Question d'origine :
Bonjour
Pouvez vous me dire ce que signifie " tenir à fief emphitéote perpétuel"' expression trouvée dans les Reconnaissances générales du 18 e siècle.
Et aussi qu'etce que "l'acapte" toujours au 18 e siècle ?
Quels étaient les impots ou taxes payées par les paysans dans une paroisse ( propriétaires et autres ?)
Pouvait -on être propriétaire ( laboureur ) et devoir des redevances à un seigneur ( toujours au 18 e s ?
Merci pour toutes vos réponses
Claire VEAUX
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 07/12/2019 à 09h48
Bonjour,
Reprenons vos questions une par une et tentons d’y répondre.
Tout d’abord en ce qui concerne l’expression "tenir à fief emphitéote perpétuel", il semble que vous nous ayez déjà demandé la signification de ce terme, et que nous vous ayons déjà répondu ici.
Pour rappel, voilà la définition que donne Lucien Bély dans Le grand dictionnaire de l’Ancien Régime: Emphytéose : contrat par lequel le propriétaire d'un héritage en cède à quelqu'un la jouissance pour un tems, ou même à perpétuité, à la charge d'une redevance annuelle que le bailleur réserve sur cet héritage, pour marque de son domaine direct.
Il ajoute, « L’emphythéose tenait tantôt de la censive, tantôt du simple bail à rente. Concession de longue durée, de 29 à 99 ans, ou perpétuelle, avec obligation d’améliorer ; s’il ne payait pas la rente pendant 3 ans, l’emphythéote perdait sa terre. C’était un bail à cens si le concédant était seigneur de fief. C’était un bail à rente si le concédant n’était qu’un propriétaire de rotures. Ce type de bail donnait avec des variantes, un droit de jouissance transmissible aux héritiers en ligne directe. Ces baux à long terme qui grevaient les terres ne se renouvellent plus beaucoup au cours des trois siècles d’Ancien Régime. »
Wikipédia nous apprend qu’au Moyen Âge, « l'acapte était un droit casuel, un droit de mutation exigible lors de la mort du seigneur ou du censitaire. L'acapte correspondait au doublement de la rente, mais elle pouvait aller jusqu'à la totalité des fruits d'une année à choisir sur trois années. L'acapte était le droit dû par le censitaire à la mort du. Acapte, capte, arrière-capte étaient des mots utilisés surtout dans la Guyenne et une partie du Languedoc. »
Pour ce qui est des impôts payés par les paysans au XVIIIe siècle, il faut savoir que depuis plusieurs siècles, les droits féodaux et seigneuriaux s’étaient accumulés et avaient changé, si bien que les gens ne savaient plus l’origine de leurs droits ou leur signification. De même, les historiens sont assez embêtés lorsqu’il leur faut répertorier et classer ceux-ci.
Nos recherches sur internet nous donnent quelques pistes concernant les taxes auxquelles étaient soumis les paysans. On y retrouve la corvée, la taille, le cens, le champart... Là encore, nous vous conseillons de consulter le Dictionnaire de l'Ancien Régime pour retrouver la définition de chacun de ces impôts.
Cette page consacrée à l’histoire de la fiscalité apporte un éclairage historique sur la mise en place de certains impôts présents en France au XVIIIe siècle.
Enfin concernant les redevances spécifiques incombant aux paysans laboureurs ou fermiers, c’est à partir du XII° siècle de nombreux seigneurs affranchissent leurs serfs, préférant employer des salariés ou louer leurs terres à des fermiers (paysans qui paient un fermage, une sorte de loyer en argent, pouvant valoir un tiers ou même la moitié des récoltes).
Au cours des siècles, certains fermiers réussissent à s'enrichir. A la fin du Moyen Age ils forment la classe des laboureurs, qui possèdent souvent une paire de boeufs ou un cheval et un attelage.
Dans l'article Les transformations de la seigneurie en France entre 1600 et 1789 de Jean Gallet, on apprend que des groupes de fermiers, sous-louaient les levées des revenus, et travaillaient avec de nombreux commis.
« Les fermiers n'étaient plus les mêmes qu'autrefois : des laboureurs prenaient des sous-fermes dans leurs villages. Pour le seigneur, la ferme présentait des avantages. Ce seigneur recevait son revenu régulièrement, en argent, sans aléas, parfois bien avant la perception réelle; il pouvait anticiper, dépenser l'argent avant la levée des droits. Elle déchargeait le seigneur des soucis de la gestion et des procès. Le fermier avait à sa charge l'entretien des bâtiments, des moulins et des chaussées, des bacs, de même que le règlement de rentes constituées, de rentes censives, de fondations... que le seigneur devait à son seigneur supérieur, à des communautés, à des seigneurs voisins, à des églises. Des fermiers prêtaient même des capitaux aux seigneurs en difficulté. »
À la veille de la Révolution française, 80 % de la population française est rurale : 60 % sont paysans et 40 % vivent de l'artisanat et de l'industrie. Il faut savoir qu’à l'époque moderne, peu de paysans ne possèdent aucune terre. En revanche, beaucoup possèdent très peu : les trois-quarts possèdent moins de 2 hectares, et les très grandes propriétés sont ainsi rares.
