Est ce que la densité atmosphérique et l'air frais ont une influence sur l'espérance de vie ?
Question d'origine :
Bonjour ,
Est ce que la densité atmosphérique et l air frais ont une influence sur l espérance de vie ?
Merci .
Réponse du Guichet

Avec la pression atmosphérique et la température, la densité atmosphérique est un des éléments qui détermine le climat. Or "l'être humain recherche en permanence le maintien de ses paramètres physiologiques en liaison permanente avec le climat." Si les variations extérieures sont trop fortes et continues, "les défenses de l'organisme sont débordées". Le dérèglement climatologique, extrêmement propice à ce débordement, entraîne de plus en plus d'effets néfastes sur la santé et l'espérance de vie s'en trouve touchée.
Bonjour,
En quoi la densité atmosphérique et l'air frais influent-ils sur notre santé et donc sur notre espérance de vie ?
Dans son article Quels facteurs affectent la densité de l'air ?, l'encyclopédie en ligne ouverte et gratuite Netinbag nous explique que
la densité est la mesure de la masse d'un matériau dans un volume d'espace donné. Pour un solide, la densité reste constante même si son environnement change. La densité d'un lingot d'or est la même au niveau de la mer, sous l'océan et au sommet du mont Everest. Pour un gaz tel que l'air, la densité est influencée par les changements de pression, de température et d'humidité. Les changements de densité de l'air peuvent modifier la facilité avec laquelle un objet se déplace et même causer des problèmes de santé.
Plusieurs facteurs peuvent influer sur la densité de l'air : l'augmentation ou la diminution de la pression atmosphérique, la température et l'humidité ou la quantité d'humidité. Le facteur température est celui qui a le plus d'incidence sur la densité de l'air :
Lorsque la température augmente, les molécules d’air se déplacent plus rapidement et s’écartent davantage; par conséquent, des températures plus élevées entraînent une densité de l'air plus faible. Lorsque l'air est plus dense, il crée une traînée sur les objets qui le traversent. Par exemple, une balle de golf frappée par une journée chaude sur un terrain de golf au sommet d'une montagne ira plus loin qu'une frappe par temps froid au niveau de la mer. La température élevée et la pression atmosphérique inférieure rencontrées à haute altitude se combinent pour réduire la densité de l'air.
Nous voyons là combien sont liées la densité atmosphérique, la température et la pression atmosphérique qui déterminent le climat.
En 2001, Jean-Pierre Besancenot, directeur de recherche honoraire au CNRS qui a créé et dirigé le laboratoire « Climat et Santé » à la Faculté de médecine de l'université de Dijon, écrit dans Climat et santé :
Présentation
Toutes les manifestations de la vie sont liées au milieu extérieur. Personne ne conteste cet axiome à propos des plantes et des animaux inférieurs, mais il arrive qu’on le récuse pour l’être humain. Son organisme est pourtant en liaison permanente avec le temps qu’il fait, avec les saisons et avec le climat, le premier ayant un rôle à court terme alors que les deux autres agissent à moyen ou long terme. Changements de température et de pression, modifications du champ électrique ou de la composition chimique de l’air, nature et vitesse des vents, fluctuations de l’humidité et de l’ionisation, intensité et composition spectrale du rayonnement solaire, perturbations apportées par les ondes lumineuses et hertziennes, enfin influences cosmiques dont on ignore presque tout : l’action de l’environnement physique ne devient évidente que lorsque les éléments du milieu extérieur agissent en excès et déterminent un désordre pathologique ; elle n’en est pas moins effective en tous lieux et toutes circonstances. Cela s’explique aisément, si l’on veut bien considérer le corps humain comme un système ouvert, doté d’une stabilité remarquable.
Chapitre I. Le corps humain : Un système ouvert en équilibre dynamique avec le climat
N’étant pas la simple juxtaposition d’organes indépendants, l’organisme peut être assimilé à un système : tous ses éléments coopèrent à la vie de l’individu ; des mécanismes physiologiques entrent en jeu pour coordonner leurs fonctions, de façon telle qu’à tout moment elles répondent aux besoins de l’ensemble.
