Question d'origine :
Mesdames, Messieurs,
Honoré de Balzac dans le Père Goriot utilise les mots suivants pour désigner des montants d'argent:
- livre ou écu ou franc ou sous.
Pouvez-vous donner la correspondance entre ces unités ?
D'avance merci.
Bien cordialement.
André Gromier
P.S.: Je profite de cette question pour vous féliciter et vous remercier
pour votre réponse à ma question précédente:Pain de moine en moins cuit (02/11/2019).
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 14/11/2019 à 11h21
Bonjour,
Nous vous remercions à notre tour de votre gentillesse.
La complexité des notions monétaires à l’époque de Balzac s’explique par le fait qu’il s’agit d’une époque charnière.
Il faut d’abord savoir qu’en 1795 eu lieu une réforme monétaire, dont le but était de remplacer un système duodécimal archaïque et très hétérogène par un système décimal unifié, basé sur le poids des métaux précieux. C’est ainsi quele franc avait remplacé la livre , en usage depuis le VIIIe siècle :
« Un décret du 28 thermidor an III (15 août 1795) créant le franc l'avait défini comme constitué d'une pièce d'argent de cinq grammes au titre de neuf cent millièmes de fin (1). Une loi du 25 germinal an IV (14 avril 1796) avait édicté quela pièce d'argent de cinq francs devait être « reçue pour cinq livres un sou trois deniers tournois » (2), établissant par là une correspondance légale entre la monnaie de compte de l'ancien régime et la nouvelle unité monétaire. Une loi du 7 germinal an XI (28 mars 1803) l'avait conjointement défini par un poids d'or, établissant ainsi entre la valeur monétaire de l'or et celle de l'argent un rapport légal tel qu'un gramme d'or valait 15,5 fois plus de francs qu'un gramme d'argent. »
(Source : Jean-Marcel Jeanneney, « Monnaie et mécanismes monétaires en France de 1878 à 1939 », article consultable sur ofce.sciences-po.fr)
A l’époque où se déroule l’action du Père Goriot, vers 1819, la livre et l’écu ne sont plus officiellement en usage ; mais la réforme était encore toute fraîche, et on employait encore les termes de livre et d’écu par analogie, ou par habitude – un peu comme certaines personnes âgées éprouvent toujours le besoin de calculer en anciens francs des sommes formulées en euros. Mais surtout, d’anciennes pièces de faible valeur étaient toujours en circulation et servaient de monnaie officieuse. Un article très intéressant sur le sujet peut être consulté sur le site de l’Association d’économie financière :
« Au xixe siècle, les monnaies du peuple étaient donc bornées entre deux métaux. En haut, il y avait l’argent,la pièce de 5 francs, souvent qualifiée d’écu à partir des années 1820, par analogie avec l’ancien écu de 6 livres . Il était, d’après Balzac, le prix de « tous les genres de prostitutions parisiennes » et l’instrument clé du règlement des salaires. C’est cet argent qui forme le pécule accumulé du maçon creusois Léonard lorsqu’il quitte Paris en 1842. Il a alors une phrase révélatrice des dénivellations sociales de la monnaie : « J’étais tellement novice dans les questions d’argent que je ne songeais même pas à changer mes pièces de 100 sous, soit en pièces d’or, soit en billets de banque. » (Nadaud, 1895). La pièce de 100 sous, c’est évidemment la pièce d’argent de 5 francs , mais vue « par en bas », du point de vue de celui pour qui « un sou est un sou ». L’or, il n’y pense pas et le billet de banque n’est pas encore passé dans l’usage et pourtant, 4 000 francs en argent, cela représente une masse de 20 kg ! »
A l’inverse, d’anciennes monnaies de faible valeur, en cuivre ou en bronze, ont continué à être utilisées pendant plus de la moitié du siècle :
« Enfin, tout en bas, il y a la monnaie de cuivre et de bronze. C’est la monnaie des petits achats quotidiens, la monnaie du peuple, mais aussi celle dont la qualité laisse le plus à désirer. Car cette petite monnaie est disparate : on y trouve de vieux liards de cuivre, convertispar la coutume [sic !] en centimes, des « sous de cloche », ces pièces frappées pendant la Révolution avec le bronze des cloches des églises devenues « biens nationaux », des « doubles décimes » de poids et d’apparence variables. De 1792 à 1852, une trentaine de réformes sont envisagées ou réalisées sans régler le problème. C’est que la monnaie des pauvres coûte aux riches ! En effet, qui paye les impôts nécessaires pour financer la refonte ? Les riches. Qui vote le budget ? Les représentants des riches, en raison du suffrage censitaire. C’est donc le gouvernement populiste de Napoléon III qui mène à bien cette refonte et met fin aux pénuries récurrentes de petites monnaies et aux récriminations constantes dont les chambres de commerce se font l’écho. »
Bonne journée.
Nous vous remercions à notre tour de votre gentillesse.
La complexité des notions monétaires à l’époque de Balzac s’explique par le fait qu’il s’agit d’une époque charnière.
Il faut d’abord savoir qu’en 1795 eu lieu une réforme monétaire, dont le but était de remplacer un système duodécimal archaïque et très hétérogène par un système décimal unifié, basé sur le poids des métaux précieux. C’est ainsi que
« Un décret du 28 thermidor an III (15 août 1795) créant le franc l'avait défini comme constitué d'une pièce d'argent de cinq grammes au titre de neuf cent millièmes de fin (1). Une loi du 25 germinal an IV (14 avril 1796) avait édicté que
(Source : Jean-Marcel Jeanneney, « Monnaie et mécanismes monétaires en France de 1878 à 1939 », article consultable sur ofce.sciences-po.fr)
A l’époque où se déroule l’action du Père Goriot, vers 1819, la livre et l’écu ne sont plus officiellement en usage ; mais la réforme était encore toute fraîche, et on employait encore les termes de livre et d’écu par analogie, ou par habitude – un peu comme certaines personnes âgées éprouvent toujours le besoin de calculer en anciens francs des sommes formulées en euros. Mais surtout, d’anciennes pièces de faible valeur étaient toujours en circulation et servaient de monnaie officieuse. Un article très intéressant sur le sujet peut être consulté sur le site de l’Association d’économie financière :
« Au xixe siècle, les monnaies du peuple étaient donc bornées entre deux métaux. En haut, il y avait l’argent,
A l’inverse, d’anciennes monnaies de faible valeur, en cuivre ou en bronze, ont continué à être utilisées pendant plus de la moitié du siècle :
« Enfin, tout en bas, il y a la monnaie de cuivre et de bronze. C’est la monnaie des petits achats quotidiens, la monnaie du peuple, mais aussi celle dont la qualité laisse le plus à désirer. Car cette petite monnaie est disparate : on y trouve de vieux liards de cuivre, convertis
Bonne journée.
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