Néanmoins, ils étaient eux aussi soumis à l’impôt comme le mentionne cet article sur l’invention de l’impôt sur le revenu qui prend l’exemple des riches fermiers présents en Ile de France comme illustration de la fiscalité qui leur était appliquée :
« L’Ile-de-France concentrant un nombre important de riches fermiers, la question de leur imposition s’y posait de façon plus nette qu’ailleurs. Il s’agit en effet d’imposer les gros exploitants-propriétaires et les fermiers disposant d’un capital d’exploitation personnel. Munis de ce capital incarné avant tout par les charrues, les chevaux et les bœufs, ces exploitants sont considérés pratiquer une industrie, à la différence des locataires de petites parcelles qui n’ont pas de capital en propre et dont la majeure partie du profit sert à acquitter le loyer ou rente foncière due au propriétaire. Les laboureurs sont donc taxés comme tous les autres artisans, au taux fixe de 1 sol par livre. Leur bénéfice d’exploitation ou bénéfice de mises de fonds est estimé au dixième de leur cote de taille d’exploitation. Dans d’autres généralités, il était moins évident de définir le laboureur se livrant à l’industrie. L’intendant de Champagne Rouillé d’Orfeuil, Turgot en Limousin prenaient en compte la quantité de terres exploitées rapportée à l’équipement en train d’attelage. Si cette quantité ne suffisait manifestement pas à occuper une paire de bœufs toute l’année, le laboureur était supposé louer son matériel et était donc taxé à l’industrie. Dans la généralité de Caen, l’intendant de Vatan avait renoncé à définir des règles pour estimer l’industrie des laboureurs et s’en remettait à l’appréciation des commissaires aux impositions. »
Pour approfondir vos recherches:
Le grand dictionnaire de l’Ancien Régime / Lucien Bély
Les paysans français d’Ancien Régime / Emmanuel Le Roy Ladurie
La dette, la dîme et le denier : une analyse sémantique du vocabulaire économique et financier au Moyen âge / Dominique Ancelet-Netter
Le village sous l'Ancien Régime / Antoine Follain
Les Français devant l'impôt sous l'Ancien Régime / François Hincker
Bonnes lectures !
Reprenons vos questions une par une et tentons d’y répondre.
Tout d’abord en ce qui concerne l’expression "tenir à fief emphitéote perpétuel", il semble que vous nous ayez déjà demandé la signification de ce terme, et que nous vous ayons déjà répondu ici.
Pour rappel, voilà la définition que donne Lucien Bély dans Le grand dictionnaire de l’Ancien Régime: Emphytéose : contrat par lequel le propriétaire d'un héritage en cède à quelqu'un la jouissance pour un tems, ou même à perpétuité, à la charge d'une redevance annuelle que le bailleur réserve sur cet héritage, pour marque de son domaine direct.
Il ajoute, « L’emphythéose tenait tantôt de la censive, tantôt du simple bail à rente. Concession de longue durée, de 29 à 99 ans, ou perpétuelle, avec obligation d’améliorer ; s’il ne payait pas la rente pendant 3 ans, l’emphythéote perdait sa terre. C’était un bail à cens si le concédant était seigneur de fief. C’était un bail à rente si le concédant n’était qu’un propriétaire de rotures. Ce type de bail donnait avec des variantes, un droit de jouissance transmissible aux héritiers en ligne directe. Ces baux à long terme qui grevaient les terres ne se renouvellent plus beaucoup au cours des trois siècles d’Ancien Régime. »
Wikipédia nous apprend qu’au Moyen Âge, « l'acapte était un droit casuel, un droit de mutation exigible lors de la mort du seigneur ou du censitaire. L'acapte correspondait au doublement de la rente, mais elle pouvait aller jusqu'à la totalité des fruits d'une année à choisir sur trois années. L'acapte était le droit dû par le censitaire à la mort du. Acapte, capte, arrière-capte étaient des mots utilisés surtout dans la Guyenne et une partie du Languedoc. »
Pour ce qui est des impôts payés par les paysans au XVIIIe siècle, il faut savoir que depuis plusieurs siècles, les droits féodaux et seigneuriaux s’étaient accumulés et avaient changé, si bien que les gens ne savaient plus l’origine de leurs droits ou leur signification. De même, les historiens sont assez embêtés lorsqu’il leur faut répertorier et classer ceux-ci.
