Question d'origine :
Bonjour, Depuis une année en coordination avec un bibliothécaire tadlaoui (la bibliothèque est dans l’ancienne église), je recherche des informations sur des ruines présentes sur la commune de Kasba-Tadla (Maroc), mentionnées nulle part, AL-MANZAH Voici l’état de nos recherches : 1) Charles de Foucauld séjourna à Kasba-Tadla les 17 et 18 septembre 1883, venant de Boujad ; il décrit la Casbah avec des inexactitudes mais ne parla pas de ces ruines, Al-Manzah. Il arriva à Kasba-Tadla à 07 heures, c’est-à-dire au moment du lever du soleil et sur son croquis de Kasba-Tadla pris du chemin de Boujad, il aurait du apercevoir Al-Manzah situé à seulement 1,5 km au sud de Kasba-Tadla, en hauteur, donc sur la droite de son croquis ; le 19 septembre il quitta Kasba-Tadla à 06 heures vers Tagzirt laissant derrière lui les ruines d’Al-Manzah visibles d’autant plus en 1883 car cette partie de la plaine du Tadla ne comportait alors ni arbres ni constructions comme aujourd’hui, et pourtant en se dirigeant vers Tagzirt à l’heure actuelle on aperçoit Al-Manzah en se retournant, de même ces ruines sont parfaitement visibles de la partie ouest de la ville actuelle de Kasba-Tadla, c’est-à-dire d’où venait Charles de Foucauld ; 2) Al-Manzah est mentionné sur de vieilles cartes : a) carte parue dans l’Illustration du 21 juin 1913 sous le nom « Kasbet El-Menhzeh » ou « Kasbet El-Menzeh » ; b) carte dressée en 1912, « Tadla au 200.000e d'après l'itinéraire levé avec la colonne Aubert, appuyé sur les points géodésiques de S. A. E. Kralek et du Moyen Atlas par le Capitaine Perret et les renseignements du Lieutenant de Coatgoureden » avec un « croquis » de Tadla au 20.000e» , sous le nom « Kasbet El-Menzeh » semble-t-il ; c) carte américaine de 1942 (1/200 000°) copie d’une carte française de 1932 sous le nom Kasba el-menzeh ; d) carte américaine de 1956 (1/250 000°) sous le nom El Menzeh ; e) sur plan urbain de 2006 de Kasba-Tadla au 1/7 500° sous le nom de El Menzeh ; mais mystérieusement absent des cartes au 1/100 000° de 1975 et 1/50 000° de 1998 ; voici les coordonnées décimales de ces ruines latitude : 32,5861 ; longitude : 6,2786 3) sur Internet, les ruines sont inexistantes sauf sur un blog en français sous le nom de « Al Manzah à Zemkil » (sans photos, ni localisation, ni explications), Zemkil étant le nom de l’oued qui « coule » à proximité des ruines et un blog (celui du bibliothécaire tadlaoui) en arabe avec des photos récentes des ruines ; 4) un texte en français (10 pages dactylographiées avec schémas des ruines) non daté de Mohamed CHOUKRI ? (pas de signature mais un tampon), « Conservateur de monuments historiques et de sites archéologiques », décrit ces ruines : a) construction attribuée à Moulay Ismaïl ; b) connues sous le nom de al-manazah ; c) Al-Manzah serait une résidence de réjouissances, un pavillon de plaisance (P. Pascon, revue de géographie du Maroc n°13, 1968), comme il en exista à Fès et Rabat ; d) enceinte de 107 mètres sur 144 dont une partie subsiste ; « résidence » en deux parties formant un bloc de 49 mètres sur 21,40 ; murs et enceinte en pisé avec enduit ; des carreaux de céramiques ont été collectés ; utilisation de briques pour une partie des murs de la « résidence » ; 5) des « anciens » certifient que cet édifice n’est pas l’œuvre de Moulay Ismaïl mais de Moulay Zidane (Saadien), Zaidan el-Nasir ; 6) Al-Manzah a disparu de la mémoire tadlaouie, mais les habitant.e.s proches en connaissent le nom mais pas l’usage ; certain.e.s le lient à la présence des français (Kasba-Tadla depuis son édification jusqu’à aujourd’hui reste une « ville » militaire) ; 7) le guide Bleu Hachette de 1919 décrit très précisément le trajet Kasba-Tadla – Beni-Mellal (32 km) donnant les noms de ruines, des oueds franchis, signale un pont en ruines mais n’évoque pas Al-Manzah alors que 2 km après le franchissement du Pont Portugais les ruines d’Al-Manzah sont visibles à moins de 500 m à gauche du trajet décrit qui correspond aujourd’hui à la route allant de Kasba-Tadla à Béni-Mellal via Ouled-Saïd ; on dirait que ces ruines sont invisibles ; notre interrogation est donc multiple : - qui fut à l’origine de cet édifice ? Qui l’a construit ? - quel fut le rôle exact de cet édifice ? - existe-t-il des documents qui évoquent cet édifice ? Merci Cordialement (fichier au format pdf intégrant des photos récentes, octobre 2019 et un extrait du plan de kasba-tadla, ainsi qu'une carte postale ancienne du camp sud prise de la Qasba sur laquelle Al-Manzah est peut-être visible ... disponible
Réponse du Guichet
Cependant, ces recherches ont identifié le nom d’une architecte et anthropologue, Salima Naji, qui a consacré de longues années de travail à la promotion de la richesse du patrimoine marocain. Elle a restauré de nombreuses bâtisses, comme des kasbas ou des ksours, dans le respect le plus strict des techniques ancestrales, mais aussi construit de nouveaux bâtiments dans cet esprit, en harmonie avec leur environnement. Ses publications, e.a. « Les greniers collectifs de l’Atlas. Patrimoines du Sud marocain », paru en 2007 aux Editions Sud, ou « Art et architectures berbères au Maroc : Atlas et vallées présahariennes », paru en 2001 chez le même éditeur, témoignent de son immense intérêt pour l’étude du patrimoine architectural marocain et sa sauvegarde. L’architecte a également préfacé l’ouvrage de Henri Terrasse sur « Les Kasbas berbères de l’Atlas et des oasis. Les grandes architectures du Sud marocain », édité par Actes Sud en 2010.
Salima Naji est incontestablement une spécialiste qui fait autorité dans le domaine. Elle est plus à même de compléter les informations rassemblées, exposées dans la question, et répondre aux interrogations relatives à l’origine de l’édifice de la Kasba Al-Manzah, son rôle et renseigner sur d’éventuelles sources documentaires existantes. Cette spécialiste donne des conférences, elle participera prochainement à une rencontre au Centre Jacques Berque à Rabat. Elle est également présente sur facebook, et notamment à travers son agence d’architecture. Outre ce biais, il est possible de la contacter via son blog.
A Lyon, une des bibliothèques les plus riches en documents sur l’Orient est celle de la MOM, Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, qui possède, elle aussi, sa bibliothèque numérique.
Néanmoins, la nature de la question que vous posez suggère de l’adresser avant tout aux archives marocaines de la région, ou encore aux services culturels locaux, soucieux de l’inventaire et de la conservation du patrimoine.
Un site consacré précisément à l’inventaire et à la documentation du patrimoine culturel du Maroc semble exposer un travail commencé il y a plus d’un siècle, celui du recensement et actuellement de la mise en ligne de presque 14 000 monuments identifiés. La recherche sur ce site a cependant mené vers une autre Al-Manzah, située dans la région voisine de Meknès Tafilalet, dans la province de Meknès, dans la commune de Al-Machouar-Stinia. Il s’agit d’un petit pavillon rectangulaire datant du XVIIIe siècle, en état de conservation défini en 2006 comme « moyen ». Il y aurait donc, au Maroc, un autre bâtiment portant le même nom…