Qui écrivait les procès verbaux au Moyen-Age ?
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 18/11/2015 à 14h52
376 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Dans le cadre d'une explication de document à réaliser en Histoire Médiévale, je me trouve confrontée à un procès verbal sur l'entrée du roi Louis XI à Toulouse, datant du 26 mai 1463. Il me faut connaître l'émetteur et les récepteurs. Or, j'aurais souhaité savoir : qui donc s'occupait, au Moyen-Age, de transcrire les procès verbaux ? De même, qui en étaient les destinataires (les lecteurs) ?
En vous remerciant par avance de votre réponse.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 21/11/2015 à 15h30
Bonjour,
Voici les informations que nous avons trouvées dans Les entrées royales françaises de 1328 à 1515 de Bernard Guenée, à propos de votre procès-verbal :
"Procès verbal notarié, inséré dans le « Livre blanc de la maison commune »
« Maître Jean Solas, syndic, agissant comme précédemment en sa qualité de syndic, demanda que fussent dressés un ou plusieurs instruments publics –autant qu’il paraîtrait nécessaire ou opportun- relatant tout ce qui s’était passé. Tout ceci fût accompli à l’endroit susdit, entre 6 et 7 heures du soir, le jeudi 26 mai…, en présence des témoins suivants…Et moi Guilhem Peyronis, notaire public de Toulouse par autorité royale , en ayant été requis, j’ai reçu ce procès-verbal ; et retenu par d’autres occupations, je l’ai fait écrire par mon clerc, et, l’ayant diligemment collationné, j’y ai apposé ma souscription et l’ai revêtu du seing dont j’ai coutume de me servir lorsque j’établis un acte public. G. Peyronis. Seing manuel » p. 171
Si l’on analyse ce qui est écrit, l’on comprend qu’un représentant (« syndic ») des habitants de la Ville a demandé que des documents écrits publics soit établis pour consigner les faits avérés durant l’entrée royale, et qu’un notaire public de la ville et son clerc ont recueilli les différents témoignages, rédigé et signé le procès-verbal, comme tout acte public. Nous apprenons que le texte a été inséré au « Livre blanc de la maison commune ». Reprenons les définitions d’un livre blanc du Trésor de la langue française : « Recueil de documents officiels, relatifs à un problème politique, économique, diplomatique ou scientifique, destiné à permettre au lecteur de juger sur pièces. » et du Dictionnaire culturel en langue française Le Robert « Recueil de documents officiels publié par un gouvernement pour informer l’opinion publique sur une question d’actualité ». Ainsi, tout porte à croire que ce document était un document public destiné à une population certes lettrée mais assez large.
Ainsi, comme le dit Bernard Guenée (p.7-8), bien que l’imprimerie ne permette pas encore leur plus large diffusion, ces entrées royales et leurs relations, le plus souvent par des chroniqueurs, contribuaient à la diffusion auprès des populations d’une "propagande" autour du pouvoir royal, "du sentiment national et monarchique". D'ailleurs, le « Livre blanc de la maison commune » avec le procès verbal de l'Entrée de Louis XI à Toulouse sera publié en 1515 par Bertrandi sous le titre De Tholosanorum gestis.
Nous vous conseillons aussi la lecture d’Histoire et culture historique dans l’occident médiéval de Bernard Guenée qui étudie tous les acteurs et toutes les formes de documents écrits, officiels ou non, ainsi que leurs usages.
Le Dictionnaire du Moyen Age nous dit ceci à propos des notaires publics : « Dans le midi français, les notaires publics apparaissent au milieu du XIIe siècle. Recevant d’abord leur charge de l’empereur et du pape ou de leurs délégués, les notaires sont ensuite institués aussi par les princes, les villes, les évêques, le roi de France. Avant les années 1230, bien queleurs actes soient rendus authentiques et donc exécutoires par leur seul seing manuel (ce sont des « instruments publics »), les grands personnages (comtes, évêques…) et certaines municipalités (Avignon, Arles, Marseille…) continuent pour des raisons de prestige, à utiliser souvent sceaux ou bulles en concurrence avec le seing notarial, qui s’impose seul ensuite » p. 1003
Plus généralement,de nombreuses personnes aux profils très variés ont contribué à l’émission d’actes de la pratique .
