Question d'origine :
Bonjour,
Etudiant dans le costume je cherche à trouver une réponse à cette question : Pourquoi le tablier des bouchers n'a t-il qu'une seule bretelle ?
Merci beaucoup
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 26/09/2016 à 10h29
Bonjour,
Le document le plus complet mentionnant l'histoire de ce tablier est l'article écrit par Sylvain Leteux : L'image des bouchers (XIIIe-XXe siècle).
Il explique que le tablier du boucher est devenu au fil des siècles un fort élément d'identification de cette profession à l'esprit de clan prononcé.
Si à l'origine, il s'agit d'un signe de reconnaissance, de distinction ou un symbole corporatiste, le tablier blanc à bavette en biais est devenu au XXe siècle le symbole politique des bouchers catholiques et traditionalistes.
Voici quelques extraits de cet article que nous vous laisserons consulter dans son intégralité :
« L’usage du tablier blanc est sans doute ancien, mais il est difficile de dater précisément son apparition. [...]
Jusqu’à la Révolution, le « costume » du boucher mêle des éléments civils (tunique, veston) et l’attribut professionnel par excellence, le tablier. Au XIXe siècle, sur la plupart des images disponibles, les éléments « civils » disparaissent et le costume devient tout entier professionnel, avec une superposition de tablier : le boucher se trouve alors tout de blanc vêtu. Les images les plus anciennes montrant un grand tablier blanc (tablier avec bavette), qui protège l'ensemble du devant du corps, datent de la fin du XVIIIe siècle. Il s'agit de la planche de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert (figure 2) et d'une gravure révolutionnaire de 1790 (figure 21). La fixation des costumes (militaires, religieux, professionnels) au XIXe siècle n’est sans doute étrangère à cette normalisation de l’habit professionnel du boucher, qui est attestée tant à Paris qu’en province, tant en ville qu’à la campagne, sans doute avec des décalages chronologiques difficiles à mesurer.
L’usage du blanc peut s’expliquer par une facilité de l’entretien (pour le blanchissage), mais on peut y voir aussi peut-être une valeur symbolique, le blanc étant la couleur de la pureté. [...]
Chez le boucher détaillant, la tenue « classique », telle qu’elle se fixe à Paris à la Belle Époque, est constituée d’une veste, souvent à carreaux bleus (remplacée par un bourgeron pour les apprentis), et de trois tabliers blancs, que l’on fait tourner chaque jour, en remplaçant à chaque fois le plus sale par un plus propre, de façon à ce que le tablier de devant, celui que le client voit, soit toujours le plus blanc. Le tablier de côté devient ainsi le tablier de bavette, qui passe tablier de dessous. Chaque jour, un des trois tabliers, le plus sale, est changé, après avoir achevé la rotation. Le boucher peut également porter un tablier de protection sous la veste : c’est un tablier en coton très serré et épais, qui descend jusqu’au genou. Ce genre de tablier a du apparaître pendant l’entre-deux-guerres, sans aucune certitude chronologique.
Figure 23: La boucherie Georges Lazard en 1904 (Grande Boucherie du Bon Marché)
Collection particulière
La photographie d'une boucherie parisienne en 1904 montre à quel point certaines nuances du costume professionnel peuvent refléter la hiérarchie existant au sein des boucheries de détail dans les villes françaises à la Belle Époque (figure 23). Les trois jeunes apprentis sont identifiables car ils portent un bourgeron sous leur tablier. Le patron, qui porte un nœud papillon, trône au centre de la photo. Les tabliers sont propres et les employés portent la cravate, illustration de la « bonne présentation » préconisée dans les manuels techniques de boucherie. [...]
Lors des manifestations corporatives de la période 1936-1938, l’utilisation de costumes folkloriques n’est absolument pas à l’ordre du jour (on est bien loin des jurandes ou confréries « festives » qui se reconstituent à la fin du XXe siècle). Il s'agit d'une époque où le tablier blanc des bouchers est utilisé et mis en scène par la profession pour montrer son attachement aux valeurs catholiques et traditionalistes, dans le cadre de l'UPCB (Union Professionnelle Catholique de la Boucherie). [...]
Le tablier est bien utilisé comme un symbole politique, ou du moins idéologique, par les bouchers catholiques, la plupart issus de l’Union des Anciens Combattants de la Boucherie, syndicat qui concurrence à droite le syndicat « officiel » entre 1928 et 1937. [...]
À travers l’exemple des manifestations annuelles organisées par l’UPCB jusqu’en 1968, on voit bien que l’habit professionnel prend un rôle nouveau, qui n’existait pas avant 1936. Nous retenons donc que le tablier est un signe de la fierté professionnelle des bouchers et de leur souci de l’apparence, indissociable de l’activité commerciale qu’ils exercent. Marqueur fort d’une profession, le tablier blanc des bouchers s’expose avec fierté dans les églises françaises depuis les vitraux médiévaux jusqu’aux cérémonies corporatives du XXe siècle, avec des significations variables selon les intentions de l'auteur de l'image. »
La consultation des documents suivants n'a pas apporté davantage d'information quant au choix de cette bavette asymétrique :
- Légendes et curiosités des métiers : les meuniers, les boulangers, les pâtissiers, les bouchers, les fileuses, les tisserands... / Paul Sébillot
- Que sont nos bouchers devenus? : histoire de la boucherie de campagne à travers trois générations de bouchers/ Jean Dumas
- Les Bouchers / texte de Pierre Gascar.
Pour plus d'information, nous vous invitons à contacter Sylvain Leteux, enseignant chercheur à Lille 3 directement.
Bonne journée.
Le document le plus complet mentionnant l'histoire de ce tablier est l'article écrit par Sylvain Leteux : L'image des bouchers (XIIIe-XXe siècle).
Il explique que le tablier du boucher est devenu au fil des siècles un fort élément d'identification de cette profession à l'esprit de clan prononcé.
Si à l'origine, il s'agit d'un signe de reconnaissance, de distinction ou un symbole corporatiste, le tablier blanc à bavette en biais est devenu au XXe siècle le symbole politique des bouchers catholiques et traditionalistes.
Voici quelques extraits de cet article que nous vous laisserons consulter dans son intégralité :
« L’usage du tablier blanc est sans doute ancien, mais il est difficile de dater précisément son apparition. [...]
Jusqu’à la Révolution, le « costume » du boucher mêle des éléments civils (tunique, veston) et l’attribut professionnel par excellence, le tablier. Au XIXe siècle, sur la plupart des images disponibles, les éléments « civils » disparaissent et le costume devient tout entier professionnel, avec une superposition de tablier : le boucher se trouve alors tout de blanc vêtu. Les images les plus anciennes montrant un grand tablier blanc (tablier avec bavette), qui protège l'ensemble du devant du corps, datent de la fin du XVIIIe siècle. Il s'agit de la planche de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert (figure 2) et d'une gravure révolutionnaire de 1790 (figure 21). La fixation des costumes (militaires, religieux, professionnels) au XIXe siècle n’est sans doute étrangère à cette normalisation de l’habit professionnel du boucher, qui est attestée tant à Paris qu’en province, tant en ville qu’à la campagne, sans doute avec des décalages chronologiques difficiles à mesurer.
L’usage du blanc peut s’expliquer par une facilité de l’entretien (pour le blanchissage), mais on peut y voir aussi peut-être une valeur symbolique, le blanc étant la couleur de la pureté. [...]
Chez le boucher détaillant, la tenue « classique », telle qu’elle se fixe à Paris à la Belle Époque, est constituée d’une veste, souvent à carreaux bleus (remplacée par un bourgeron pour les apprentis), et de trois tabliers blancs, que l’on fait tourner chaque jour, en remplaçant à chaque fois le plus sale par un plus propre, de façon à ce que le tablier de devant, celui que le client voit, soit toujours le plus blanc. Le tablier de côté devient ainsi le tablier de bavette, qui passe tablier de dessous. Chaque jour, un des trois tabliers, le plus sale, est changé, après avoir achevé la rotation. Le boucher peut également porter un tablier de protection sous la veste : c’est un tablier en coton très serré et épais, qui descend jusqu’au genou. Ce genre de tablier a du apparaître pendant l’entre-deux-guerres, sans aucune certitude chronologique.
Figure 23: La boucherie Georges Lazard en 1904 (Grande Boucherie du Bon Marché)
Collection particulière
La photographie d'une boucherie parisienne en 1904 montre à quel point certaines nuances du costume professionnel peuvent refléter la hiérarchie existant au sein des boucheries de détail dans les villes françaises à la Belle Époque (figure 23). Les trois jeunes apprentis sont identifiables car ils portent un bourgeron sous leur tablier. Le patron, qui porte un nœud papillon, trône au centre de la photo. Les tabliers sont propres et les employés portent la cravate, illustration de la « bonne présentation » préconisée dans les manuels techniques de boucherie. [...]
Lors des manifestations corporatives de la période 1936-1938, l’utilisation de costumes folkloriques n’est absolument pas à l’ordre du jour (on est bien loin des jurandes ou confréries « festives » qui se reconstituent à la fin du XXe siècle). Il s'agit d'une époque où le tablier blanc des bouchers est utilisé et mis en scène par la profession pour montrer son attachement aux valeurs catholiques et traditionalistes, dans le cadre de l'UPCB (Union Professionnelle Catholique de la Boucherie). [...]
Le tablier est bien utilisé comme un symbole politique, ou du moins idéologique, par les bouchers catholiques, la plupart issus de l’Union des Anciens Combattants de la Boucherie, syndicat qui concurrence à droite le syndicat « officiel » entre 1928 et 1937. [...]
À travers l’exemple des manifestations annuelles organisées par l’UPCB jusqu’en 1968, on voit bien que l’habit professionnel prend un rôle nouveau, qui n’existait pas avant 1936. Nous retenons donc que le tablier est un signe de la fierté professionnelle des bouchers et de leur souci de l’apparence, indissociable de l’activité commerciale qu’ils exercent. Marqueur fort d’une profession, le tablier blanc des bouchers s’expose avec fierté dans les églises françaises depuis les vitraux médiévaux jusqu’aux cérémonies corporatives du XXe siècle, avec des significations variables selon les intentions de l'auteur de l'image. »
La consultation des documents suivants n'a pas apporté davantage d'information quant au choix de cette bavette asymétrique :
- Légendes et curiosités des métiers : les meuniers, les boulangers, les pâtissiers, les bouchers, les fileuses, les tisserands... / Paul Sébillot
- Que sont nos bouchers devenus? : histoire de la boucherie de campagne à travers trois générations de bouchers/ Jean Dumas
- Les Bouchers / texte de Pierre Gascar.
Pour plus d'information, nous vous invitons à contacter Sylvain Leteux, enseignant chercheur à Lille 3 directement.
Bonne journée.
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