Ce système est largement ouvert sur le monde extérieur, et il existe une interaction continuelle entre la nature biologique de l’homme et les énergies du milieu dans lequel il est plongé, où il puise les matières indispensables à la construction et à l’entretien de ses tissus, ainsi que l’oxygène et les nutriments nécessaires à la couverture de ses besoins énergétiques, tandis qu’il y rejette les sous-produits de son activité métabolique. Des échanges se font ainsi en permanence entre tel ou tel compartiment du milieu intérieur et le milieu extérieur, par l’intermédiaire de surfaces spécialisées, deux d’entre elles mettant l’organisme en contact direct avec l’air ambiant, la peau (moins de 2 m2) et les alvéoles pulmonaires (90 m2). Tous les échanges de liquides, de solutés et de gaz sont régis par des règles déterministes et assujettis aux lois physiques, lesquelles gouvernent donc de la même façon la vie et la matière.
Enfin, ce système ouvert présente une grande stabilité. Cl. Bernard a été le premier à énoncer clairement que la santé est subordonnée à la relative fixité du milieu intérieur et que, pour vivre, les cellules réclament l’existence de véritables optima physiologiques, autour desquels ne se font que des variations infimes. Ainsi, dans les conditions normales, les caractéristiques internes de l'organisme ont une marge d'oscillation si faible qu'on les assimile à des constantes : à 36°C l'engourdissement nous gagne, à 40°C nous délirons. Cette propriété que possède l'être humain de rechercher en permanence le maintien de ses paramètres physiologiques à leurs valeurs nominales constitue le principe de l'homéostasie.[...]
Dans les conditions habituelles, l'être humain dispose de possibilités étendues d'adaptation. De ce fait, tant qu'elles sont d'amplitudes modérées, les contraintes climatiques déterminent de simples réactions physiologiques d'alerte ou de réajustement, qui restent au stade infraclinique : les petites attaques de l'environnement demeurent insoupçonnées jusqu'à la brûlure du coup de soleil ou au déclenchement d'une crise d'angine de poitrine. Mais quand les variations de l'ambiance extérieure revêtent une trop grande amplitude, qu'elles de prolongent trop longtemps et que leurs effets s'additionnent, ou encore que l'état végétatif de l'individu se trouve en situation de faiblesse et réagit mal, les défenses de l'organisme sont débordées. L'équilibre entre les tissus vivants et les énergies du milieu environnant est alors rompu et il s'ensuit des dysfonctionnements, se traduisant par des états pathologiques dont certains peuvent mettre en jeu le pronostic vital.
Il est donc établit que la densité atmosphérique et l'air frais jouent sur notre santé.
L'air frais ou "le vent intervient à plusieurs titres dans les échanges de chaleur qui s’exercent, à travers la peau, entre le corps et l’air : il renouvelle la pellicule gazeuse au contact de l’épiderme et en équilibre thermique avec lui, il règle les apports caloriques que reçoit l’organisme, augmente l’efficacité de la convection, accélère aux dépens de la chaleur interne l’évaporation de la perspiration cutanée, de la vapeur d’eau expirée et de la sueur..." Source : Chapitre III. Le complexe thermo-anémométrique : le pouvoir réfrigérant de l’air, Climat et santé / Jean-Pierre Besancenot, 2001
Quant à la densité atmosphérique, en tant qu'élément constitutif du climat, elle agit également sur la santé et cela d'autant plus depuis le dérèglement climatique que nous connaissons et la pollution atmosphérique qui ne se limite pas au seul rejet excessif de CO2 dans l'atmosphère. "On commence seulement à mesurer dans l'air les concentrations en polluants divers (pesticides, composés benzéniques, particules fines...) et à en observer les effets catastrophiques sur la santé humaine" explique Gérard Borvon dans Respirer tue: agir contre la pollution de l'air.
Il faut savoir que ces polluants sont des perturbateurs endocriniens qui agissent sur notre système hormonal. Ils "affectent le développement du cerveau, le métabolisme, la reproduction, et ont une incidence sur les cancers" (source : Le cerveau endommagé : comment la pollution altère notre intelligence et notre santé mentale de Barbara Demeneix). "Des études scientifiques récentes montrent que le nombre d'enfants atteints de dérèglements hormonaux, de désordres de type autistique ou de troubles de l'attention avec hyperactivité est en augmentation constante. Barbara Demeneix parvient même à une conclusion inquiétante : les capacités intellectuelles des générations futures seront sérieusement compromises." A ce sujet, Le grand désordre hormonal : ce qui nous empoisonne à notre insu de Corinne Lalo "propose de dresser un pont entre la recherche scientifique et le grand public. A l'aide de dessins explicatifs, Corinne Lalo y décrypte le phénomène de l'empoisonnement chimique de nos cellules et donne des conseils pour se protéger."