L'ouvrage Le statut du scripteur au Moyen Age, dans son introduction, nous dit :
« Dans le scripteur se reconnaissaient sans doute les professionnels de l’écriture, du moine copiste au clerc de chancellerie responsable d’une production en série… Un champ particulièrement complexe, pour toutes les époques, est celui de l’écriture institutionnelle, des hommes qui écrivent au sein de structures d’autorité, chancelleries et administration laïques ou ecclésiastiques, scriptoria cathédraux et monastiques… Dans les monastères, les mêmes moines écrivent livres, chartes et cartulaires ; dans les chancelleries, des clercs spécialistes de l’acte authentique étendent leur compétence à l’écriture des livres, pour arrondir leurs fins de mois, pour complaire à un prélat ou pour leur propre usage. En Catalogne, les mêmes clercs, plus tard les mêmes laïcs, peuvent être copistes, juges, notaires. »
Champ d’autant plus complexe que « ceux qui paraissaient avoir écrit les actes, pourraient les avoir seulement fait écrire ».
Dans ce même ouvrage, le chapitre "L'écriture des actes à la chancellerie royale française (XIV-XVe siècles) d' Olivier Guyotjeannin, décrit la relation entre les notaires et leurs adjoints, les clercs, souvent amenés à mettre au propre les textes voir à les composer. Ces adjoints sont aussi appelés les "scriptores".
Dans Le travail au moyen âge, Robert Fossier distingue trois visages parmi les hommes de plume:
- le moine copiste qui connut pour ses manuscrits enluminés est aussi amené « à établir des actes de la pratique quotidienne, d’en prendre copie dans les registres, ces cartulaires, que l’on a admis comme preuve en justice après 1250-1255 »
- le copiste professionnel, soit attaché comme chapelain-et c’est alors un clerc- à la domesticité d’un puissant, soit opérant à la commande moyennant salaire. Cette catégorie de travailleur reste difficile à cerner : ils n’avalisent jamais leur rédaction.
- le notaire : « cet homme de plume, souvent expert en loi, ouvre un studium, une étude, dont il reste le propriétaire… La Provence, dès 1120-1150, puis toute l’Europe méridionale se dotent ainsi de ces bureaux publics d’écriture. Il est vrai que, plus au nord, l’institution tarda à s’imposer parce que les actes qu’on voulait durables y étaient rédigés et authentifiés par le chapitre cathédrale, notamment par l’official, le chanoine responsable du tribunal de l’évêque … »
Dans les Sources de l’histoire médiévale d' Olivier Guyotjeannin : « Il faut seulement rappeler ici ladiversité des acteurs : chancelleries (terme du reste largement inadapté avant le XIIe siècle) pontificales, royales et princières, mais aussi urbaines ; vaste domaine de l’acte privé, où, avec des résultats très variables, le XIIIe siècle va ici comme ailleurs hiérarchiser et normaliser, avec l’expansion du notariat public , dont la compétence spatiale est fonction de la personne de celui qui investit le notaire de la « main publique » (notaires impériaux, apostoliques, royaux, comtaux, urbains…)… » p.176
Concernant les procès-verbaux propres à la justice, cette note sur l’histoire des greffiers est intéressante et évoque aussi la question des notaires.
Voici les informations que nous avons trouvées dans Les entrées royales françaises de 1328 à 1515 de Bernard Guenée, à propos de votre procès-verbal :
"Procès verbal notarié, inséré dans le « Livre blanc de la maison commune »
« Maître Jean Solas, syndic, agissant comme précédemment en sa qualité de syndic, demanda que fussent dressés un ou plusieurs instruments publics –autant qu’il paraîtrait nécessaire ou opportun- relatant tout ce qui s’était passé. Tout ceci fût accompli à l’endroit susdit, entre 6 et 7 heures du soir, le jeudi 26 mai…, en présence des témoins suivants…
Si l’on analyse ce qui est écrit, l’on comprend qu’un représentant (« syndic ») des habitants de la Ville a demandé que des documents écrits publics soit établis pour consigner les faits avérés durant l’entrée royale, et qu’un notaire public de la ville et son clerc ont recueilli les différents témoignages, rédigé et signé le procès-verbal, comme tout acte public. Nous apprenons que le texte a été inséré au « Livre blanc de la maison commune ». Reprenons les définitions d’un livre blanc du Trésor de la langue française : « Recueil de documents officiels, relatifs à un problème politique, économique, diplomatique ou scientifique, destiné à permettre au lecteur de juger sur pièces. » et du Dictionnaire culturel en langue française Le Robert « Recueil de documents officiels publié par un gouvernement pour informer l’opinion publique sur une question d’actualité ». Ainsi, tout porte à croire que ce document était un document public destiné à une population certes lettrée mais assez large.
