Question d'origine :
Bonjour !
Je me demande : sommes-nous, nous, êtres humains, les seuls êtres vivants terriens à savoir très tôt que nous allons mourir ?
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 17/08/2016 à 13h37
Bonjour
Les scientifiques sont encore divisés sur la question de la conscience de soi des animaux ainsi que sur leur conscience de la mort.
La conscience humaine de la mort ne suppose pas seulement la conscience de ce qui était inconscient chez l’animal, mais une rupture au sein du rapport individu-espèces, une promotion de l’individualité par rapport à l’espèce, une décadence de l’espèce par rapport à l’individualité. Et nous allons montrer que la vie animale implique beaucoup moins l’ignorance de la mort, comme le veut un mauvais truisme philosophique, que l’adaptation à la mort, c’est-à-dire l’adaptation à l’espèce.
Car il nous est clair que l’animal, en même temps qu’il ignore la mort, « connaît » cependant une mort qui serait la mort-agression, la mort-danger, la mort-ennemie. […]
De plus, il est un point très important et obscur, concernant le comportement de nombreux animaux et sur lequel nous ne connaissons pas d’étude. Vont-ils se cacher pour mourir ? Pourquoi ? Quelle est la signification des cimetières d’éléphants, animaux par ailleurs très évolués ? Si certains animaux ont, effectivement, un comportement particulier, à l’approche de leur propre mort, ce comportement implique donc une « connaissance » de la mort. Mais de quelle « connaissance » s’agit-il ? […]
Ainsi donc il n’y a pas qu’ignorance animale de la mort : il y a double secteur, l’un de « clairvoyance », l’autre de cécité, que le schème qui se borne à opposer la conscience humaine à l’inconscience animale, ou celui qui oppose abusivement l’individualité humaine à l’absence d’individualité animale, ne peuvent saisir s’ils oublient le rapport individu-espèce. C’est en effet l’affirmation de l’espèce par rapport à l’individu qui caractérise l’animal. C’est pourquoi, dans la vie animale, l’intelligence spécifique est « lucide » face au danger de mort, tandis que l’individu est aveugle à sa mort ou à la mort d’un autre.
L’homme et la mort / Edgar Morin
Il s’agit, de plus, de notions complexes à étudier car difficilement quantifiables :
Pour autant, les éthologues estiment que la conscience de soi est une notion compliquée à étudier car il est difficile de savoir si les animaux sont conscients de ce qu’ils font, de leurs émotions, de leurs connaissances ou si leurs comportements sont simplement des actes instinctifs ou résultant d’apprentissage. Pour permettre d’en savoir un peu plus, une expérience a été menée sur des capucins afin de déterminer s’ils étaient capables d’évaluer leurs propres connaissances, autrement dit s’ils étaient capables d’introspection. Soumis à un test de mémoire sur écran tactile, les singes recevaient une grosse récompense dès qu’ils donnaient la bonne réponse. Mais s’ils ne connaissaient pas la bonne réponse, un choix leur était proposé : soit ils tentaient de répondre et, en cas d’erreur, voyaient la récompense leur filer sous le nez, soit ils indiquaient qu’ils ignoraient la réponse et se voyaient remettre une récompense de consolation. La plupart ont opté pour la seconde option dès qu’ils hésitaient sur la réponse prouvant ainsi qu’ils étaient capables à la fois de réfléchir sur eux-mêmes et d’évaluer leurs connaissances.
Les animaux ont-ils conscience de leur propre existence / Yohan Ajzenherc
Néanmoins, certaines études montreraient une appréhension de la mort par les animaux, surtout chez les primates :
Les chimpanzés sont capables de penser à l’avenir. Ça a été établi par une équipe suédoise l’an dernier. Parfois, l’avenir s’envisage avec un proche en moins. Pour les hommes comme pour les chimpanzés. Deux études publiées lundi 26 avril font la même observation : ces primates adoptent une attitude particulière quand la mort survient. Et certains ont un comportement comparable à celui des humains au contact d’un moribond.
Pansy était une vieille femelle chimpanzé écossaise, doyenne du Royaume-uni – elle vivait en captivité. A cinquante ans et quelques, elle a commencé à faiblir pour ne plus se relever. Les trois congénères avec lesquels elle vivait ont pris soin d’elle dans les derniers jours. Plus calmes et moins bruyants, ils sont restés proches, l’ont caressée, l’ont lavée.
Comment les chimpanzés perçoivent la mort / Jonathan Parienté (in En quête de sciences)
Dans la vidéo suivante, Koko (gorille) « pleure » la mort de son chaton :
[Nous traduisons] Il y a peu de doutes que les animaux sont « conscients ». Les animaux chassent des proies, échappent aux prédateurs, explorent de nouveaux environnements, mangent, s’accouplent, apprennent, sentent, et ainsi de suite. Si certains définissent la conscience comme le fait d’appréhender des évènements extérieurs et d’expérimenter des états mentaux comme les sensations ou les émotions (Natsoulas, 1978), alors les gorilles, chiens, ours, chevaux, cochons, faisans, chats, lapins, serpents, pies, loups, éléphants, et lions, pour nommer certaines de ces créatures, remplissent les conditions requises. Le contentieux porte plutôt sur : est-ce que ces animaux savent qu’ils sont en train de percevoir un environnement extérieur et d’expérimenter des évènements intérieurs ? Est-ce que les animaux ont conscience d’eux-mêmes ?
De récents essais sur la compréhension de la conscience des animaux (cf Edelman & Seth, 2009) approuvent l’idée que les animaux non-humains possèdent probablement une conscience « primitive » (ou « minimale »). […]
Est-ce que les animaux possèdent une conscience de la mort générale ? Ici, les preuves sont contradictoires. D’un côté, nous avons les éléphants d’Afrique qui savent ramasser et disperser les os d’éléphants morts (McComb, Baker & Moss, 2006). Peut-être que ces éléphants ont conscience de la mort, mais la dispersion des os pourraient aussi bien être une survivance de comportements qui cachaient les routes de migration ou les « patterns » d’alimentation. D’un autre côté, la façon dont les lapins réagissent à la mort de leurs compagnons est déroutante […].
What are animals conscious of ? / Alain Morin
L’encyclopédie de philosophie de Stanford met à disposition un article, détaillé et argumenté, sur la conscience animale, tant d’un point de vue scientifique que philosophique. Cet article vous permettra d’en savoir plus sur ce sujet.
Enfin, la bibliothèque municipale de Lyon vous propose une sélection d’ouvrages concernant les animaux et les émotions, la conscience de soi ou la faculté de penser.
Bonne lecture
Les scientifiques sont encore divisés sur la question de la conscience de soi des animaux ainsi que sur leur conscience de la mort.
La conscience humaine de la mort ne suppose pas seulement la conscience de ce qui était inconscient chez l’animal, mais une rupture au sein du rapport individu-espèces, une promotion de l’individualité par rapport à l’espèce, une décadence de l’espèce par rapport à l’individualité. Et nous allons montrer que la vie animale implique beaucoup moins l’ignorance de la mort, comme le veut un mauvais truisme philosophique, que l’adaptation à la mort, c’est-à-dire l’adaptation à l’espèce.
Car il nous est clair que l’animal, en même temps qu’il ignore la mort, « connaît » cependant une mort qui serait la mort-agression, la mort-danger, la mort-ennemie. […]
De plus, il est un point très important et obscur, concernant le comportement de nombreux animaux et sur lequel nous ne connaissons pas d’étude. Vont-ils se cacher pour mourir ? Pourquoi ? Quelle est la signification des cimetières d’éléphants, animaux par ailleurs très évolués ? Si certains animaux ont, effectivement, un comportement particulier, à l’approche de leur propre mort, ce comportement implique donc une « connaissance » de la mort. Mais de quelle « connaissance » s’agit-il ? […]
Ainsi donc il n’y a pas qu’ignorance animale de la mort : il y a double secteur, l’un de « clairvoyance », l’autre de cécité, que le schème qui se borne à opposer la conscience humaine à l’inconscience animale, ou celui qui oppose abusivement l’individualité humaine à l’absence d’individualité animale, ne peuvent saisir s’ils oublient le rapport individu-espèce. C’est en effet l’affirmation de l’espèce par rapport à l’individu qui caractérise l’animal. C’est pourquoi, dans la vie animale, l’intelligence spécifique est « lucide » face au danger de mort, tandis que l’individu est aveugle à sa mort ou à la mort d’un autre.
L’homme et la mort / Edgar Morin
Il s’agit, de plus, de notions complexes à étudier car difficilement quantifiables :
Pour autant, les éthologues estiment que la conscience de soi est une notion compliquée à étudier car il est difficile de savoir si les animaux sont conscients de ce qu’ils font, de leurs émotions, de leurs connaissances ou si leurs comportements sont simplement des actes instinctifs ou résultant d’apprentissage. Pour permettre d’en savoir un peu plus, une expérience a été menée sur des capucins afin de déterminer s’ils étaient capables d’évaluer leurs propres connaissances, autrement dit s’ils étaient capables d’introspection. Soumis à un test de mémoire sur écran tactile, les singes recevaient une grosse récompense dès qu’ils donnaient la bonne réponse. Mais s’ils ne connaissaient pas la bonne réponse, un choix leur était proposé : soit ils tentaient de répondre et, en cas d’erreur, voyaient la récompense leur filer sous le nez, soit ils indiquaient qu’ils ignoraient la réponse et se voyaient remettre une récompense de consolation. La plupart ont opté pour la seconde option dès qu’ils hésitaient sur la réponse prouvant ainsi qu’ils étaient capables à la fois de réfléchir sur eux-mêmes et d’évaluer leurs connaissances.
Les animaux ont-ils conscience de leur propre existence / Yohan Ajzenherc
Néanmoins, certaines études montreraient une appréhension de la mort par les animaux, surtout chez les primates :
Les chimpanzés sont capables de penser à l’avenir. Ça a été établi par une équipe suédoise l’an dernier. Parfois, l’avenir s’envisage avec un proche en moins. Pour les hommes comme pour les chimpanzés. Deux études publiées lundi 26 avril font la même observation : ces primates adoptent une attitude particulière quand la mort survient. Et certains ont un comportement comparable à celui des humains au contact d’un moribond.
Pansy était une vieille femelle chimpanzé écossaise, doyenne du Royaume-uni – elle vivait en captivité. A cinquante ans et quelques, elle a commencé à faiblir pour ne plus se relever. Les trois congénères avec lesquels elle vivait ont pris soin d’elle dans les derniers jours. Plus calmes et moins bruyants, ils sont restés proches, l’ont caressée, l’ont lavée.
Comment les chimpanzés perçoivent la mort / Jonathan Parienté (in En quête de sciences)
Dans la vidéo suivante, Koko (gorille) « pleure » la mort de son chaton :
[Nous traduisons] Il y a peu de doutes que les animaux sont « conscients ». Les animaux chassent des proies, échappent aux prédateurs, explorent de nouveaux environnements, mangent, s’accouplent, apprennent, sentent, et ainsi de suite. Si certains définissent la conscience comme le fait d’appréhender des évènements extérieurs et d’expérimenter des états mentaux comme les sensations ou les émotions (Natsoulas, 1978), alors les gorilles, chiens, ours, chevaux, cochons, faisans, chats, lapins, serpents, pies, loups, éléphants, et lions, pour nommer certaines de ces créatures, remplissent les conditions requises. Le contentieux porte plutôt sur : est-ce que ces animaux savent qu’ils sont en train de percevoir un environnement extérieur et d’expérimenter des évènements intérieurs ? Est-ce que les animaux ont conscience d’eux-mêmes ?
De récents essais sur la compréhension de la conscience des animaux (cf Edelman & Seth, 2009) approuvent l’idée que les animaux non-humains possèdent probablement une conscience « primitive » (ou « minimale »). […]
Est-ce que les animaux possèdent une conscience de la mort générale ? Ici, les preuves sont contradictoires. D’un côté, nous avons les éléphants d’Afrique qui savent ramasser et disperser les os d’éléphants morts (McComb, Baker & Moss, 2006). Peut-être que ces éléphants ont conscience de la mort, mais la dispersion des os pourraient aussi bien être une survivance de comportements qui cachaient les routes de migration ou les « patterns » d’alimentation. D’un autre côté, la façon dont les lapins réagissent à la mort de leurs compagnons est déroutante […].
What are animals conscious of ? / Alain Morin
L’encyclopédie de philosophie de Stanford met à disposition un article, détaillé et argumenté, sur la conscience animale, tant d’un point de vue scientifique que philosophique. Cet article vous permettra d’en savoir plus sur ce sujet.
Enfin, la bibliothèque municipale de Lyon vous propose une sélection d’ouvrages concernant les animaux et les émotions, la conscience de soi ou la faculté de penser.
Bonne lecture
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