Enfin, "c'est un constat scientifique : l'air ambiant de notre logement est plus pollué que l'air extérieur", nous apprend Pollution intérieure, préservez votre santé, un livre écrit en collaboration avec Clara Delpas.
Cependant, l'espérance de vie en France est-elle aussi longue depuis 1995 ou bien sommes-nous à un moment de bascule dû à la dégradation de l'environnement ?
En 2011, un rapport du Sénat intitulé Perturbateurs endocriniens, le temps de la précaution, laisse entrevoir ces deux éventualités dans son introduction et conclue par
L'ensemble de ces données mettant en évidence les dangers et les risques des perturbateurs endocriniens pour l'environnement et la santé humaine sont suffisamment nombreuses et précises pour inciter à l'action. Il convient de développer une politique évolutive de protection de l'environnement et des populations en fonction des résultats scientifiques.
En 2014 un article du Monde, Question d'éthique, informant que la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, venait d'être adoptée le 29 avril, légendait sous une photo :
Non seulement l'espérance de vie en bonne santé stagne, voire diminue, mais les effets majeurs des perturbateurs endocriniens se jouent dans la période périnatale, et conditionnent la santé à venir des enfants exposés.
René Habert et Nicolas Chevalier, auteurs de l'article Les perturbateurs endocriniens : définitions, sources et enjeux, publié en 2021 dans ADSP n° 115, pages 13 à 22,sont quant à eux affirmatifs :
Les perturbateurs endocriniens ont progressivement envahi notre environnement depuis la Seconde Guerre mondiale. Sachant que la période de vulnérabilité maximum est la vie fœtale et néonatale, et que l’utilisation intensive des perturbateurs endocriniens s’est produite dans les années 1960 en France, on peut, selon nous, prévoir que l’on se dirige très prochainement vers une diminution de l’espérance de vie dans notre pays, comme c’est déjà le cas aux États-Unis, qui ont été précurseurs dans l’utilisation massive des perturbateurs endocriniens.
Mais selon France TV info et plusieurs autres médias (Futura santé, Le Figaro...), la pollution est la grande gagnante concernant la diminution de l'espérance de vie : La pollution de l'air réduit l'espérance de vie de trois ans en moyenne dans le monde, mars 2020. De son côté, Santé publique France
a réévalué le fardeau que représente la pollution atmosphérique sur la mortalité annuelle en France métropolitaine pour la période 2016-2019.
Il ressort de cette réévaluation que chaque année près de 40 000 décès seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines (PM2,5). Ainsi l’exposition à la pollution de l’air ambiant représente en moyenne pour les personnes âgées de 30 ans et plus une perte d’espérance de vie de près de 8 mois pour les PM2,5.
Pour aller plus loin sur ces problématiques, nous vous invitons à la lecture des ces ouvrages :
Le livre Comment naissent les maladies et que faire pour rester en bonne santé de Dominique Belpomme rapporte que "ce n'est pas dans l'organisme malade qu'il convient de rechercher les causes initiales de nos maladies, mais dans l'environnement que nous ne cessons de dégrader".
"Après un rappel sur l'air, sa composition et la physiologie pulmonaire, l'ouvrage" L'air et la santé de Denis Charpin "traite des principaux aéro-contaminants et des pathologies engendrées par la pollution de l'air : maladies allergiques, pathologies professionnelles et pathologies infectieuses."
Perturbateurs endocriniens : où se trouvent-ils ? En quoi sont-ils dangereux ? Comment s'en protéger ? de Pr Jean-Pierre Bourguignon, Pr R. Thomas Zoeller, Pr Anne-Simone Parent
Cancer de la prostate et reproduction masculine : les perturbateurs endocriniens en accusation d'André Cicolella
En ligne :
Rapport du Sénat fait au nom de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, 1ère partie
Les oufs de science enquêtent sur les perturbateurs endocriniens, bande-dessinée