Les formes d'exclusion dans les cités antiques
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 18/11/2015 à 13h13
352 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche d'articles de périodiques portant sur les différentes formes d'exclusion sous l'Antiquité dans des cités comme Athènes, Sparte ou Rome.
Il s'agirait pour moi de mettre en évidence une forme d'exclusion "de l'intérieur", nécessaire à l'équilibre de la cité.
En vous remerciant par avance.
Silk
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 21/11/2015 à 12h19
Bonjour,
Le thème est si vaste que nous n’avons pas vraiment trouvé d’articles synthétiques sur les formes d’exclusion dans les cités antiques. Il faut dire que les formes d’exclusion sont multiples, qu’elles diffèrent d’une cité à l’autre et selon les époques. Le sommaire de Exit : exclus et marginaux à Rome, textes sources réunis par Vincent Morch, peut donner une idée de la variété des exclus :
EXCLUS PAR DEFINITION II. Pas de ça chez nous ! : La barbarie. Incestueux et parricides. Le mauvais citoyen : l'atimie, la trahison. III. Les exclus de l'intérieur : Les femmes. Le mauvais peuple et les miséreux. IV. Les esclaves. LES INTERMITTENTS DE L’EXCLUSION. V. Les exilés. VI. Les philosophes et la marginalisation volontaire. VII. Groupes sous surveillance et coercitions collectives : Religions étrangères et professionnels de l’occulte. L’antijudaïsme antique. Les proscriptions. VIII. L’âge des persécutions : Les persécutions antichrétiennes. Triomphe du christianisme et nouvelles intolérances.
On trouve sur internet des petits récapitulatifs plus ou moins détaillés, concernant surtout les exclus de la citoyenneté, et plutôt basiques, par exemple :
Les exclus de la citoyenneté à Athènes et à Rome dans l’Antiquité, sujet corrigé, sur Tice me
Qui est citoyen ?, et Citoyenneté à Athènes : les non-citoyens sur le site Musagora, Centre national de documentation pédagogique.
Plusieurs ouvrages, notamment sur les cités grecques, contiennent des chapitres sur le sujet ou s’y consacrent, notamment Citoyens et non citoyens dans le monde grec, Claude Vatin (recension).
A noter aussi deux livres sur l’exclusion des femmes en Grèce :
Une éducation grecque : rites de passage et construction des genres dans le roman grec ancien, Sophie Lalanne
Les enfants d’Athéna : idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Nicole Loraux.
Pour ce qui est des articles, ils sont au contraire très précis (sur un aspect seulement de l’exclusion, à un endroit précis et en un temps précis) et souvent plutôt spécialisés. En voici une petite sélection, qui nous ont paru traiter de près ou de loin des rapports entre exclusion et équilibre ou déséquilibre dans la cité :
Des recueil d’articles :
Les exclus dans l’Antiquité, actes de colloque recensé ici, sommaire là
Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Françoise Ruzé
Esclavage antique et discriminations socio-culturelles, actes de colloque.
Des articles en commençant par les plus généraux :
Des « citoyens égaux » en Grèce antique, Alain Fouchard, Dialogues d’histoire ancienne, 1986, n° 1, p. 147-172
De l’esclavage en Grèce antique, Yvon Garland, Journal des savants,1999, N° 1 p. 319-334
Extrait :
« Avant de traiter de l'esclavage grec, il est donc nécessaire d'évoquer son envers, qui est l'endroit de cette société, à savoir la liberté, d'autant que cette liberté est très éloignée de la nôtre, comme l'avaient déjà bien vu Condorcet et les Idéologues, particulièrement Benjamin Constant dans son fameux essai De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes
paru en 1819. Être libre, pour un Grec, c'est avant tout appartenir à une communauté autonome et autogérée, à l'une de ces innombrables petites cités qui défendent jalousement leur indépendance. Hors de sa communauté, la liberté de l'étranger est généralement reconnue, mais reste toujours plus ou moins limitée et précaire. Appartenir à une telle communauté, c'est faire partie des familles (oikoï) qui la composent, mais sur un pied différent selon qu'on est une femme, un jeune ou un homme adulte : seul ce dernier parvient à cet apogée de la liberté qu'est la citoyenneté, qui confère, à un degré variable selon la nature du régime, nombre d'avantages couvrant la totalité du champ social : avantages non seulement de nature politique comme chez nous, mais encore de nature juridique, religieuse, culturelle, et aussi et surtout économique (notamment le droit exclusif de posséder de la terre). Incompatible avec toute forme de soumission personnelle à autrui, la liberté du citoyen débouche, proportionnellement aux revenus de chacun, sur la jouissance de la scholè, c'est-à-dire d'un loisir entendu non pas comme un temps vide réservé au divertissement et à l'oisiveté, mais comme un temps plein consacré à l'épanouissement du corps et de l'esprit dans une perspective civique. Avant d'aborder le problème de l'esclavage, voilà, très brièvement résumé, ce qu'il importe de comprendre : c'est que la liberté grecque n'a rien d'une coquille vide où se blottit ce qui reste de l'individu quand il s'est dépouillé de son être social ; c'est au contraire une somme de privilèges dont on jouit en tant que membre de plein droit d'une communauté. Ce qui signifie que cette liberté, bien loin de prétendre à l'universalisme, plus elle s'affirme au bénéfice des uns et plus elle entraîne l'exclusion et même l'assujettissement des autres.».
