Question d'origine :
Bonjour, Savez-vous pourquoi, souvent dans les films de genre, les fantômes tirent les couvertures, draps ? Y a t-il une signification religieuse, historique derrière ce geste ? Ils tirent la couverture à eux, c'est à dire qu'ils attirent l'attention ? Merci !
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 04/08/2020 à 10h15
Bonjour,
D’après les sources que nous avons consultées, si les fantômes apparaissent traditionnellement affublés d’une étoffe blanche, c’est parce que, depuis la Renaissance, ils ont coutume de nous visiter revêtus de leur dernière possession terrestre : leurlinceul . Et l'histoire de cette représentation traditionnelle est beaucoup plus ancienne que celle du cinéma.
Pour découvrir le contexte religieux et intellectuel au sein duquel s’est construite l’image du spectre comme nous le concevons en occident, nous vous conseillons d’abord d’écouter l’entretien de l’historienne Caroline Callard, auteure de Le temps des fantômes [Livre] : spectralités de l'âge moderne, XVIe-XVIIe siècle / Caroline Callard dans l’émission « La Renaissance et ses fantômes » du 29/11/2019 sur France culture.
Selon l’historienne, l’image de l’esprit qui revient tourmenter ses porches s’est construite à partir du XIIIe siècle, avec l’apparition dupurgatoire . Auparavant, l’âme du défunt n’avait le choix qu’entre deux destinations, paradis ou enfer, toutes deux définitives. Avec le purgatoire, un entre-deux apparaît, séjour provisoire des morts, dont ceux-ci pouvaient échapper pour un temps, avec passe-droit divin. A cette époque, les revenants ne sont pas forcément animés d’intentions hostiles : il arrive qu’ils viennent dispenser des conseils et apporter leur protection !
Au XVIe siècle, pendant les guerres de religions, la figure du fantôme devient centrale pour le clergé catholique, puisque le purgatoire est nié par les protestants – lesquels finiront toutefois par l’admettre, car, très populaires auprès du peuple, les apparitions de défunts hors de leur tombe supposent l’immortalité de l’âme...
Notons que le moyen âge et la renaissance font la distinction entre « les fantômes, esprits désincarnés des morts, [et ] les revenants, des défunts dotés d’un corps tangible », selon les mots d’Isabelle Marchessou, dans son article « Le fantôme à la fin du Moyen Âge : un personnage chargé de rassembler les vivants et les morts », consultable sur le blog de l’Université Toulouse 2, qui insiste sur la valeur religieuse des apparitions de spectres :
« Amanda McKeever remarque qu’à partir du XIIIe siècle, les récits de revenants participent à promouvoir l’efficacité des suffrages, et donc le Purgatoire. Revenants et Purgatoire prospèrent donc de concert en renforçant leur crédibilité mutuelle. En effet, ce dernier offre une « première explication logique de l’existence des revenant », en créant un territoire intermédiaire dont on peut revenir, tandis que les revenants sont une preuve concrète de l’existence de ce dernier. C’est dans cette optique qu’à partir du XIIe siècle les histoires de revenants du Purgatoire se multiplient jusqu’à être rassemblées dans des recueils d’exempla, à l’usage des prêtres et des prêcheurs pour ponctuer leurs sermons d’exemples et leur donner plus de poids.
Ronald C. Finucane établit trois catégories de revenants et fantômes médiévaux : ceux qui insistent sur l’importance des enseignements de l’Église ; ceux qui cherchent à réparer des injustices sociales ou personnelles ou qui enjoignent aux vivants à être moralement bons, et dont Finucane nous dit qu’ils ne sont pas aussi liés à l’Église que les premiers ; et enfin des revenants qui ne semblent avoir aucun but spécifique. »
Les fantômes et revenants peuvent donc poursuivre des buts religieux, éthiques ou sociaux très divers. Cette complexité se double d’une complication liée à leur nature : quelle est leur part de corporel et de spirituel ? Comment peuvent-ils se donner à voir, avoir un corps, alors que la mort est censée être le moment de la séparation de l’âme et de la chair ?
