une fraction de réponse, et ne permet pas de comprendre leur évolution au fil des décennies.
Dans certains pays, les jeunes ont ainsi connu une croissance spectaculaire en une génération. C'est le cas en Chine, où les femmes de 19 ans ont gagné 6,1 cm en près de trente ans pour atteindre 163,5 cm en 2019. La croissance est encore plus marquée chez les jeunes hommes chinois et atteint 8,1 cm pour une moyenne à 175,7 cm. Des gains qui s'expliquent en très grande partie par la hausse du niveau de vie du géant asiatique. « Nous avons aussi observé que la taille des populations descendantes d'immigrés a tendance à converger en quelques générations avec celle du nouveau pays, ce qui renforce l'idée que la génétique ne joue qu'un petit rôle par rapport à la nutrition ou l'environnement », poursuit Andrea Rodriguez Martinez.
Au-delà des facteurs génétiques, c'est ainsi l'environnement économique, sanitaire et alimentaire qui est au coeur des explications. L'âge de survenue de la puberté, qui lui-même peut évoluer en fonction de facteurs environnementaux, entre aussi en jeu dans la croissance des adolescents, mais son impact n'a pas pu être mesuré dans cette étude. « Chaque pays a ses propres déterminants mais, de façon générale, on retrouve, parmi ceux qui ont connu des gains de taille importants, des pays qui ont su mettre en place des programmes nutritionnels ciblant la petite enfance et la période scolaire couvrant la quasi-totalité de leur population », analyse Andrea Rodriguez Martinez.
A l'inverse, dans quelques pays d'Afrique subsaharienne, notamment ceux en proie à des conflits armés, la taille des garçons a stagné voire a baissé depuis 1980. C'est le cas en Sierra Leone, en République démocratique du Congo (RDC) ou encore au Burundi.
source : La nutrition accentue les disparités de taille / Mathilde Gérard - Le Monde - jeudi 12 novembre 2020
A lire aussi :
- Les Français sont-ils de plus en plus grands ? / Coralie Hancok - Sciences et vie - 21 Fév 2021
- Taille, intelligence, espérance de vie : l’homme a-t-il atteint son maximum ? / Olivier Saint-Faustin -Sud Ouest - 05/01/2017
- Pineau Jean-Claude. La stature en France depuis un siècle : évolution générale et régionale. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série. Tome 5 fascicule 1-2, 1993. pp. 257-268.
- Taille, longévité, PIB : l’humanité a stagné pendant la majeure partie de son histoire / 25 janvier 2018
Bonne journée.
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