Question d'origine :
Bonjour
Dans le film d'Olivier Assayas sur Carlos le terroriste, l'armée rouge japonaise prend l'ambassade de France aux pays-bas en otage. Dans une scène un des preneur d'otages détache le portrait de Valery Giscard d'Estaing pour le remplacer par celui de Georges Pompidou et tirer dessus avec un pistolet.
Quel est la signification de ce geste, quels ont été les actions politiques ou les positions de Pompidou qui ont déclenché cet acte symbolique ?
Merci.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 29/03/2017 à 11h01
Bonjour,
Georges Pompidou meurt le 2 avril 1974 et Valéry Giscard d’Estaing devient président de la République française le 27 mai 1974.Durant la prise d’otage à l’ambassade de France de La Haye qui dure du 13 au 17 septembre 1974, c’est donc Valéry Giscard d’Estaing qui mènera les négociations avec le groupe terroriste de l’Armée Rouge Japonaise .
Pourtant dans l’ouvrage Les fanatiques : histoire de l'Armée Rouge Japonaise de Michaël Prazan, nous apprenons ceci (qui ne correspond pas tout à fait à la scène du film d’Olivier Assayas) : « Les négociations sont dans l’impasse, et on s’attend à tout moment à voir les otages se faire exécuter un à un. Des coups de feu sont tirés à plusieurs reprises au quatrième étage de l’ambassade, jetant un vent de panique dans tout le quartier. Mais il s’agit là d’intimidations destinées à faire avancer les négociations.Les terroristes se contentent de faire un carton sur le portrait du président Georges Pompidou, décédé récemment , et s’amusent à tirer dans les pieds de l’ambassadeur Jacques Sénard ou à quelques centimètres au-dessus de sa tête. Au terme de la prise d’otages, la police hollandaise retrouvera dix-sept impacts de balles dans les murs du bureau de l’ambassade. » (p. 141)
Notre interprétation, si l’on en croit les témoignages qui ont servi à rédiger cet ouvrage, serait que le personnel de l’ambassade n’avait pas pris la peine (ou n’avait pas eu le temps ou n’avait pas reçu le portrait) de remplacer le portrait de Georges Pompidou par celui de Valéry Giscard d’Estaing !
Quant à la scène dans le film d’Olivier Assayas, le réalisateur a pu, soit obtenir des informations supplémentaires confirmant l’inversion des portraits, soit prendre une petite liberté pour justifier le fait que les terroristes ont tiré sur le portait de Pompidou et non de Giscard d’Estaing alors président.
Concernant la symbolique ou signification du geste, nous n’avons pas trouvé d’actions politiques ou positions spécifiques de Georges Pompidou qui l’expliquerait. Il semble que Georges Pompidou en tant que (ex)Président de la République française symbolisait aux yeux des activistes japonais les autorités françaises :à travers lui c’est le gouvernement français qu’ils ciblaient .
En effet, la prise d’otages a été revendiquée de Damas auprès de l’agence Reuter selon ces termes : «Impérialistes français et japonais , conspirant avec les sionistes, qui sont l’avant-garde de la structure impérialiste mondiale, pour priver le peuple arabe de ses ressources, vous devriez savoir ce qui suit : Si vous emprisonnez nos camarades, nous les soustrairons de vos mains sans aucun doute . Même si vous emprisonnez dix ou cent de nos camarades, nous répliquerons au centuple par nos représailles. Aussi longtemps que vous continuerez la sale répression contre nos camarades et nos amis, nous organiserons d’autres représailles contre vous. Telle est notre loi pour la lutte et l’esprit de la révolution. »
Par ailleurs, une fois introduits dans l’ambassade et dans le bureau de l’ambassadeur, ils ont lancé une lettre par la fenêtre qui commence ainsi : « Autorités françaises et autorités hollandaises : nous tenons en otage l’ambassadeur Sénard et un certain nombre d’autres personnes. Nous exigeons la libération du camarade Furuya, détenu à la maison de la Santé, selon les modalités suivantes… »
En effet, la France et la DST (direction de la surveillance du territoire) s’intéressait aux agissements du Sekigun (autre nom de l’Armée Rouge Japonaise ou ARJ). « Dès le lendemain de Lod, les services secrets français avaient été avertis de l’intérêt du groupe terroriste japonais pour la France. Ouvert par le colonel Choppin de Janvry, responsable français du contre-espionnage, un dossier portant le nom « Soleil levant » était depuis deux ans, en bonne place sur les bureaux de la surveillance du territoire. « Soleil levant » était pour les services français, le nom de code de l’Armée rouge japonaise. » p. 127
La DST avait donc entrepris de démanteler le réseau parisien du Sekigun et avait déjà procédé à des expulsions ; c’est dans ce contexte-là que le 28 juillet 1974, ils avaient arrêté Yoshiaki Yamada, alias Furuya, à l’aéroport d’Orly alors qu’il arrivait de Beyrouth.
La prise d’otages de La Haye était donc une réplique à la politique de la France et un coup de force pour obtenir la libération de leur camarade Furuya.
Carlos n’ayant pas pu participer à la prise d’otages (les membres de l’ARJ seraient arrivés en retard et ne l’auraient pas trouvé), il rentra à Paris et provoqua l’attentat du Drugstore Publicis le 15 septembre, pour soutenir l’ARJ et augmenter la pression sur la France.
Ce 28 mars 2017, Carlos vient d’être condamné à perpétuité pour cet attentat.
Sources :
Les fanatiques, histoire de l’armée rouge japonaise, Michaël Prazan
Japon [D.V.D] : les années rouges, réal. de Michaël Prazan
La violence révolutionnaire, Isabelle Sommier
Histoire politique des services secrets français
Georges Pompidou meurt le 2 avril 1974 et Valéry Giscard d’Estaing devient président de la République française le 27 mai 1974.
Pourtant dans l’ouvrage Les fanatiques : histoire de l'Armée Rouge Japonaise de Michaël Prazan, nous apprenons ceci (qui ne correspond pas tout à fait à la scène du film d’Olivier Assayas) : « Les négociations sont dans l’impasse, et on s’attend à tout moment à voir les otages se faire exécuter un à un. Des coups de feu sont tirés à plusieurs reprises au quatrième étage de l’ambassade, jetant un vent de panique dans tout le quartier. Mais il s’agit là d’intimidations destinées à faire avancer les négociations.
Notre interprétation, si l’on en croit les témoignages qui ont servi à rédiger cet ouvrage, serait que le personnel de l’ambassade n’avait pas pris la peine (ou n’avait pas eu le temps ou n’avait pas reçu le portrait) de remplacer le portrait de Georges Pompidou par celui de Valéry Giscard d’Estaing !
Quant à la scène dans le film d’Olivier Assayas, le réalisateur a pu, soit obtenir des informations supplémentaires confirmant l’inversion des portraits, soit prendre une petite liberté pour justifier le fait que les terroristes ont tiré sur le portait de Pompidou et non de Giscard d’Estaing alors président.
Concernant la symbolique ou signification du geste, nous n’avons pas trouvé d’actions politiques ou positions spécifiques de Georges Pompidou qui l’expliquerait. Il semble que Georges Pompidou en tant que (ex)Président de la République française symbolisait aux yeux des activistes japonais les autorités françaises :
En effet, la prise d’otages a été revendiquée de Damas auprès de l’agence Reuter selon ces termes : «
Par ailleurs, une fois introduits dans l’ambassade et dans le bureau de l’ambassadeur, ils ont lancé une lettre par la fenêtre qui commence ainsi : « Autorités françaises et autorités hollandaises : nous tenons en otage l’ambassadeur Sénard et un certain nombre d’autres personnes. Nous exigeons la libération du camarade Furuya, détenu à la maison de la Santé, selon les modalités suivantes… »
En effet, la France et la DST (direction de la surveillance du territoire) s’intéressait aux agissements du Sekigun (autre nom de l’Armée Rouge Japonaise ou ARJ). « Dès le lendemain de Lod, les services secrets français avaient été avertis de l’intérêt du groupe terroriste japonais pour la France. Ouvert par le colonel Choppin de Janvry, responsable français du contre-espionnage, un dossier portant le nom « Soleil levant » était depuis deux ans, en bonne place sur les bureaux de la surveillance du territoire. « Soleil levant » était pour les services français, le nom de code de l’Armée rouge japonaise. » p. 127
La DST avait donc entrepris de démanteler le réseau parisien du Sekigun et avait déjà procédé à des expulsions ; c’est dans ce contexte-là que le 28 juillet 1974, ils avaient arrêté Yoshiaki Yamada, alias Furuya, à l’aéroport d’Orly alors qu’il arrivait de Beyrouth.
Carlos n’ayant pas pu participer à la prise d’otages (les membres de l’ARJ seraient arrivés en retard et ne l’auraient pas trouvé), il rentra à Paris et provoqua l’attentat du Drugstore Publicis le 15 septembre, pour soutenir l’ARJ et augmenter la pression sur la France.
Ce 28 mars 2017, Carlos vient d’être condamné à perpétuité pour cet attentat.
Sources :
Les fanatiques, histoire de l’armée rouge japonaise, Michaël Prazan
Japon [D.V.D] : les années rouges, réal. de Michaël Prazan
La violence révolutionnaire, Isabelle Sommier
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