D’après l’ouvrage Les revenants [Livre] : les vivants et les morts dans la société médiévale / Jean-Claude Schmitt, l’apparence du fantôme est une construction sociale dont l’histoire s’inscrit dans ce questionnement : il est longtemps « question de rêves et d’impressions confuses, de bruits et de voix, plutôt que de vision claire ». Les apparitions rapportées font état de spectres de forme humaine, mais aussi animale, voire de meules de foin animées ! La difficulté de ces figuration est liée au fait que « le christianisme médiéval n’a jamais pu résoudre la contradiction entre deux exigences profondes : d’une part, le désir de nier le corps pour mieux tendre vers Dieu et donc d’assimiler le « spirituel » à l’immatériel ; d’autre part, la nécessité d’imaginer l’invisible[…]. »
Et de noter que le fantôme médiéval ne se présente pas d’emblée entouré de son suaire : longtemps, son apparence sera très variable. La plupart des spectres ont l’apparence qu’ils avaient au moment de leur mort, mais certains (les âmes pures de péché) se manifestent sous les traits de petits enfants nus ; souvent, les vêtements portés sont ceux qui témoignent du rang social de la personne – notion très importante au moyen-âge – les moines sont vêtus de leur bure, les guerriers sont en armes, exhibant parfois la blessure qui les a tués… parfois encore une personne ayant volé ou omis de rendre des vêtements qu’on lui a prêtés de son vivant, se présentera nue, implorant les proches qu’elle visite de la vêtir.
Pourtant, dès le XIIIe siècle, on trouve dans les enluminures des représentations de fantômes pâles et presque immatériels, revêtus d’une étoffe blanche. L’historien cite un manuscrit espagnol de 1272, les Cantigas de Santa Maria :
« Le plus étrange, dans cette série d’images, est l’apparence fantomatique du mort : à l’inverse du personnage vivant qui lui fait face, il est dépourvu de toute couleur, de toute densité charnelle et l’image de son visage comme de son vêtement se réduit à un dessin uniformément diaphane et à peine visible.
[…]
On peut dire que le fantôme occidental, celui des bandes dessinées et du cinéma fantastique, est né à la fin du XIIIe siècle. Car la miniature des Cantigas n’est pas un cas unique. Des fantômes sont aussi figurés dans certains manuscrits enluminés du Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Diguilleville. […] Des linceuls en forme de sac d’un beige indécis les englobent entièrement, y compris les visages. [ …] Dans un autre manuscrit de la Bibliothèque nationale, les trois morts […] sont vêtus d’une sorte de bure blanche d’où émerge la tête, cette fois bien distincte de l’habit. C’est une tête de mort trouée de deux yeux noirs et pourvue d’une lage bouche et d’une forte dentition. […] »
Dans l’article richement illustré « Figurer et mimer les fantômes au XIVe siècle – La représentation des revenants dans l’iconographie médiévale » (Terrain [En ligne], 69 | avril 2018, mis en ligne le 19 juin 2018, consulté le 04 août 2020, lisible sur openedition.org), le même Jean-Claude Schmitt situe l’origine de ces représentations dans celles de personnages bibliques bien connus qui ont, pour leur part, de bonnes raisons d’être dans leur linceul, puisque ce sont des morts tous frais que l’on ressuscite :
« Parfois, il sort de son tombeau, comme dans les illustrations du récit biblique de la pythonisse d’En Dor (I Rois 28) : à la demande du roi Saül, inquiet de son destin, la sorcièrefait surgir de sa tombe le prophète Samuel , décédé peu de temps auparavant. Dans l’un de ces manuscrits bibliques, la Bible de Gumpert du XIe siècle, Samuel, encore vêtu de son linceul, entouré de bandelettes, le visage sombre, ressemble au ressuscité Lazare . Dans un autre manuscrit, daté du XIVe siècle, Samuel, dressé dans sa tombe, est enveloppé d’un linceul qui colle à son corps et laisse deviner ses membres par transparence.
Cette image fait écho à d’autres, où l’adhérence du linceul au corps et même une certaine transparence du tissu sont les signes distinctifs des revenants : pour caractériser de telles images et par analogie avec nos images conventionnelles de fantômes dans la photographie, le cinéma, les bandes dessinées, je n’hésite pas à parler à leur propos de « fantômes », bien que ce mot ait eu au Moyen Âge une signification différente. »
Mais c’est à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, en Angleterre, que l’accoutrement du fantôme s’impose réellement. Le théâtre élisabéthain adore en effet les fantômes. Et puisqu’on est au théâtre, il faut que ceux-ci soient clairement identifiés comme tels par le public, dès leur entrée en scène. Pierre Kapitaniak, dans son article « Le vêtement du fantôme dans le théâtre élisabéthain » (in Dramaturgies de l'ombre, dirigé par François Lecerce et Françoise Lavocat, Presses universitaires de Rennes, 2005, consultable sur books.openedition.org, a étudié cette représentation dans les illustrations de pièces publiées ainsi que dans les textes des pièces et les indications scéniques :
« Dans la pratique théâtrale, le premier à faire allusion à un suaire est Ben Jonson qui, en 1597, évoque dans une remarque ironique « le spectre de quelque grand satrape dans un drap sale ». Au tournant du siècle, Hamlet et Antonio’s Revenge de John Marston, deux pièces que rapprochent probablement des sources communes, mentionnent de façon semblable l’image du linceul déchiré par la souffrance du fils. Lors de sa première visite, le spectre d’Andrugio interpelle son fils Antonio en ces termes : « les affres de ta souffrance déchirent mon suaire ». De même, en voyant apparaître le fantôme de son père, Hamlet lui demande « pourquoi tes os, sanctifiés, mis en bière ont crevé leur linceul » (« Why thy canonized bones, hearsèd in death, Have burst their cerements », I, iv 28-29). Toutefois, dans les deux cas, le linceul est absent de la mise en scène. »
Pour aller plus loin, et puisque c’est l’été, voici une petite sélection de livres d’érudition, mais aussi de bandes dessinées et de films consacrés aux fantômes, d’ici et d’ailleurs :
- Les revenants [Livre] : les vivants et les morts dans la société médiévale / Jean-Claude Schmitt
- Le temps des fantômes [Livre] : spectralités de l'âge moderne, XVIe-XVIIe siècle / Caroline Callard
- Dictionnaire de la France merveilleuse [Livre] : surnaturel, êtres fantastiques, apparitions, lieux enchantés / Marie-Charlotte Delmas
- Chasses infernales et cohortes de la nuit au Moyen Age [Livre] / Claude Lecouteux
- Fantômes, apparitions et poltergeists [Livre] : une exploration du surnaturel à travers le temps / Brian Righi ; traduit de l'anglais par Renée Thivierge
- Fantômes et dames blanches [Livre] / François-Marie Luzel ; textes choisis et présentés par Françoise Morvan
- SOS fantômes 1 & 2 [D.V.D.] / réal. d'Ivan Reitman ; scénario de Harold Ramis & Dan Aykroyd ; mus. d'Elmer Bernstein & Randy Edelman
- Kairo [D.V.D.] ; (Suivi de) Charisma / réal. & scénario de Kiyoshi Kurosawa
- Histoires de fantômes chinois. 01 [D.V.D.] / réal. de Ching Siu Tung ; scénario de Yuen Kai Chi ; mus. de Romeo Diaz, James Wong ; Leslie Cheung, Joey Wong, Wu Ma... [et al.], act. ; produit par Ts...
- Ghost [D.V.D.] / réalisé par Jerry Zucker ; écrit par Bruce Joel Rubin ; mus. de Maurice Jarre
- Dictionnaire des yôkai [Livre] / Shigeru Mizuki ; traduit du japonais par Satoko Fujimoto, Patrick Honnoré
- Mon pépé est un fantôme [Livre] : saison corse / dessin TaDuc ; scénario Barral ; couleurs Nadine Thomas.
Bonne journée.
D’après les sources que nous avons consultées, si les fantômes apparaissent traditionnellement affublés d’une étoffe blanche, c’est parce que, depuis la Renaissance, ils ont coutume de nous visiter revêtus de leur dernière possession terrestre : leur
Pour découvrir le contexte religieux et intellectuel au sein duquel s’est construite l’image du spectre comme nous le concevons en occident, nous vous conseillons d’abord d’écouter l’entretien de l’historienne Caroline Callard, auteure de Le temps des fantômes [Livre] : spectralités de l'âge moderne, XVIe-XVIIe siècle / Caroline Callard dans l’émission « La Renaissance et ses fantômes » du 29/11/2019 sur France culture.
Selon l’historienne, l’image de l’esprit qui revient tourmenter ses porches s’est construite à partir du XIIIe siècle, avec l’apparition du
Au XVIe siècle, pendant les guerres de religions, la figure du fantôme devient centrale pour le clergé catholique, puisque le purgatoire est nié par les protestants – lesquels finiront toutefois par l’admettre, car, très populaires auprès du peuple, les apparitions de défunts hors de leur tombe supposent l’immortalité de l’âme...
Notons que le moyen âge et la renaissance font la distinction entre « les fantômes, esprits désincarnés des morts, [et ] les revenants, des défunts dotés d’un corps tangible », selon les mots d’Isabelle Marchessou, dans son article « Le fantôme à la fin du Moyen Âge : un personnage chargé de rassembler les vivants et les morts », consultable sur le blog de l’Université Toulouse 2, qui insiste sur la valeur religieuse des apparitions de spectres :
« Amanda McKeever remarque qu’à partir du XIIIe siècle, les récits de revenants participent à promouvoir l’efficacité des suffrages, et donc le Purgatoire. Revenants et Purgatoire prospèrent donc de concert en renforçant leur crédibilité mutuelle. En effet, ce dernier offre une « première explication logique de l’existence des revenant », en créant un territoire intermédiaire dont on peut revenir, tandis que les revenants sont une preuve concrète de l’existence de ce dernier. C’est dans cette optique qu’à partir du XIIe siècle les histoires de revenants du Purgatoire se multiplient jusqu’à être rassemblées dans des recueils d’exempla, à l’usage des prêtres et des prêcheurs pour ponctuer leurs sermons d’exemples et leur donner plus de poids.
Ronald C. Finucane établit trois catégories de revenants et fantômes médiévaux : ceux qui insistent sur l’importance des enseignements de l’Église ; ceux qui cherchent à réparer des injustices sociales ou personnelles ou qui enjoignent aux vivants à être moralement bons, et dont Finucane nous dit qu’ils ne sont pas aussi liés à l’Église que les premiers ; et enfin des revenants qui ne semblent avoir aucun but spécifique. »
Les fantômes et revenants peuvent donc poursuivre des buts religieux, éthiques ou sociaux très divers. Cette complexité se double d’une complication liée à leur nature : quelle est leur part de corporel et de spirituel ? Comment peuvent-ils se donner à voir, avoir un corps, alors que la mort est censée être le moment de la séparation de l’âme et de la chair ?
D’après l’ouvrage Les revenants [Livre] : les vivants et les morts dans la société médiévale / Jean-Claude Schmitt, l’apparence du fantôme est une construction sociale dont l’histoire s’inscrit dans ce questionnement : il est longtemps « question de rêves et d’impressions confuses, de bruits et de voix, plutôt que de vision claire ». Les apparitions rapportées font état de spectres de forme humaine, mais aussi animale, voire de meules de foin animées ! La difficulté de ces figuration est liée au fait que « le christianisme médiéval n’a jamais pu résoudre la contradiction entre deux exigences profondes : d’une part, le désir de nier le corps pour mieux tendre vers Dieu et donc d’assimiler le « spirituel » à l’immatériel ; d’autre part, la nécessité d’imaginer l’invisible[…]. »
Et de noter que le fantôme médiéval ne se présente pas d’emblée entouré de son suaire : longtemps, son apparence sera très variable. La plupart des spectres ont l’apparence qu’ils avaient au moment de leur mort, mais certains (les âmes pures de péché) se manifestent sous les traits de petits enfants nus ; souvent, les vêtements portés sont ceux qui témoignent du rang social de la personne – notion très importante au moyen-âge – les moines sont vêtus de leur bure, les guerriers sont en armes, exhibant parfois la blessure qui les a tués… parfois encore une personne ayant volé ou omis de rendre des vêtements qu’on lui a prêtés de son vivant, se présentera nue, implorant les proches qu’elle visite de la vêtir.
Pourtant, dès le XIIIe siècle, on trouve dans les enluminures des représentations de fantômes pâles et presque immatériels, revêtus d’une étoffe blanche. L’historien cite un manuscrit espagnol de 1272, les Cantigas de Santa Maria :
« Le plus étrange, dans cette série d’images, est l’apparence fantomatique du mort : à l’inverse du personnage vivant qui lui fait face, il est dépourvu de toute couleur, de toute densité charnelle et l’image de son visage comme de son vêtement se réduit à un dessin uniformément diaphane et à peine visible.
[…]
On peut dire que le fantôme occidental, celui des bandes dessinées et du cinéma fantastique, est né à la fin du XIIIe siècle. Car la miniature des Cantigas n’est pas un cas unique. Des fantômes sont aussi figurés dans certains manuscrits enluminés du Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Diguilleville. […] Des linceuls en forme de sac d’un beige indécis les englobent entièrement, y compris les visages. [ …] Dans un autre manuscrit de la Bibliothèque nationale, les trois morts […] sont vêtus d’une sorte de bure blanche d’où émerge la tête, cette fois bien distincte de l’habit. C’est une tête de mort trouée de deux yeux noirs et pourvue d’une lage bouche et d’une forte dentition. […] »
Dans l’article richement illustré « Figurer et mimer les fantômes au XIVe siècle – La représentation des revenants dans l’iconographie médiévale » (Terrain [En ligne], 69 | avril 2018, mis en ligne le 19 juin 2018, consulté le 04 août 2020, lisible sur openedition.org), le même Jean-Claude Schmitt situe l’origine de ces représentations dans celles de personnages bibliques bien connus qui ont, pour leur part, de bonnes raisons d’être dans leur linceul, puisque ce sont des morts tous frais que l’on ressuscite :
« Parfois, il sort de son tombeau, comme dans les illustrations du récit biblique de la pythonisse d’En Dor (I Rois 28) : à la demande du roi Saül, inquiet de son destin, la sorcière
Cette image fait écho à d’autres, où l’adhérence du linceul au corps et même une certaine transparence du tissu sont les signes distinctifs des revenants : pour caractériser de telles images et par analogie avec nos images conventionnelles de fantômes dans la photographie, le cinéma, les bandes dessinées, je n’hésite pas à parler à leur propos de « fantômes », bien que ce mot ait eu au Moyen Âge une signification différente. »
Mais c’est à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, en Angleterre, que l’accoutrement du fantôme s’impose réellement. Le théâtre élisabéthain adore en effet les fantômes. Et puisqu’on est au théâtre, il faut que ceux-ci soient clairement identifiés comme tels par le public, dès leur entrée en scène. Pierre Kapitaniak, dans son article « Le vêtement du fantôme dans le théâtre élisabéthain » (in Dramaturgies de l'ombre, dirigé par François Lecerce et Françoise Lavocat, Presses universitaires de Rennes, 2005, consultable sur books.openedition.org, a étudié cette représentation dans les illustrations de pièces publiées ainsi que dans les textes des pièces et les indications scéniques :
« Dans la pratique théâtrale, le premier à faire allusion à un suaire est Ben Jonson qui, en 1597, évoque dans une remarque ironique « le spectre de quelque grand satrape dans un drap sale ». Au tournant du siècle, Hamlet et Antonio’s Revenge de John Marston, deux pièces que rapprochent probablement des sources communes, mentionnent de façon semblable l’image du linceul déchiré par la souffrance du fils. Lors de sa première visite, le spectre d’Andrugio interpelle son fils Antonio en ces termes : « les affres de ta souffrance déchirent mon suaire ». De même, en voyant apparaître le fantôme de son père, Hamlet lui demande « pourquoi tes os, sanctifiés, mis en bière ont crevé leur linceul » (« Why thy canonized bones, hearsèd in death, Have burst their cerements », I, iv 28-29). Toutefois, dans les deux cas, le linceul est absent de la mise en scène. »
Pour aller plus loin, et puisque c’est l’été, voici une petite sélection de livres d’érudition, mais aussi de bandes dessinées et de films consacrés aux fantômes, d’ici et d’ailleurs :
- Les revenants [Livre] : les vivants et les morts dans la société médiévale / Jean-Claude Schmitt
- Le temps des fantômes [Livre] : spectralités de l'âge moderne, XVIe-XVIIe siècle / Caroline Callard
- Dictionnaire de la France merveilleuse [Livre] : surnaturel, êtres fantastiques, apparitions, lieux enchantés / Marie-Charlotte Delmas
- Chasses infernales et cohortes de la nuit au Moyen Age [Livre] / Claude Lecouteux
- Fantômes, apparitions et poltergeists [Livre] : une exploration du surnaturel à travers le temps / Brian Righi ; traduit de l'anglais par Renée Thivierge
- Fantômes et dames blanches [Livre] / François-Marie Luzel ; textes choisis et présentés par Françoise Morvan
- SOS fantômes 1 & 2 [D.V.D.] / réal. d'Ivan Reitman ; scénario de Harold Ramis & Dan Aykroyd ; mus. d'Elmer Bernstein & Randy Edelman
- Kairo [D.V.D.] ; (Suivi de) Charisma / réal. & scénario de Kiyoshi Kurosawa
- Histoires de fantômes chinois. 01 [D.V.D.] / réal. de Ching Siu Tung ; scénario de Yuen Kai Chi ; mus. de Romeo Diaz, James Wong ; Leslie Cheung, Joey Wong, Wu Ma... [et al.], act. ; produit par Ts...
- Ghost [D.V.D.] / réalisé par Jerry Zucker ; écrit par Bruce Joel Rubin ; mus. de Maurice Jarre
- Dictionnaire des yôkai [Livre] / Shigeru Mizuki ; traduit du japonais par Satoko Fujimoto, Patrick Honnoré
- Mon pépé est un fantôme [Livre] : saison corse / dessin TaDuc ; scénario Barral ; couleurs Nadine Thomas.
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