Combien de personnes dans le monde ont pris l'avion au moins une fois ?
Question d'origine :
Parmi les habitants de la planète (environ 7,5 Milliards), combien ont pris l'avion au moins une fois ? Quelle est la marge d'erreur de cette évaluation ?
Réponse du Guichet

Il est impossible de déterminer avec précision combien de personnes n'ont jamais pris l'avion, car les données personnelles des voyageurs détenues par les agences de voyage sont confidentielles. Des estimations existent pourtant, selon lesquelles, juste avant la pandémie de Covid, entre 11 et 20% des humains peuplant notre planète avaient déjà volé.
Bonjour,
Les chercheurs scandinaves Stefan Gössling et Andreas Humped ont consacré en 2020 une étude aux voyages en avion : The global scale, distribution and growth of aviation: Implications for climate change, disponible en licence Creative commons sur Elsevier. Les résultats de celles-ci suggèrent que, selon les chiffres disponibles à ce moment, seuls 11% des humains avaient déjà pris l'avion, ce qui, sur 7,594 milliards de personnes, représente environ 845,2 millions de personnes.
Pour trouver ces chiffres, Gössling et Humpe ont analysé une énorme masse de données datant d'avant le covid, produites par des structures diverses : banques, constructeurs d'avions, Association du transport aérien international (IATA). Ces sources sont parfois difficile à croiser, car, "par exemple la IATA fournit des statistiques officielles pour le monde entier concernant les passagers", tandis que la Banque mondiale publie "des statistiques particulières pour 199 pays" :
Global calculations of transport demand are based on data sources including Airbus, 2019, Boeing, 2019, IATA, 2019, World Bank, 2020, and UN DESA (2020). Data provided by these sources is not always comparable. For example, IATA (2019) provides official passenger statistics for the world and world regions, while the World Bank (2020b) makes available data for 199 individual countries (based on ICAO data that is not publicly available). Limited information is available on fuel use and emissions by subsector, i.e. commercial passenger versus freight transport, private air travel, and military operations. The share of the global population that is flying is calculated based on IATA, 2019, UN DESA, 2020 and national surveys (USA: Airlines for America 2018; Germany: IFD Allensbach, 2019; UK: UK Department for Transport, 2014; Taiwan: Tourism Bureau Taiwan, 2019).
Regional flight demand is assessed on the basis of industry data (IATA, 2019) as well as extrapolations of industry growth expectations (Airbus, 2019, Boeing, , 2019). Data is presented for seven world regions (Africa, Asia-Pacific, Commonwealth of Independent States, Europe, Latin America, Middle-East, North America, as well as the ‘Rest of the World’), and includes RPK as well as emission estimates for 2018 and 2050.
De fait, on trouve ailleurs des chiffres différents : les personnes ayant déjà voyagé en avion sont ainsi "moins de 18%" selon un article de l'Huffington post de 2017 à "moins de 20%" selon le président de Boeing interrogé par le média états-unien CNBC la même année. Ces variations, presque du simple au double, s'expliquent par la confidentialité des données sur l'identité des voyageurs sur lesquelles, comme nous l'apprend le site Our world in data, les compagnies d'aviation privées ne communiquent pas. Un article du Smithonian mag s'attarde d'ailleurs sur les méthodes d'extrapolation permettant d'estimer le nombre de personnes ayant déjà volé... plus ou moins précisément selon les données disponibles dans chaque pays.
S'il est impossible de quantifier précisément la marge d'erreur d'une approche comme celle de nos chercheurs scandinaves, elle n'empêche pas Sciences et avenir de tirer des conclusions sur le poids environnemental de chaque catégorie de voyageurs :
Les auteurs ont épluché toutes les études et statistiques provenant autant des compagnies aériennes et des constructeurs d’avions que des autorités nationales et internationales gérant le secteur. Ils ont pu ainsi s’extirper des chiffres bruts donnant globalement le nombre de vols, les distances parcourues et les retombées économiques pour s’intéresser aux clients eux-mêmes. Combien de personnes utilisent-elles réellement l’avion ? À quelle fréquence ? Et quelle est leur aisance financière ? Le travail de l’économiste Thomas Piketty en 2015 et plus récemment de Diana Ivanova de l’université de Leeds (Royaume-Uni) et de Richard Wood de l’université de Trondheim (Norvège) ont déjà montré une forte inégalité devant les émissions de carbone. Les plus riches sont les plus polluants. Ainsi, selon l’étude de Diana Ivanova, les 10% des Européens les plus riches sont responsables de 27% de l’empreinte carbone de l’Union européenne, soit autant que la moitié des habitants de l’UE. 1% des ménages des 26 États membres émettent 55 tonnes de CO2 par an, contre une moyenne de 9 tonnes par foyer européen.
Outre le souci écologique, ces chiffres dessinent donc un clivage social : interrogé par Paris Match, le sociologue Yoann Demoli considère que le développement du low-cost n'a pas révolutionné le profil des passagers d'avions :
Qui sont ceux qui prennent le plus l’avion?
Ce sont toujours les mêmes catégories qui volent beaucoup. Il ne s’agit pas du tout de la classe moyenne. Ce sont les 10 à 20% des Français les plus riches, avec des revenus mensuels d’au moins 2500 euros par tête. Les agriculteurs restent ceux qui prennent le moins l’avion, notamment parce qu’ils ont très peu de vacances.
Les compagnies low-cost sont souvent présentées comme ayant contribué à rendre l’avion plus accessible aux classes populaires. Qu’en est-il?
Amandine Craps, qui prépare à l’Université libre de Bruxelles une thèse sur les usagers du low-cost à l’aéroport de Charleroi en Belgique, montre que les compagnies à bas-coût sont très utilisées par les jeunes gens. Toutefois, alors que les compagnies low-cost adoptent une rhétorique qui les présente comme profitant au plus grand nombre, cette perception n’est pas tout à fait fondée. D’abord parce que le transport n’est qu’une petite partie du coût du voyage : on peut certes faire un Paris-New York pour 400 euros, mais se loger à New York reste très onéreux. Ensuite parce que le low-cost ne démocratise que certains types de trajets. Enfin, même avec ces compagnies, tous les billets ne sont pas toujours très bon marché.
Bonne journée.
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