Question d'origine :
Bonjour,
Je cherche le nombre d'espèces vivantes qui existent aujourd'hui sur Terre et que l'on connait (y compris les bactéries, champignons, lichens, plantes, animaux etc. mais pas les dinosaures ou espèces disparues).
Les chiffres que je trouve sur internet vont de quelques centaines de milliers à plusieurs milliards... et je ne sais pas à quelle source me fier.
Autre question : existe-t-il une estimation du nombre d'espèces vivantes qu'on ne connait pas ?
Un grand merci pour votre réponse, cher guichet !
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 08/11/2019 à 10h21
Bonjour,
Tous les chiffres dénombrant les espèces actuellement vivantes sur terre sont des estimations. Même lorsqu’on parle des espèces décrites. Pourquoi ? Parce que la biodiversité est une dynamique, en tension constante entre la spécialisation , l’apparition des espèces, et leur extinction – dont les scientifiques n’ont pas forcément connaissance immédiate lorsqu’elle se produit.
Pour bien poser les termes du problème, voici un extrait de l’ouvrage La biodiversité ? [Livre] / Lise Barnéoud :
« On doit la première classification scientifique des animaux à Aristote (384-322 av. J.-C.). Pendant longtemps, c’est la classification du naturaliste suédois Carl Von Linné (1707-1778) qui a prévalu. Aujourd’hui, pour classer les espèces vivantes, on se fonde sur le système de classifications mis au point dans les années 1950 par l’entomologiste allemand Willi Henning. Ce grand catalogue du vivant compte environ 1,9 millions d’espèces. Parmi elles, les insectes forment le plus gros bataillon (plus de 55% des espèces décrites). Les mammifères sont les moins nombreux : ils représentent à peine 0,3% de toutes les espèces connues à ce jour. »
Mais ce chiffre évolue très vite, puisque « chaque année, environ 18000 nouvelles descriptions d’espèces viennent enrichir le catalogue du vivant grâce aux différentes expéditions naturalistes, ou encore à des analyses génétiques. Les insectes représentent 75% des nouveaux venus. »
« D’une part, nous ne savons toujours pas combien d’espèces vivent sur Terre : 5 millions ? 10 millions ? 100 millions ? D’autre part, il nous est très difficile d’évaluer de façon précise le rythme des extinctions d’espèces. »
Pour l’anecdote, le même ouvrage décrit une des premières tentatives pour estimer le nombre d’espèces inconnues peuplant la terre, menée de façon artisanale et fort peu végane par Terri Erwin :
« Durant trois ans, au début des années 1980, il répand un insecticide sur la cime de 19 arbres, tous de la même espèce, dans une forêt tropicale du Panama. Résultat : 1200 espèces de coléoptères, empoisonnées, tombent au pied des arbres. Parmi elles, 162 seraient strictement spécifiques à cette espèce végétale. Comme il y a 50 000 espèces d’arbres dans les forêts tropicales, cela suggère qu’il existe 8 millions d’espèces inféodées aux arbres (162 x 50 000). Et comme les coléoptères représentent 40 % des insectes présents dans les arbres, Erwin estime à 20 millions le nombre d’insectes arboricoles. Enfin, puisque les arbres abritent en moyenne deux fois plus d’espèces que le sol et la litière, le naturaliste aboutit à ce chiffre faramineux de 30 millions d’espèces d’insectes dans les régions tropicales. Aujourd’hui [le livre date de 2013] ce chiffre a été revu à la baisse, entre 5 et 6 millions. »
Sur une page du Réseau Canopé, le Pr Thierry Bourgoin, du Muséum national d’Histoire naturelle, résume :
« Depuis 2001, le projet Catalogue of Life en a recensé près de 1,4 million à partir des données de quelque 120 bases taxonomiques à travers le monde. Arthur Chapman, un scientifique australien, évaluait en 2009 à environ 1,9 million d’espèces déjà décrites, dont près d’un million d’insectes, 280 000 plantes, 99 000 champignons, 55 000 unicellulaires et 5 487 mammifères. Mais parallèlement à leur découverte, on estime que des espèces décrites ou non décrites s’éteignent à un rythme accéléré de 0,01 % à 1 % toutes les décennies. Alors combien y en aurait-il ? Des extrapolations prenant en compte l’éthoécologie des espèces connues, ou des modélisations à partir de ce qui est déjà connu, fournissent une fourchette large de 3 à 100 millions d’espèces. Pour Chapman, il y en aurait 11,3 millions, dont quelque 5 millions d’insectes, 370 000 plantes et 5 500 mammifères.
Avec les insectes, ce sont surtout les champignons (estimés à 1,5 million) et les unicellulaires (estimés à 2,6 millions) où la connaissance de la biodiversité reste la plus lacunaire. Si on estime aujourd’hui qu’il y a entre 8 et 12 millions d’espèces, l’évaluation du cortège des unicellulaires parasites propres à chacune des espèces pluricellulaires reste très difficile. »
Sans compter qu’il existe des êtres dont la définition ne fait absolument pas consensus. C’est le cas des virus, dont la moitié des biologistes considèrent qu’il s’agit bien d’êtres vivants, et l’autre moitié qu’ils n’en ont pas assez de caractéristiques. Ce qui pourrait faire tout de même une variable de quelques centaines de milliers d’espèces…
Pour aller plus loin, voici quelques documents qui pourraient vous intéresser :
- La valeur de l'espèce [Livre] : la biodiversité en questions / Philippe Lherminier
- La compensation écologique [Livre] : concepts et limites pour conserver la biodiversité / Baptiste Regnery
- Biodiversité et évolution du monde vivant [Livre] / David Garon, Jean-Christophe Guéguen, Jean-Philippe Rioult ; préface de Jean-Marie Pelt ; illustrations Jean-Christophe Guéguen
Bonnes lectures.
Tous les chiffres dénombrant les espèces actuellement vivantes sur terre sont des estimations. Même lorsqu’on parle des espèces décrites. Pourquoi ? Parce que la biodiversité est une dynamique, en tension constante entre la
Pour bien poser les termes du problème, voici un extrait de l’ouvrage La biodiversité ? [Livre] / Lise Barnéoud :
« On doit la première classification scientifique des animaux à Aristote (384-322 av. J.-C.). Pendant longtemps, c’est la classification du naturaliste suédois Carl Von Linné (1707-1778) qui a prévalu. Aujourd’hui, pour classer les espèces vivantes, on se fonde sur le système de classifications mis au point dans les années 1950 par l’entomologiste allemand Willi Henning. Ce grand catalogue du vivant compte environ 1,9 millions d’espèces. Parmi elles, les insectes forment le plus gros bataillon (plus de 55% des espèces décrites). Les mammifères sont les moins nombreux : ils représentent à peine 0,3% de toutes les espèces connues à ce jour. »
Mais ce chiffre évolue très vite, puisque « chaque année, environ 18000 nouvelles descriptions d’espèces viennent enrichir le catalogue du vivant grâce aux différentes expéditions naturalistes, ou encore à des analyses génétiques. Les insectes représentent 75% des nouveaux venus. »
« D’une part, nous ne savons toujours pas combien d’espèces vivent sur Terre : 5 millions ? 10 millions ? 100 millions ? D’autre part, il nous est très difficile d’évaluer de façon précise le rythme des extinctions d’espèces. »
Pour l’anecdote, le même ouvrage décrit une des premières tentatives pour estimer le nombre d’espèces inconnues peuplant la terre, menée de façon artisanale et fort peu végane par Terri Erwin :
« Durant trois ans, au début des années 1980, il répand un insecticide sur la cime de 19 arbres, tous de la même espèce, dans une forêt tropicale du Panama. Résultat : 1200 espèces de coléoptères, empoisonnées, tombent au pied des arbres. Parmi elles, 162 seraient strictement spécifiques à cette espèce végétale. Comme il y a 50 000 espèces d’arbres dans les forêts tropicales, cela suggère qu’il existe 8 millions d’espèces inféodées aux arbres (162 x 50 000). Et comme les coléoptères représentent 40 % des insectes présents dans les arbres, Erwin estime à 20 millions le nombre d’insectes arboricoles. Enfin, puisque les arbres abritent en moyenne deux fois plus d’espèces que le sol et la litière, le naturaliste aboutit à ce chiffre faramineux de 30 millions d’espèces d’insectes dans les régions tropicales. Aujourd’hui [le livre date de 2013] ce chiffre a été revu à la baisse, entre 5 et 6 millions. »
Sur une page du Réseau Canopé, le Pr Thierry Bourgoin, du Muséum national d’Histoire naturelle, résume :
« Depuis 2001, le projet Catalogue of Life en a recensé près de 1,4 million à partir des données de quelque 120 bases taxonomiques à travers le monde. Arthur Chapman, un scientifique australien, évaluait en 2009 à environ 1,9 million d’espèces déjà décrites, dont près d’un million d’insectes, 280 000 plantes, 99 000 champignons, 55 000 unicellulaires et 5 487 mammifères. Mais parallèlement à leur découverte, on estime que des espèces décrites ou non décrites s’éteignent à un rythme accéléré de 0,01 % à 1 % toutes les décennies. Alors combien y en aurait-il ? Des extrapolations prenant en compte l’éthoécologie des espèces connues, ou des modélisations à partir de ce qui est déjà connu, fournissent une fourchette large de 3 à 100 millions d’espèces. Pour Chapman, il y en aurait 11,3 millions, dont quelque 5 millions d’insectes, 370 000 plantes et 5 500 mammifères.
Avec les insectes, ce sont surtout les champignons (estimés à 1,5 million) et les unicellulaires (estimés à 2,6 millions) où la connaissance de la biodiversité reste la plus lacunaire. Si on estime aujourd’hui qu’il y a entre 8 et 12 millions d’espèces, l’évaluation du cortège des unicellulaires parasites propres à chacune des espèces pluricellulaires reste très difficile. »
Sans compter qu’il existe des êtres dont la définition ne fait absolument pas consensus. C’est le cas des virus, dont la moitié des biologistes considèrent qu’il s’agit bien d’êtres vivants, et l’autre moitié qu’ils n’en ont pas assez de caractéristiques. Ce qui pourrait faire tout de même une variable de quelques centaines de milliers d’espèces…
Pour aller plus loin, voici quelques documents qui pourraient vous intéresser :
- La valeur de l'espèce [Livre] : la biodiversité en questions / Philippe Lherminier
- La compensation écologique [Livre] : concepts et limites pour conserver la biodiversité / Baptiste Regnery
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Bonnes lectures.
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