Au Moyen-Age, qu'est-ce qu'un procès verbal édicté par le juge lors de la phase d’instruction ?
Question d'origine :
Au Moyen-Age, qu'est-ce qu'un procès verbal édicté par le juge lors de phase d’instruction ?
Réponse du Guichet

Sans plus d'éléments de contexte de ce procès-verbal, nous ne pouvons qu'avancer des suppositions.
Bonjour,
Dans l'ouvrage intitulé La justice dans la France médiévale : VIIIe-XVe siècles de Maïté Billoré, Isabelle Mathieu et Carole Avignon, il est expliqué que les décisions du juge sont rédigées dans des procès-verbaux par des notaires :
Depuis Latran IV, les juges ecclésiastiques ont l’obligation d’être assistés par des notaires qui dressent les actes de procédure des causes introduites devant la cour et le procès-verbal des décisions du juge.
Dans votre cas, vous parlez de la phase d'instruction.
Romain Telliez dans Les institutions de la France médiévale [Livre] : IXe-XVe siècle ainsi qu' Adolphe Tardif dans La procédure civile et criminelle aux XIIIe et XIVe siècles : ou procédure de transition parlent de l'évolution du rôle du juge au cours du Moyen-Âge .
A partir des XIIe et XIIIe siècle, le juge peut aussi se saisir d’office d’une affaire et ouvrir une enquête sans attendre une accusation en forme, soit sur simple dénonciation de la victime ou de ses proches, soit à partir de la diffamatio c'est-à-dire de la rumeur publique. La procédure inquisitoire inspirée du droit romain va se répandre. Dans la mesure où c'est le juge qui se charge de rassembler les preuves, peut-être dans ce cadre-là, édicte-t-il des procès verbaux en phase d'instruction ?
A partir du XIIIe siècle, sous la double influence du droit romain et de la procédure canonique, une procédure nouvelle apparaît : la procédure inquisitoire. Elle prend largement l'avantage même si la procédure accusatoire ne disparaît pas totalement. Devant les tribunaux ecclésiastiques par exemple, on trouve toujours à la fin du Moyen-Âge des actions civiles engagées "à l'instance des parties", quand un actor (demandeur) engage une action contre un reus (défendeur). La procédure inquisitoire permet au juge de lancer un procès sans que quiconque ait porté accusation devant le tribunal, sur simple doute, dénonciation, rumeur publique, clameur judiciaire (plainte collective) : on parle alors de poursuites ex officio. La rumeur qui permet à un juge d'engager de son propre chef une enquête contre un défendeur s'incarne d'ailleurs souvent dans des hommes et des femmes du voisinage de la personne lésée. Le juge agit sous couvert de l'intérêt général et de la défense de la chose publique. Dans ce système, la preuve incombe à la justice : le juge doit mener l'enquête et révéler des témoignages concordants, un aveu explicite ou implicite (en cas de fuite). Les preuves doivent être, selon la coutume de Bretagne, « plus claire que nulle autre et plus claire qu’estoile qui est au ciel », sinon le juge ne peut pas condamner.
Cette procédure, héritée de Rome, s’appuie sur l’idée qu’il revient au princeps de défendre l’intérêt public (res publica) et de ne laisser aucun crime impuni, raison pour laquelle il peut lancer une procédure de lui-même (ex officio).
source : La justice dans la France médiévale : VIIIe-XVe siècles de Maïté Billoré, Isabelle Mathieu et Carole Avignon
En complément, un article qui pourrait également vous intéresser : Écrire le procès: le compte rendu judiciaire entre VIIIe et XIX siècle / François Bougard
Il est difficile de comprendre précisément ce que désigne "un procès verbal édicté par le juge en phase d'instruction" sans plus d'information sur le contexte dans lequel vous avez lu ceci. A quelle époque du Moyen-Âge se situe l'action et dans quelle localité ? Durant cette longue période de l'histoire, "il n'existe pas un droit en usage dans le royaume mais plusieurs systèmes et corps de règles juridiques s'appliquant en fonction des catégories sociales, des lieux et des situations. Les coutumes ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre ni, pour un même fait, selon qu'on est noble ou roturier, bourgeois d'une ville ou habitant du plat pays, libre ou serf. " Il nous faudrait donc plus d'éléments relatifs au contexte pour relancer nos recherches et vous éclairer.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse

Bonjour,
Nous vous proposons ci-dessous la réponse apportée par Julien Théry, professeur à l'université Lyon II et François Bougard professeur d’histoire du Moyen Âge à l'Université Paris Nanterre que nous avions interrogés.
Nous les remercions ici vivement pour leur contribution.
On ne parle pas au Moyen Âge de "procès-verbaux", mais plutôt d'"actes dressés en forme officielle" ou "authentifiés" (instrumentum publicum, en latin, mais aussi processus), qui permettent d'enregistrer les diverses démarches judiciaires, tout particulièrement (ce sont les cas les plus fréquents) les citations à comparaître, leurs présentations aux intéressés, et les dépositions de témoins devant enquêteurs. Ces dernières forment le plus gros des documents officiels ("procès-verbaux") issus des phases d'instruction des litiges ou autres causes judiciaires. Par ailleurs, on ne dit pas que ces "procès-verbaux" sont "édictés" par le juge. Les juges "édictent" seulement des sentences, interlocutoires (dans le cours des procédures) ou définitives. Pour le reste, ils ordonnent simplement de mettre par écrit en formes officielles les actes de procédure.
Bonne journée.