Question d'origine :
La tradition philosophique fait-elle une différence entre être et exister ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 01/06/2005 à 11h03
Ces deux notions sont abondamment étudiées en philosophie et il serait très difficile de résumer en quelques mots l’histoire des débats qu’elles ont suscités.
Nous ne pouvons que vous renvoyer à l’ouvrage intitulé Les notions philosophiques qui propose un article sur l’Etre et un autre sur l’Existence, ce qui est déjà un début de réponse à votre question.
Nous nous contenterons de citer quelques extraits de ces articles qui permettent de saisir la complexité de ces notions et de leurs liens :
Qu’en est-il de l’être ? Nul n’ignore que nous avons ici un des points de départ de la réflexion philosophique en occident. Au moment où avec Parménide se constitue le concept d’être surgit le questionnement philosophique. Mais que dire de lui ? Les philosophes l’ont-ils pensé ou bien n’ont-ils saisi à chaque fois qu’un de ses aspects sous la forme d’un étant particulier, nature, homme ou Dieu ? Ne faut-il pas pour éviter ces embarras, le prendre « pour la simple position d’une chose », à savoir une existence, et non comme «un prédicat réel », comme le signale Kant dans La Critique de la raison pure ? Ou bien plus radicalement, le considérer, comme le fait Nietzsche dans le Crépuscule des idoles, comme le concept le plus général et le plus vide ? Il y a donc une véritable gageure à tenter de définir dans un dictionnaire de philosophie le concept le plus équivoque mais aussi le plus large de la philosophie. Mais lorsque nous questionnons, nous posons la question de la connaissance et du sens ? Se demander ce qu’est le beau suppose bien sûr qu’on s’interroge sur des réalités qu’on appelle belles mais présuppose aussi qu’on s’accorde sur le sens du verbe être. Si bien qu’il n’est pas étonnant qu’Aristote se soit demandé : ti to on (qu’est-ce que l’étant ?). Philosopher, c’est considérer l’étant en le questionnant sur ce (ti) qu’il est (esti)
L’existence est le fait d’exister, la propriété particulière de l’être (ens) qui « existe ». Elle est donc d’abord mode d’être. Il y a des êtres qui existent ; d’autres qui à proprement parler n’existent pas (peut-on dire que les objets mathématiques « existent », que les idées au sens platonicien du terme « existent », que le Monde « existe » au même titre que l’Homme, que l’Homme lui-même « existe » au regard des hommes pris dans leur singularité et dans leur diversité ?). Tout existant est, mais à sa manière propre d’existant. La question est de savoir ce qui fait de l’existence un mode d’être spécifique – autrement dit ce que c’est que d’exister.
L’article donne des éléments d’étymologie, retrace les débats philosophiques sur cette question, marqués par Descartes, Kant, Heidegger, Sartre….Il conclut :
L’histoire du concept, le rappel de l’étymologie, les débats, les querelles auxquels ont donné lieu les complexités et les contradictions des diverses « philosophies de l’existence » ont habitué nos contemporains à prendre en considération ce terme et à lui prêter une signification distincte de celle du mot « être ».
La langue usuelle continue pourtant d’employer à la manière cartésienne les deux mots l’un pour l’autre. Un regard jeté sur « un dictionnaire méthodique du français actuel » (Robert) permet de constater que si Exister signifie "Avec une réalité (v. Etre)", Etre veut également dire « Avoir une réalité (v.Exister) »
Le thème qui assemble les philosophes paraît être celui d’une opposition décisive entre ce que signifie le concept – en quelque sens qu’on le prenne- et la charge dont est porteur le concept antinomique d’essentialité. L’essence d’un être est ce qu’il est, on voit mal qu’il puisse devenir autre, se faire autre. Réagir contre une pensée de type essentialiste en parlant d’existence, c’est donc revendiquer une place pour un possible qui, ne soit pas préformé, prédéterminé dans les structures de l’être. C’est prêcher pour un Judas à qui soit accordé la liberté de n’être pas Judas. C’est proclamer le caractère absolu du libre choix de soi-même. Qui procède ainsi reconnaît du même coup le statut paradoxal d’un tel concept. Si l’existence est choix, liberté, imprévisibilité, ce que l’on peut en dire concerne tout au plus ses conditions théoriques de possibilité (les structures de l’ « existentialité ».) L’existence s’existe ; elle ne s’explique pas. Elle ne se pense pas de manière rationnelle ; Au point que la question vient à se poser de la possibilité même d’une philosophie de l’existence. Mais en même temps si l’existence est telle qu’on le dit, on ne peut s’empêcher d’observer qu’elle se présente avant tout à la pensée de celui qui en parle sous la forme d’un concept. On rejoint la constatation faite pour commencer- à savoir qu’il y a une histoire de l’idée d’existence et que cette idée – qui porte sur ce qu’il y a de simple et de plus évident, n’est en elle-même ni simple, ni évidente
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