Les classes dirigeantes romaines sous la République, Claude Nicolet
Extrait :
« La cité romaine comme toutes les cités anciennes était inégalitaire non seulement en fait mais en droit. Ou plus exactement, reconnaissant égalité juridique de tous les citoyens (ce qu’ on exprimait par les mots aequa iura et aequa libertas elle constatait immédiatement l’inégalité de fait des individus et des groupes. Inégalité physique : sexe, âge, santé ; inégalité des fortunes en gros, riches et pauvres ; inégalité sociale enfin : bonne ou mauvaise naissance (par exemple citoyens de souche ou affranchis). Tout cela apparaît comme une évidence de la nature. La cité était connue comme une société dont le but est d’assurer sa propre grandeur et en même temps le maximum d’avantages à chacun de ses participants. Pour qu’une telle « société » prospère, il convient qu’un maximum de cohésion relie ses membres entre eux. Cette cohésion est obtenue si chacun d’eux, malgré les inégalités de fait a l’impression qu’une certaine justice préside à la répartition des charges et des avantages inhérents à la vie commune. Une justice de cette sorte doit être « proportionnelle » aux possibilités effectives de chacun : les philosophes et théoriciens politiques, depuis Platon, disaient qu’elle doit représenter alors une égalité « géométrique » opposée à la très injuste égalité « arithmétique ». »
Intégration, exclusion, identité : quelques problèmes grecs de l’identité moderne, Pascal Payen, Antiquité et citoyenneté, actes du colloque international de Besançon, 1999 dont d’autres articles pourraient vous intéresser
Le mirage de la cité grecque, Nicolas Journet, Sciences Humaines, n° 127, 2002/5
Politique en Grèce ancienne, Annales. Histoire Sciences Sociales, n°3, 2014
Citoyen dans l’Antiquité, Claude Nicolet, La Documentation photographique n° 8001, 1998
Les méandres de l’héllénitude, Nicole Loraux, Espace-Temps 1989, n°42
Les métèques athéniens, une thèse de Michel Clerc
Athènes vue par ses métèques Ve-IVe siècle, Saber Mansouri
Les procès politiques et la crise de la démocratie athénienne, Claude Mossé, Dialogues d’histoire ancienne, 1974, n° 1, notamment une explication de l’ostracisme et de son rôle
Le mépris des Hilotes, Jean Ducat, Annales. Economies Sociétés Civilisations, n° 6, année 1974
La cohésion sociale à Sparte au IVe siècle, Nikos Birgalias, Dialogues d’histoire ancienne, 2014/Supplément 11
Des citoyens maîtres d’eux-mêmes : l’eukosmon de Sparte archaïque et classique, Nicolas Richer, Cahiers du Centre Gustave Glotz, 1998, n°1 p. 7 à 36
L’assemblée du peuple à Rome comme rituel de consensus, Egon Flaig, Actes de la Recherche en Sciences sociales, n° 140, 2001/5
Cicéron contre Antoine : la désignation de l’ennemi dans la guerre civile, Ninon Grangé, Mots les langages du politique, n°73, 2003
Ennemis, hôtes, étrangers. Enquête sur les identités politiques grecque et romaine, Benjamin Boudou, Mots les langages du politique, n°101, 2013/1
Vous pouvez tenter, et affiner, vous-même la recherche sur les bases Cairn (disponible en clair sur les postes de la BML) ou Persée (accès libre).
Bonnes lectures !
Le thème est si vaste que nous n’avons pas vraiment trouvé d’articles synthétiques sur les formes d’exclusion dans les cités antiques. Il faut dire que les formes d’exclusion sont multiples, qu’elles diffèrent d’une cité à l’autre et selon les époques. Le sommaire de Exit : exclus et marginaux à Rome, textes sources réunis par Vincent Morch, peut donner une idée de la variété des exclus :
EXCLUS PAR DEFINITION II. Pas de ça chez nous ! : La barbarie. Incestueux et parricides. Le mauvais citoyen : l'atimie, la trahison. III. Les exclus de l'intérieur : Les femmes. Le mauvais peuple et les miséreux. IV. Les esclaves. LES INTERMITTENTS DE L’EXCLUSION. V. Les exilés. VI. Les philosophes et la marginalisation volontaire. VII. Groupes sous surveillance et coercitions collectives : Religions étrangères et professionnels de l’occulte. L’antijudaïsme antique. Les proscriptions. VIII. L’âge des persécutions : Les persécutions antichrétiennes. Triomphe du christianisme et nouvelles intolérances.
On trouve sur internet des petits récapitulatifs plus ou moins détaillés, concernant surtout les exclus de la citoyenneté, et plutôt basiques, par exemple :
Les exclus de la citoyenneté à Athènes et à Rome dans l’Antiquité, sujet corrigé, sur Tice me
Qui est citoyen ?, et Citoyenneté à Athènes : les non-citoyens sur le site Musagora, Centre national de documentation pédagogique.
Plusieurs ouvrages, notamment sur les cités grecques, contiennent des chapitres sur le sujet ou s’y consacrent, notamment Citoyens et non citoyens dans le monde grec, Claude Vatin (recension).
A noter aussi deux livres sur l’exclusion des femmes en Grèce :
Une éducation grecque : rites de passage et construction des genres dans le roman grec ancien, Sophie Lalanne
Les enfants d’Athéna : idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Nicole Loraux.
Pour ce qui est des articles, ils sont au contraire très précis (sur un aspect seulement de l’exclusion, à un endroit précis et en un temps précis) et souvent plutôt spécialisés. En voici une petite sélection, qui nous ont paru traiter de près ou de loin des rapports entre exclusion et équilibre ou déséquilibre dans la cité :
Des recueil d’articles :
Les exclus dans l’Antiquité, actes de colloque recensé ici, sommaire là
Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Françoise Ruzé
Esclavage antique et discriminations socio-culturelles, actes de colloque.
Des articles en commençant par les plus généraux :
Des « citoyens égaux » en Grèce antique, Alain Fouchard, Dialogues d’histoire ancienne, 1986, n° 1, p. 147-172
De l’esclavage en Grèce antique, Yvon Garland, Journal des savants,1999, N° 1 p. 319-334
Extrait :
« Avant de traiter de l'esclavage grec, il est donc nécessaire d'évoquer son envers, qui est l'endroit de cette société, à savoir la liberté, d'autant que cette liberté est très éloignée de la nôtre, comme l'avaient déjà bien vu Condorcet et les Idéologues, particulièrement Benjamin Constant dans son fameux essai De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes
paru en 1819. Être libre, pour un Grec, c'est avant tout appartenir à une communauté autonome et autogérée, à l'une de ces innombrables petites cités qui défendent jalousement leur indépendance. Hors de sa communauté, la liberté de l'étranger est généralement reconnue, mais reste toujours plus ou moins limitée et précaire. Appartenir à une telle communauté, c'est faire partie des familles (oikoï) qui la composent, mais sur un pied différent selon qu'on est une femme, un jeune ou un homme adulte : seul ce dernier parvient à cet apogée de la liberté qu'est la citoyenneté, qui confère, à un degré variable selon la nature du régime, nombre d'avantages couvrant la totalité du champ social : avantages non seulement de nature politique comme chez nous, mais encore de nature juridique, religieuse, culturelle, et aussi et surtout économique (notamment le droit exclusif de posséder de la terre). Incompatible avec toute forme de soumission personnelle à autrui, la liberté du citoyen débouche, proportionnellement aux revenus de chacun, sur la jouissance de la scholè, c'est-à-dire d'un loisir entendu non pas comme un temps vide réservé au divertissement et à l'oisiveté, mais comme un temps plein consacré à l'épanouissement du corps et de l'esprit dans une perspective civique. Avant d'aborder le problème de l'esclavage, voilà, très brièvement résumé, ce qu'il importe de comprendre : c'est que la liberté grecque n'a rien d'une coquille vide où se blottit ce qui reste de l'individu quand il s'est dépouillé de son être social ; c'est au contraire une somme de privilèges dont on jouit en tant que membre de plein droit d'une communauté. Ce qui signifie que cette liberté, bien loin de prétendre à l'universalisme, plus elle s'affirme au bénéfice des uns et plus elle entraîne l'exclusion et même l'assujettissement des autres.».
Les classes dirigeantes romaines sous la République, Claude Nicolet
Extrait :
« La cité romaine comme toutes les cités anciennes était inégalitaire non seulement en fait mais en droit. Ou plus exactement, reconnaissant égalité juridique de tous les citoyens (ce qu’ on exprimait par les mots aequa iura et aequa libertas elle constatait immédiatement l’inégalité de fait des individus et des groupes. Inégalité physique : sexe, âge, santé ; inégalité des fortunes en gros, riches et pauvres ; inégalité sociale enfin : bonne ou mauvaise naissance (par exemple citoyens de souche ou affranchis). Tout cela apparaît comme une évidence de la nature. La cité était connue comme une société dont le but est d’assurer sa propre grandeur et en même temps le maximum d’avantages à chacun de ses participants. Pour qu’une telle « société » prospère, il convient qu’un maximum de cohésion relie ses membres entre eux. Cette cohésion est obtenue si chacun d’eux, malgré les inégalités de fait a l’impression qu’une certaine justice préside à la répartition des charges et des avantages inhérents à la vie commune. Une justice de cette sorte doit être « proportionnelle » aux possibilités effectives de chacun : les philosophes et théoriciens politiques, depuis Platon, disaient qu’elle doit représenter alors une égalité « géométrique » opposée à la très injuste égalité « arithmétique ». »
Intégration, exclusion, identité : quelques problèmes grecs de l’identité moderne, Pascal Payen, Antiquité et citoyenneté, actes du colloque international de Besançon, 1999 dont d’autres articles pourraient vous intéresser
Le mirage de la cité grecque, Nicolas Journet, Sciences Humaines, n° 127, 2002/5
Politique en Grèce ancienne, Annales. Histoire Sciences Sociales, n°3, 2014
Citoyen dans l’Antiquité, Claude Nicolet, La Documentation photographique n° 8001, 1998
Les méandres de l’héllénitude, Nicole Loraux, Espace-Temps 1989, n°42
Les métèques athéniens, une thèse de Michel Clerc
Athènes vue par ses métèques Ve-IVe siècle, Saber Mansouri
Les procès politiques et la crise de la démocratie athénienne, Claude Mossé, Dialogues d’histoire ancienne, 1974, n° 1, notamment une explication de l’ostracisme et de son rôle
Le mépris des Hilotes, Jean Ducat, Annales. Economies Sociétés Civilisations, n° 6, année 1974
La cohésion sociale à Sparte au IVe siècle, Nikos Birgalias, Dialogues d’histoire ancienne, 2014/Supplément 11
Des citoyens maîtres d’eux-mêmes : l’eukosmon de Sparte archaïque et classique, Nicolas Richer, Cahiers du Centre Gustave Glotz, 1998, n°1 p. 7 à 36
L’assemblée du peuple à Rome comme rituel de consensus, Egon Flaig, Actes de la Recherche en Sciences sociales, n° 140, 2001/5
Cicéron contre Antoine : la désignation de l’ennemi dans la guerre civile, Ninon Grangé, Mots les langages du politique, n°73, 2003
Ennemis, hôtes, étrangers. Enquête sur les identités politiques grecque et romaine, Benjamin Boudou, Mots les langages du politique, n°101, 2013/1
Vous pouvez tenter, et affiner, vous-même la recherche sur les bases Cairn (disponible en clair sur les postes de la BML) ou Persée (accès libre).
Bonnes lectures !
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter