Les hommes préhistoriques pratiquaient-ils les préliminaires
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 27/05/2020 à 15h18
1030 vues
Question d'origine :
Les hommes préhistoriques et femmes préhistoriques pratiquaient-ils les préliminaires ? A quand remontent ces pratiques ? Merci Guichet
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 29/05/2020 à 13h40
Bonjour,
Concernant la vie sexuelle à la préhistoire, nous ne disposons que de très peu d’éléments. Faire appel à des comparaisons avec la vie des animaux (bonobos et autres grands singes) ou avec des sociétés traditionnelles est tentant mais risqué… Les spécialistes préfèrent s’appuyer sur les arts graphiques et plastiques, les sépultures et les habitats pour chercher des indices sur la vie des hommes et femmes de la préhistoire.
Dans leur ouvrage Le sexe au temps des Cro-Magnon les préhistoriens Gilles et Brigitte Delluc décrivent des représentations qui ont pu être interprétées comme des scènes de préliminaires (interprétation qu’ils ne partagent pas forcément) :
« Des préliminaires
Il a été décrit d’exceptionnelles scènes, évoquant le baiser. Un baiser sur la nuque à Gourdan (Haute-Garonne), d’après l’abbé Henri Breuil, mais il est bien douteux : une sorte de Martien s’approche de la nuque d’un homme. Un baiser bouche contre bouche se distingue, non sans mal, dans les multiples traits gravés d’une plaquette de la Marche (Vienne) : mais on ne peut définir le sexe des personnages représentés, ni deviner leurs sentiments.
Ont été décrits aussi une attitude érotique (un membre supérieur et une main proche d’un pénis) sur un fragment de galet de grès d’Enlène, (Ariège) et un contact oro-génital (à moins qu’il ne s’agisse d’un enchevêtrement de traits gravés) entre deux personnes de sexe indéterminé sur deux plaques de la Marche (Vienne).
Ce galet d’Enlène porte divers traits assez anarchiquement disposés. Ils ont fait parler d’une scène d’un « réalisme inconvenant », par le pudique Louis Bégouën, semblant mettre en jeu deux personnages acéphales : une femme au fessier caractéristique tendant la main vers un homme au sexe érigé, selon un relevé de l’abbé Henri Breuil. Si la silhouette masculine se devine, celle de la femme (à part le membre supérieur et la main) paraît une vue de l’esprit de Henri Breuil, « peut-être inconsciemment entraîné à compléter ce relevé en fonction du sexe que lui et Louis Bégouën attribuaient à ce personnage à la main tendue » (Bégouën et Clottes, 1984, 1995), et non une observation objective, si l’on en croit un relevé récent de Ch. Servelle.
L’homme au sexe de calcite dessiné sur la paroi du Portel (Ariège) et peut-être la grossière ronde-bosse priapique de Laussel (Dordogne) semblent aussi porter leur main (gauche) à leur sexe érigé. Cette gestuelle, joliment nommée « gestuelle sexuelle autologue », ne se retrouve pas sur les figures féminines (Duhard, 1996a). »
De son côté, le préhistorien Jean Courtin va jusqu’à affirmer qu’"il ne devait pas y avoir beaucoup de préliminaires" :
«Une idée trop reçue suggère qu'un jour l'homme serait passé d'une sexualité animale à une pratique plus humanisée: il aurait fait l'amour face à face...
La découverte de la position du missionnaire! Cela fait beaucoup rire les préhistoriens. Quel est le premier qui a eu l'idée de ne plus faire l'amour comme les animaux? Impossible de le dire. Il ne devait pas y avoir beaucoup de préliminaires à cette époque. Les hommes et les femmes préhistoriques n'étaient peut-être pas raffinés dans leur sexualité, mais ils devaient quand même s'apprécier, s'aimer. Les squelettes féminins que l'on a retrouvés sont couverts de parures. On enterrait les femmes avec autant d'égards que les hommes. Et puis, il y avait le langage. Pourquoi n'aurait-il pas été utilisé pour traduire la complexité des sentiments?
L'art des grottes préhistoriques peut-il nous renseigner sur leur manière d'aimer?
Sur les parois des grottes, on trouve très peu de représentations humaines, et aucune scène de coït ni même d'accouplement animal. L'art pariétal, qui ne montre que certains animaux, représente non pas la vie quotidienne, mais des symboles. Le cheval symbolise la force; le cerf, la virilité. Il est donc vain d'y chercher à y lire la réalité de l'époque... Dans certaines grottes, il y a aussi des images de vulves et de phallus.
Des sexes dessinés sur les parois? De l'érotisme avant l'heure?
Là encore, il s'agit sans doute de symboles de fertilité. Dans la grotte Chauvet, en Ardèche (¬ 35 000 ans), on a aussi relevé la seule représentation de femme peinte que l'on connaisse pour cette époque, dont le bas-ventre est très réaliste... Mais seule une plaquette gravée, découverte par Jean Clottes dans l'Ariège, datant de ¬12 000 ans, montre deux personnages qui s'accouplent par derrière. On a pensé un moment qu'il s'agissait de deux hommes. On penche plutôt maintenant pour un homme et une femme... On connaît aussi, en Ariège, deux bisons modelés, couple d'animal prêt à s'accoupler. Pas grand-chose, en somme.
La sexualité ne faisait pas partie de la mythologie que symbolise l'art pariétal. Au paléolithique supérieur, on a ces fameuses statuettes féminines, ces Vénus dont les traits du visage ne sont pas représentés mais dont les attributs féminins sont exagérés. Ce sont encore des symboles de fertilité et non pas des représentations réalistes de la femme préhistorique: je ne peux pas imaginer que l'idéal de la beauté étaient ces dames à grosses fesses! A mon sens, les femmes paléolithiques devaient plutôt être du genre élancé et ne pas avoir beaucoup de kilos en trop. »
Source : Le sexe au fil des siècles: "Cro-Magnon devait connaître la passion", lexpress.fr
Dans Le sexe d’hier à aujourd’hui, Romain Pigeaud conclut qu’il est « bien difficile d’inférer de l’art paléolithique quelque pratique ou orientation sexuelle que ce soit. Il faudra attendre la fin de l’âge glaciaire pour voir apparaître des scènes explicitement sexuelles : ithyphalliques, femmes « ouvertes » et scènes de coït… Mais il apparaît bien vite que toutes ces images sont plus symboliques que descriptives ; il serait là aussi bien risqué d’en tirer des déductions sur les pratiques sexuelles de l’époque…
Faute d’évidences contraires, on continuera de penser que le premier souci du Cro-Magnon était de se reproduire, ce qui n’empêche pas la recherche du plaisir. On peut concevoir que certains phallus sculptés aient servi de godemichés, mais cela reste à prouver. La tribologie (science qui étudie, entre entres, les traces de frottements et frictions laissées sur les objets au cours de leur usage) pourra peut-être venir à notre secours. »
Bonne journée.
Concernant la vie sexuelle à la préhistoire, nous ne disposons que de très peu d’éléments. Faire appel à des comparaisons avec la vie des animaux (bonobos et autres grands singes) ou avec des sociétés traditionnelles est tentant mais risqué… Les spécialistes préfèrent s’appuyer sur les arts graphiques et plastiques, les sépultures et les habitats pour chercher des indices sur la vie des hommes et femmes de la préhistoire.
Dans leur ouvrage Le sexe au temps des Cro-Magnon les préhistoriens Gilles et Brigitte Delluc décrivent des représentations qui ont pu être interprétées comme des scènes de préliminaires (interprétation qu’ils ne partagent pas forcément) :
« Des préliminaires
Il a été décrit d’exceptionnelles scènes, évoquant le baiser. Un baiser sur la nuque à Gourdan (Haute-Garonne), d’après l’abbé Henri Breuil, mais il est bien douteux : une sorte de Martien s’approche de la nuque d’un homme. Un baiser bouche contre bouche se distingue, non sans mal, dans les multiples traits gravés d’une plaquette de la Marche (Vienne) : mais on ne peut définir le sexe des personnages représentés, ni deviner leurs sentiments.
Ont été décrits aussi une attitude érotique (un membre supérieur et une main proche d’un pénis) sur un fragment de galet de grès d’Enlène, (Ariège) et un contact oro-génital (à moins qu’il ne s’agisse d’un enchevêtrement de traits gravés) entre deux personnes de sexe indéterminé sur deux plaques de la Marche (Vienne).
Ce galet d’Enlène porte divers traits assez anarchiquement disposés. Ils ont fait parler d’une scène d’un « réalisme inconvenant », par le pudique Louis Bégouën, semblant mettre en jeu deux personnages acéphales : une femme au fessier caractéristique tendant la main vers un homme au sexe érigé, selon un relevé de l’abbé Henri Breuil. Si la silhouette masculine se devine, celle de la femme (à part le membre supérieur et la main) paraît une vue de l’esprit de Henri Breuil, « peut-être inconsciemment entraîné à compléter ce relevé en fonction du sexe que lui et Louis Bégouën attribuaient à ce personnage à la main tendue » (Bégouën et Clottes, 1984, 1995), et non une observation objective, si l’on en croit un relevé récent de Ch. Servelle.
L’homme au sexe de calcite dessiné sur la paroi du Portel (Ariège) et peut-être la grossière ronde-bosse priapique de Laussel (Dordogne) semblent aussi porter leur main (gauche) à leur sexe érigé. Cette gestuelle, joliment nommée « gestuelle sexuelle autologue », ne se retrouve pas sur les figures féminines (Duhard, 1996a). »
De son côté, le préhistorien Jean Courtin va jusqu’à affirmer qu’"il ne devait pas y avoir beaucoup de préliminaires" :
«
La découverte de la position du missionnaire! Cela fait beaucoup rire les préhistoriens. Quel est le premier qui a eu l'idée de ne plus faire l'amour comme les animaux? Impossible de le dire. Il ne devait pas y avoir beaucoup de préliminaires à cette époque. Les hommes et les femmes préhistoriques n'étaient peut-être pas raffinés dans leur sexualité, mais ils devaient quand même s'apprécier, s'aimer. Les squelettes féminins que l'on a retrouvés sont couverts de parures. On enterrait les femmes avec autant d'égards que les hommes. Et puis, il y avait le langage. Pourquoi n'aurait-il pas été utilisé pour traduire la complexité des sentiments?
Sur les parois des grottes, on trouve très peu de représentations humaines, et aucune scène de coït ni même d'accouplement animal. L'art pariétal, qui ne montre que certains animaux, représente non pas la vie quotidienne, mais des symboles. Le cheval symbolise la force; le cerf, la virilité. Il est donc vain d'y chercher à y lire la réalité de l'époque... Dans certaines grottes, il y a aussi des images de vulves et de phallus.
Là encore, il s'agit sans doute de symboles de fertilité. Dans la grotte Chauvet, en Ardèche (¬ 35 000 ans), on a aussi relevé la seule représentation de femme peinte que l'on connaisse pour cette époque, dont le bas-ventre est très réaliste... Mais seule une plaquette gravée, découverte par Jean Clottes dans l'Ariège, datant de ¬12 000 ans, montre deux personnages qui s'accouplent par derrière. On a pensé un moment qu'il s'agissait de deux hommes. On penche plutôt maintenant pour un homme et une femme... On connaît aussi, en Ariège, deux bisons modelés, couple d'animal prêt à s'accoupler. Pas grand-chose, en somme.
La sexualité ne faisait pas partie de la mythologie que symbolise l'art pariétal. Au paléolithique supérieur, on a ces fameuses statuettes féminines, ces Vénus dont les traits du visage ne sont pas représentés mais dont les attributs féminins sont exagérés. Ce sont encore des symboles de fertilité et non pas des représentations réalistes de la femme préhistorique: je ne peux pas imaginer que l'idéal de la beauté étaient ces dames à grosses fesses! A mon sens, les femmes paléolithiques devaient plutôt être du genre élancé et ne pas avoir beaucoup de kilos en trop. »
Source : Le sexe au fil des siècles: "Cro-Magnon devait connaître la passion", lexpress.fr
Dans Le sexe d’hier à aujourd’hui, Romain Pigeaud conclut qu’il est « bien difficile d’inférer de l’art paléolithique quelque pratique ou orientation sexuelle que ce soit. Il faudra attendre la fin de l’âge glaciaire pour voir apparaître des scènes explicitement sexuelles : ithyphalliques, femmes « ouvertes » et scènes de coït… Mais il apparaît bien vite que toutes ces images sont plus symboliques que descriptives ; il serait là aussi bien risqué d’en tirer des déductions sur les pratiques sexuelles de l’époque…
Faute d’évidences contraires, on continuera de penser que le premier souci du Cro-Magnon était de se reproduire, ce qui n’empêche pas la recherche du plaisir. On peut concevoir que certains phallus sculptés aient servi de godemichés, mais cela reste à prouver. La tribologie (science qui étudie, entre entres, les traces de frottements et frictions laissées sur les objets au cours de leur usage) pourra peut-être venir à notre secours. »
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Le polar préhistorique de Hannelore Cayre est-il véridique...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter