Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaiterais savoir si cet extrait : "Celui qui me dira qu'il est seul dans le vent des Causses, seul dans le vent léger de mes labours, je lui rirai au nez...." ne serait pas du poète Claude Albarède ? Est-ce que je me trompe ? Avec mes remerciements.
Réponse du Guichet

Claude Albarède étant un poète des Causses, l'extrait du poème que vous nous avez envoyé pourrait bien être tiré d'un de ses recueils mais nous ne pouvons vous le confirmer.
Nous attendons un retour du site Recours au poème et reviendrons vers vous dans le cas où nous obtiendrions une réponse.
Bonjour,
Nous avons cherché l'extrait du poème que vous nous avez envoyé dans deux ouvrages que nous possédons à la bibliothèque de Lyon. Malheureusement celui-ci n'apparaît ni dans Mémoire à petits feux de Claude Albarède ni dans la revue L'almanach des poètes.
Nos recherches sur internet ne sont guère plus probantes. Des textes d'Albarède ont été mis en ligne sur le site Terre à ciel et quelques recensions de ses recueils ont été publiées sur le site Recours au poème mais les vers que vous citez n'y apparaissent pas.
Nous avons donc pris contact avec les équipes de ces deux sites afin de savoir si cet extrait est bien tiré de l’œuvre d'Albarède. Nous espérons une réponse de leur part et vous tiendrons informé.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse

Bonjour,
Les animateurs du site Recours au poème nous ont répondu qu'ils ne sont plus en lien avec les collaborateurs qui ont écrit des recensions sur les textes Claude Albarède. Il leur est donc impossible de consulter ces ouvrages.
Nous n'avons reçu aucune réponse de Terre à ciel.
Bonne journée.
Question d'origine :
Bonjour,
Je reviens vers vous pour compléter la recherche de l'auteur (Claude Albarède ?) de cet extrait : ""Celui qui me dira qu'il est seul dans le vent des Causses, seul dans le vent léger de mes labours, je lui rirai au nez...." et je vous remercie de votre première réponse.
Me voilà en possession d'un texte plus long où l'on retrouve cet extrait. Le voici :
Celui qui me dira qu’il est seul dans le vent des Causses
Ou seul dans le vent méchant de mes labours je lui rirai au nez
Il n’y a pas de solitude là où est le vent
Il n’y a ni temps ni espace
Un peu de cendre arraché au tombeau d’Egypte va peut-être frapper sa paupière
Qui sait si les pétales d’une rose de Perse ne tomberont pas un jour dans sa main
La mélopée d’un négrillon mangée de lèpre (?)
Pourquoi se perdrait-elle en route afin d’avoir ouvert un cœur lointain à la pitié
?? qui voudrait fermer ses yeux et ses oreilles à tout ce qui n’est pas sa joie
Va dans la plaine, écoute
C'est une amie âgée qui me l'a récité.
Je vous remercie pour votre recherche.Cordialement,
Alain Desseigne
Reformulation :
Réponse du Guichet

Le texte que vous recherchez s'intitule Du vent sur la plaine et a été écrit par Marie Colmont.
Bonjour,
Aujourd'hui nos recherches ont abouti. Nous étions partis sur une fausse piste avec celle de Claude Albarède que vous nous aviez indiquée.
Ce texte est de Marie Colmont. Il s'intitule Du vent sur la plaine et a été publié dans Vendredi : l'hebdomadaire littéraire, politique et satirique du 25 février 1938 numérisé et mis en ligne par Gallica :
C’est peut-être le paysage que j’aime le plus au monde : une plaine cernée par la forêt, coupée de boqueteaux en rectangle, ici et là, où nichent des fermes basses, avec dessus un grand ciel plein de colère. Il y a là de la terre et de l’arbre, mes deux amours, mariés par le dur vent d’hiver. L’arbre, lié par les coudes à mille arbres, étale le vent de loin, sans bouger. La terre a son luisant de pluie ; elle est brune comme une châtaigne, et bourrée de grain qui lève.
Dès janvier, entre les mottes, on voit pointer deux par deux les premières feuilles du blé : elle est si verte au revers brun des sillons qu’on rirait rien qu’à la voir, cette herbe de nourriture. Des fois il m’arrive d’en tirer un brin, qu’on me pardonne ! mais doucement, respectueusement, pour la joie de voir, à mi-chemin de la racine, le grain de blé tout bombé d’eau qui se vide jour à jour de sa chimie précieuse dans les veines tendres de la tige. La religion du blé, c’est une religion comme une autre, peut-être bête aussi ? Pourtant... de cette graine menue, qui a déjà la fente et l’oblong et le doré d’un petit pain de campagne, aller à l’immense des moissons par toute la terre, et se dire que ceci est dans cela, que de ce grain sortiront des boisseaux de grains, sortira le pain qui apaise la faim... Pourquoi rougirait-on de s’incliner ? Le pain est sacré, parce que la faim de l’homme est sacrée. Le pauvre ventre plat de l’homme... le ventre et les côtes de l’enfant, les grands yeux avides de l’enfant... les joues couleur de terre et les seins de la femme taris... le bras qui tente un appel et retombe, les jambes qui s’écroulent au fossé, et ce poing qui essaie de se serrer pour un geste de haine qu’il ne finira pas... C’est cela, la faim des hommes à côté du grain qui ruisselle. Est-ce ma faute, si je ne puis les séparer ? Dans cet univers d’harmonie, où tout se tient malgré les hommes, il n’y a pas ici un champ de blé verdissant, et là une foule qui crie derrière un drapeau couleur de révolte. Pour moi, le cri de la faim est déjà possible dans l’herbe tendre et la peine des hommes sort de la terre féconde en même temps que le germe.
~
Tout se tient. Le vent qui mord à même la chair brune de cette plaine a d’abord labouré le ventre de la mer au large des côtes ; il a cassé en deux des navires et lancé les galets des fonds comme un bélier monstrueux contre les falaises. Ce n’est pas du petit vent familier de par ici ; c’est de la mauvaise tempête qui vient de loin, chargée d’un goût de banquise. Elle siffle d’abord à ras du sol, comme une bête sournoise aux écailles de glace, mâchouillant sur son chemin tors les herbes sans nom des fossés, déjà raidies de froid. On respire... ce n’est pas si terrible, ce vent ; il fait le ciel limpide, tout lavé de souillure, bleu du bleu pâle de l’hiver, avec juste un nuage rond qui s’ensauve...
Oui... Écoute voir un peu maintenant... Le sens-tu qui se soulève au ras des mottes, et se roule et se coule dans l'air comme un nageur dans l’onde, et gagne en hurlant le haut du ciel ? Tu peux fermer les yeux et pincer les narines ; elle te tient, la bête, elle te gifle et te poignarde et t’étouffe. De ses mille pattes griffues, elle pétrit la forêt qui geint, écrase le champ, bouscule la petite herbe à peine sortie du sein tiède de la terre. Tout est devenu noir, les nuages galopent, les cris d’une chevauchée démente emplissent le ciel.
~
Quand ce vent-là balaie la plaine, je me tiens debout sur le bord de la route, et je m’appuie durement du front sur lui. Ce n’est pas la peine que j’ouvre les yeux, je sais ce qu’il a fait avant de venir à moi, et cela se goûte mieux sans regard. Il passe sur mon visage ses longues pattes qui ont déjà traîné là-bas sur les voiles brunes des goélettes, sur les boyaux d’un phoque saigné à mort, sur une douce petite face esquimaude lavée d’huile rance. Quand il rebrousse le poil du lièvre mussé entre deux sillons, ce poil doux tout fourré de chaleur vivante, je sais que des mêmes ongles il a raclé les visages terreux des morts sur les charniers d’Asie ; si je crie, qu’il portera mon angoisse dans une oreille au bout de la plaine, ou peut-être au bout du monde ; si je pleure, qu’il cueillera mes larmes et les ira jeter au delà de la Loire, ou bien au delà des Pyrénées, dans une corolle qui n’attendait que ça pour s’ouvrir, dans un bec d’oisillon mourant. Il accourt, il me frappe, me baigne d’inconnu, s’en va ; un autre morceau de vent déjà survient derrière, me frappe, m’embaume, s’en va ; un autre... Combien de fois fait-il tout le tour de la terre, mêlant les chants, les cris, les odeurs et les cendres ? Et quand il se couche un instant entre les collines et qu’il se bourre du miel des lavandes et du pollen couleur de soufre, on sait bien que c’est pour aller plus loin marier les fleurs, pour emmener les graines volantes, semer la vie. Emporte un peu de blé là-bas, Vent, où ils ont faim : blé de ma plaine, faim des hommes d’outre-mer, et toi, le Vent, par qui tout se tient...
Celui qui me dira qu’il est seul dans le vent des causses, ou seul dans le vent méchant de mes labours, je lui rirai au nez. Il n’y a pas de solitude là où est le vent, il n’y a ni temps ni espace ; un peu de cendre arrachée aux tombeaux d’Égypte va peut-être frapper ta paupière, et qui sait si les pétales d’une rose de Perse ne tomberont pas un jour dans ta main ? La mélopée d’un négrillon mangé de lèpre, pourquoi se perdrait-elle en route avant d’avoir ouvert un cœur lointain à la pitié ?
Toi qui voudrais fermer tes yeux et tes oreilles à ce qui n’est pas ta joie, reste chez toi, les jours du vent : il t’apporterait les plaintes et les pourritures de toute la terre et tu ne pourrais plus rire. Mais toi qui aimes l’univers et tous ses visages de douceur et de douleur, va dans la plaine, écoute : le vent t’enveloppe dans le grand filet qu’il a tissé sur le monde. Il a jeté dedans déjà les autres hommes, et vous brasse et vous roule au milieu de l’azur, et vous berce comme des frères dans la même grande balancelle.
Marie COLMONT
Wikipédia propose une entrée à Marie Colmont. Selon l'encyclopédie numérique, l'autrice, née à Paris le 5 mai 1895 et décédée 6 décembre 1938 également à Paris, de son vrai nom Anne Marie Germaine Moréal de Brévans, aurait publié uniquement des contes pour enfants dont les plus connus sont Marlaguette et Michka.
Cette naissance parisienne et cette ascendance aristocratique ne coïncident pas vraiment avec la description des Causses et l'élan de solidarité internationale aux accents d'un éco-féminisme précurseur portés par ces mots : "Pour moi, le cri de la faim est déjà possible dans l’herbe tendre et la peine des hommes sort de la terre féconde en même temps que le germe".
Pourtant, les éléments biographiques et critiques donnés par Wikipédia (elle a "également participé au mouvement de rénovation des auberges de jeunesse") et par Femmes françaises n°2 du 1er août 1945 pour Claque-Patins ("l’œuvre de Marie Colmont allie toujours une poésie fraîche et savoureuse à l'observation de la nature..."), la teneur du texte Du vent sur la plaine, convergent bien vers une personnalité engagée, au goût prononcé pour le poétique et pour les éléments naturels. On peut donc penser qu'il s'agit bien de la même personne.
Ceci semble confirmé par la publication en épisodes de l'Histoire de Perlette goutte d'eau dans Le Travailleur de Loir-et-Cher : hebdomadaire du Parti communiste français du 16 avril 1948.
Si vous souhaitez lire d'autres contes de Marie Colmont publiés dans différents journaux, nous vous laissons découvrir les 9 pages du lien Gallica.
Nous vous remercions d'avoir partagé ce texte méconnu de cette autrice.
Bonne journée.