Nos recherches sur internet nous donnent quelques pistes concernant les taxes auxquelles étaient soumis les paysans. On y retrouve la corvée, la taille, le cens, le champart... Là encore, nous vous conseillons de consulter le Dictionnaire de l'Ancien Régime pour retrouver la définition de chacun de ces impôts.
Cette page consacrée à l’histoire de la fiscalité apporte un éclairage historique sur la mise en place de certains impôts présents en France au XVIIIe siècle.
Enfin concernant les redevances spécifiques incombant aux paysans laboureurs ou fermiers, c’est à partir du XII° siècle de nombreux seigneurs affranchissent leurs serfs, préférant employer des salariés ou louer leurs terres à des fermiers (paysans qui paient un fermage, une sorte de loyer en argent, pouvant valoir un tiers ou même la moitié des récoltes).
Au cours des siècles, certains fermiers réussissent à s'enrichir. A la fin du Moyen Age ils forment la classe des laboureurs, qui possèdent souvent une paire de boeufs ou un cheval et un attelage.
Dans l'article Les transformations de la seigneurie en France entre 1600 et 1789 de Jean Gallet, on apprend que des groupes de fermiers, sous-louaient les levées des revenus, et travaillaient avec de nombreux commis.
« Les fermiers n'étaient plus les mêmes qu'autrefois : des laboureurs prenaient des sous-fermes dans leurs villages. Pour le seigneur, la ferme présentait des avantages. Ce seigneur recevait son revenu régulièrement, en argent, sans aléas, parfois bien avant la perception réelle; il pouvait anticiper, dépenser l'argent avant la levée des droits. Elle déchargeait le seigneur des soucis de la gestion et des procès. Le fermier avait à sa charge l'entretien des bâtiments, des moulins et des chaussées, des bacs, de même que le règlement de rentes constituées, de rentes censives, de fondations... que le seigneur devait à son seigneur supérieur, à des communautés, à des seigneurs voisins, à des églises. Des fermiers prêtaient même des capitaux aux seigneurs en difficulté. »
À la veille de la Révolution française, 80 % de la population française est rurale : 60 % sont paysans et 40 % vivent de l'artisanat et de l'industrie. Il faut savoir qu’à l'époque moderne, peu de paysans ne possèdent aucune terre. En revanche, beaucoup possèdent très peu : les trois-quarts possèdent moins de 2 hectares, et les très grandes propriétés sont ainsi rares.
Néanmoins, ils étaient eux aussi soumis à l’impôt comme le mentionne cet article sur l’invention de l’impôt sur le revenu qui prend l’exemple des riches fermiers présents en Ile de France comme illustration de la fiscalité qui leur était appliquée :
« L’Ile-de-France concentrant un nombre important de riches fermiers, la question de leur imposition s’y posait de façon plus nette qu’ailleurs. Il s’agit en effet d’imposer les gros exploitants-propriétaires et les fermiers disposant d’un capital d’exploitation personnel. Munis de ce capital incarné avant tout par les charrues, les chevaux et les bœufs, ces exploitants sont considérés pratiquer une industrie, à la différence des locataires de petites parcelles qui n’ont pas de capital en propre et dont la majeure partie du profit sert à acquitter le loyer ou rente foncière due au propriétaire. Les laboureurs sont donc taxés comme tous les autres artisans, au taux fixe de 1 sol par livre. Leur bénéfice d’exploitation ou bénéfice de mises de fonds est estimé au dixième de leur cote de taille d’exploitation. Dans d’autres généralités, il était moins évident de définir le laboureur se livrant à l’industrie. L’intendant de Champagne Rouillé d’Orfeuil, Turgot en Limousin prenaient en compte la quantité de terres exploitées rapportée à l’équipement en train d’attelage. Si cette quantité ne suffisait manifestement pas à occuper une paire de bœufs toute l’année, le laboureur était supposé louer son matériel et était donc taxé à l’industrie. Dans la généralité de Caen, l’intendant de Vatan avait renoncé à définir des règles pour estimer l’industrie des laboureurs et s’en remettait à l’appréciation des commissaires aux impositions. »
Pour approfondir vos recherches:
Le grand dictionnaire de l’Ancien Régime / Lucien Bély
Les paysans français d’Ancien Régime / Emmanuel Le Roy Ladurie
La dette, la dîme et le denier : une analyse sémantique du vocabulaire économique et financier au Moyen âge / Dominique Ancelet-Netter
Le village sous l'Ancien Régime / Antoine Follain
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