Ainsi, comme le dit Bernard Guenée (p.7-8), bien que l’imprimerie ne permette pas encore leur plus large diffusion, ces entrées royales et leurs relations, le plus souvent par des chroniqueurs, contribuaient à la diffusion auprès des populations d’une "propagande" autour du pouvoir royal, "du sentiment national et monarchique". D'ailleurs, le « Livre blanc de la maison commune » avec le procès verbal de l'Entrée de Louis XI à Toulouse sera publié en 1515 par Bertrandi sous le titre De Tholosanorum gestis.
Nous vous conseillons aussi la lecture d’Histoire et culture historique dans l’occident médiéval de Bernard Guenée qui étudie tous les acteurs et toutes les formes de documents écrits, officiels ou non, ainsi que leurs usages.
Le Dictionnaire du Moyen Age nous dit ceci à propos des notaires publics : « Dans le midi français, les notaires publics apparaissent au milieu du XIIe siècle. Recevant d’abord leur charge de l’empereur et du pape ou de leurs délégués, les notaires sont ensuite institués aussi par les princes, les villes, les évêques, le roi de France. Avant les années 1230, bien que
Plus généralement,
L'ouvrage Le statut du scripteur au Moyen Age, dans son introduction, nous dit :
« Dans le scripteur se reconnaissaient sans doute les professionnels de l’écriture, du moine copiste au clerc de chancellerie responsable d’une production en série… Un champ particulièrement complexe, pour toutes les époques, est celui de l’écriture institutionnelle, des hommes qui écrivent au sein de structures d’autorité, chancelleries et administration laïques ou ecclésiastiques, scriptoria cathédraux et monastiques… Dans les monastères, les mêmes moines écrivent livres, chartes et cartulaires ; dans les chancelleries, des clercs spécialistes de l’acte authentique étendent leur compétence à l’écriture des livres, pour arrondir leurs fins de mois, pour complaire à un prélat ou pour leur propre usage. En Catalogne, les mêmes clercs, plus tard les mêmes laïcs, peuvent être copistes, juges, notaires. »
Champ d’autant plus complexe que « ceux qui paraissaient avoir écrit les actes, pourraient les avoir seulement fait écrire ».
Dans ce même ouvrage, le chapitre "L'écriture des actes à la chancellerie royale française (XIV-XVe siècles) d' Olivier Guyotjeannin, décrit la relation entre les notaires et leurs adjoints, les clercs, souvent amenés à mettre au propre les textes voir à les composer. Ces adjoints sont aussi appelés les "scriptores".
Dans Le travail au moyen âge, Robert Fossier distingue trois visages parmi les hommes de plume:
- le moine copiste qui connut pour ses manuscrits enluminés est aussi amené « à établir des actes de la pratique quotidienne, d’en prendre copie dans les registres, ces cartulaires, que l’on a admis comme preuve en justice après 1250-1255 »
- le copiste professionnel, soit attaché comme chapelain-et c’est alors un clerc- à la domesticité d’un puissant, soit opérant à la commande moyennant salaire. Cette catégorie de travailleur reste difficile à cerner : ils n’avalisent jamais leur rédaction.
- le notaire : « cet homme de plume, souvent expert en loi, ouvre un studium, une étude, dont il reste le propriétaire… La Provence, dès 1120-1150, puis toute l’Europe méridionale se dotent ainsi de ces bureaux publics d’écriture. Il est vrai que, plus au nord, l’institution tarda à s’imposer parce que les actes qu’on voulait durables y étaient rédigés et authentifiés par le chapitre cathédrale, notamment par l’official, le chanoine responsable du tribunal de l’évêque … »
Dans les Sources de l’histoire médiévale d' Olivier Guyotjeannin : « Il faut seulement rappeler ici la
Concernant les procès-verbaux propres à la justice, cette note sur l’histoire des greffiers est intéressante et évoque aussi la question des notaires.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter