Où trouver "De Libris et de librariis", 1er règlement jamais édicté sur l'organisation d'une bibliothèque ?
Question d'origine :
Cher Guichet,
Dans la préface que Bruno Vincent donne de sa traduction du Philobiblion de Richard de Bury publiée chez Parangon en 2001, on apprend que « c'est à la Sorbonne que l'on doit le premier règlement jamais édicté sur l'organisation d'une bibliothèque. Intitulé De Libris et de librariis, […] sa mise en vigueur date de 1321. » (note n°1, p. 6.)
Cet ouvrage m'intéresse, et malgré mes recherches, je n'en trouve la trace nulle part. Auriez-vous des informations à son sujet ? Où pourrais-je le lire ? En existe-t-il une traduction en français (car l'ouvrage est certainement écrit en latin) ?
Bien à vous,
Pauline L.-D.
Réponse du Guichet

Suite à nos recherches, nous avons pu retrouver trace du règlement de la bibliothèque de La Sorbonne datant de 1321 qui ne s'intitule pas à proprement parlé De Libris et de librariis. Un extrait en latin et la numérisation du document original sont accessibles en ligne.
Bonjour,
Suite à nos recherches, nous avons pu retrouver trace du règlement de la bibliothèque de La Sorbonne datant de 1321 qui ne s'intitule pas à proprement parler De Libris et de librariis.
Une des premières questions que ce règlement sommaire eut à résoudre fut le prêt des livres en dehors des murs. Grâce à Alfred Franklin, dans son ouvrage La Sorbonne : ses origines, sa bibliothèque, les débuts de l'imprimerie à Paris et la succession de Richelieu publié en 1875, page 45, on y apprend que
les bibliothécaires étaient élus par les Sorbonistes eux-mêmes mais qu'ils ne devaient confier leur clefs à personne. Ils étaient responsables des livres perdus ou détruits pendant le temps de leur exercice ; autrement, ajoute-ton, leur titre de conservateurs ne serait qu'un vain mot "aliter frustra dicuntur custodes". On décide qu'une foule de manuscrits sans valeur et non reliés, tels que les cahiers des étudiants, reportationes, et d'anciens sermons, seront vendus, donnés ou échangés. Comme plusieurs ouvrages autrefois inscrits ne se retrouvaient pas, on recommande de mieux conserver les livres à l'avenir et de dresser un nouveau catalogue.
Un extrait de la version latine du règlement intitulé De librerariis est donné en note 1, indiquant en toute fin, p.46 : Bibliothèque nationale, manuscrits, fonds latin, n°16574, p.9. Nous avons entré ces données sur Google qui nous a dirigé vers une notice Bibale où est indiqué le lien vers une numérisation du document intitulé Statuts et obituaire de la Sorbonne.
Pour aller plus loin dans l'histoire de ce règlement, nous apprenons que, suite aux mesures prises après sa rédaction, un second catalogue fut également élaboré pour réorganiser la bibliothèque du collège de Sorbonne. Celui-ci aurait soi-disant disparu mais en réalité, il aurait été confondu avec le catalogue double de la bibliothèque commune du collège de Sorbonne selon Gilles Fournier, dans son article Listes, énumérations, inventaires. Les sources médiévales et modernes de la bibliothèque du collège de Sorbonne (Première partie: Les sources médiévales), p.167.
D’ailleurs le catalogue de 1290 pouvait être le modèle direct du catalogue de 1338 , bien qu’il semble plus probable que le catalogue de 1321, qui a aussi disparu, ait été un catalogue intermédiaire. Il n’est à notre connaissance aucun texte qui mobilise en si peu de lignes autant de documents, soit successivement un catalogue antérieur à 1289 doté de cotes, le catalogue perdu de 1290, le catalogue disparu de 1321 est le «catalogue général» de 1338 qui dans l’esprit d’A. Birkenmajer ne compte pas moins de trois parties : le catalogue général à proprement parler, l’inventaire des codices catenati et le répertoire méthodique de ces manuscrits. Or si le catalogue de 1290 est bien perdu, le catalogue prétendument disparu de 1321 n’est autre que le catalogue double de la bibliothèque commune du collège de Sorbonne, soit en d’autres termes les deuxième et troisième catalogues du prétendu «catalogue général» de 1338, comme nous l’avons observé plus haut à la suite de R. H. Rouse.
L’acte de naissance du premier catalogue rédigé date de 1289. Ce catalogue se compose de deux dépôts. Le site Histoires de Paris précise que "celui de la grande librairie réunissait les livres les plus étudiés. Ceux-ci étaient attachés dans la salle et ne quittaient jamais la bibliothèque. Cette pratique fut ensuite reprise dans les statuts de 1321 préconisant d’attacher le meilleur livre de chaque matière. Le second dépôt était la petite librairie où étaient conservés les doubles, ainsi que les ouvrages plus rares".
Cette bibliothèque resta discrète jusqu’à la promulgation du nouveau règlement en 1321 date à laquelle le catalogue de la bibliothèque commune voit le jour (selon toute vraisemblance entre 1321 et 1338) lit-on dans Les livres des maîtres de Sorbonne de Gilles Fournier, dont vous trouverez une version en ligne ici.
Item, il est ordonné que, parmi tous les livres de toutes sortes de sciences se trouvant dans la maison, au moins un exemplaire, le meilleur, soit déposé dans la bibliothèque commune et enchaîné, afin que tous puissent le consulter, même si cet exemplaire est unique, car le bien commun est plus agréable à Dieu que le bien d’un seul ; et que quiconque détiendrait un volume de cette sorte qui devrait être déposé dans la bibliothèque soit astreint à le remettre sans contestation.
Item, comme beaucoup de livres qui étaient dans la maison ne se retrouvent plus maintenant, il a été décidé que l’on établirait un nouvel inventaire des livres actuellement présents, afin qu’ils soient conservés à l’avenir avec plus de soin.
Pour en savoir plus sur le catalogue double de la bibliothèque commune, un chapitre y est consacré toujours dans Les livres des maîtres de Sorbonne, auquel vous pouvez également accéder par OpenEdition. Sur la bibliothèque du collège de Sorbone et ses outils bibilothéconomiques, nous vous invitons à la lecture de ce texte de Christopher Lucken, « Tabula librorum. Le répertoire méthodique de la bibliothèque du collège de Sorbonne (XIVe siècle) », rédigé pour un colloque.
Pour finir, rappelons que "la bibliothèque du collège de Sorbonne, fondé vers 1260 à Paris par Robert de Sorbon avec le soutien du roi, a été l’une des plus importantes collections de livres connues au Moyen Âge (plus de 1000 volumes à la fin du XIIIe siècle) et a joué un rôle important dans les processus de diffusion et de validation des savoirs. Née comme bibliothèque d’étude pour les théologiens, elle s’est imposée, en quelques décennies seulement, comme la bibliothèque générale de tous les étudiants parisiens. Elle a continué à constituer une référence culturelle jusqu’à l’époque moderne, grâce à son insertion dans le marché du livre parisien, aux innovations qu’elle a promues, en France et en Europe, dans le domaine de bibliothéconomie et de la catalographie, et à son rayonnement auprès des savants."
Extrait d'une présentation d'une journée d'étude sur Calenda, le 1er juin 2012
Bonne journée