Contes des 1001 nuits
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 25/09/2015 à 15h00
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Question d'origine :
Pourriez-vous svp nous dire si Shéhérazade a été inventée par Galland, le 1er traducteur en français des contes afin de lier tous les récits entre eux à travers elle ou bien si ce personnage existait dans les contes oraux et reliait déjà tous les récit initialement SVP ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 26/09/2015 à 13h50
Bonjour,
Le personnage de Shéhérazade, bien loin d’avoir attendu la traduction d’Antoine Galland ou de Richard Francis Burton pour exister, est une figure dont la première mention écrite connue remonterait à l’an 878. De nombreuses recherches font remonter sa trace jusqu’au IIIe siècle ; elle aurait une origine indienne, même si son nom est d’origine persane (c’est en Perse que le premier recueil écrit des contes, le Hezar Efsane, aurait été rédigé) :
Il y a eu plusieurs traductions du Hezar Efsane, et donc plusieurs versions des Mille et Une Nuits : on a retrouvé divers manuscrits dont les numéros des nuits ne concordent pas. Cependantces manuscrits ont permis d’identifier plusieurs contes récurrents dans tous ces manuscrits (dont l’histoire de Shahrâzâd et Shâriyâr) qui sont les plus anciens, d’origine indienne .
Le Hezar Efsane n’était pas complet lorsqu’il atteignit le monde arabe ; il y manquait des nuits. Le volume fut donc augmenté dans le but d’atteindre le conte exact de 1001 nuits.
Ces ajouts eurent surtout lieu sous le califat Abbasside (de 750 à 1258), où apparaissent les personnages de Ja’far et du Calife Haroun Ar-Rachid (qui a réellement existé : il fut le cinquième de l’ère Abbasside) ; et sous l’ère Fatimide (909 à 1171) où l’on introduit beaucoup d’éléments empruntés au merveilleux et à la mythologie.
La forme stable et définitive des Mille et Une Nuits, le Alf laylah wa laylah, apparaît au XIIIème ou XVIème siècle, soit plus de 10 siècles après l’apparition des premiers contes !
L’histoire des Mille et une Nuits se poursuit avec la première traduction européenne du recueil en 1700, par le français Antoine Galland. Il adapta grandement le texte original aux mœurs de son siècle, en y omettant les éléments triviaux de l’œuvre initiale, et en y ajoutant la galanterie européenne.
Cependant, malgré ces adaptations, son œuvre fut la première où le monde oriental était dépeint aux lecteurs du point de vue des Arabes eux-mêmes, et non du point de vue d’étrangers (Croisés, marchands, pèlerins, moines…). Ce fut une des raisons de son succès.
On peut considérer que l’arrivée de ces contes en Europe fut l’élément déclencheur de la mode de l’Orientalisme, grâce à l’engouement et à la fascination qu’ils provoquèrent pour cette partie de monde jusqu’alors assez mystérieuse.
Enfin, les enfants aimant les histoires merveilleuses, Les Mille et Une Nuits furent rapidement adaptées à leur destination.
Source : La légende des mille et une nuits, office du tourisme de Cambrai
Origines et évolution des Mille et Une Nuits
De nombreuses recherches ont été faites pour déterminer l’origine exacte des contes. Cette complexité s’explique par le fait que les ouvrages écrits en arabe, les manuscrits, n’ont été retrouvés que partiellement et qu’ils ont eux-mêmes diverses sources. Toutefois,un écrit arabe ancien, le Kitab al-Fihrist rédigé en l’an 987, relate l’existence d’un volume persan racontant l’histoire de Shahrâzâd et intitulé le Hezar Efsane (Les Milles Contes) dont nulle trace n’existe. De plus, les noms de Shahrâzâd (Shéhérazade en français) et Shâhriyâr (le roi qui a épousé Shahrâzâd et qui la menace de mort) sont des noms persans. On retrouve d’ailleurs dans ces noms le préfixe «Shah» qui signifie Roi. Mais d’autres éléments témoignent par ailleurs d’une origine indienne remontant aussi loin qu’au IIIe siècle. Ainsi, les métamorphoses en animaux, les génies demi-dieux faisant référence au polythéisme hindou et le fait de retarder la mort en contant des fables seraient des éléments typiquement indiens que l’on retrouve dans d’autres ouvrages hindous comme «le Pancatantra [et le] Hitopadeça». L’hypothèse veut donc que les contes seraient nés en Inde et que, par voie orale, ils auraient atteint la Perse où un premier recueil, le Hezar Efsane aurait été écrit . Ce recueil primitif, de même que les contes oraux, se seraient ensuite propagés dans le monde arabe grâce, entre autres, aux marchands avides de récits pour briser la monotonie de leurs voyages. Les conteurs arabes, autour du VIIIe siècle, auraient par la suite traduit le Hezar Efsane et répandu ces histoires en les modifiant et en les adaptant selon leur culture, leur religion et leur langue tout en conservant plusieurs éléments originaux. Ils auraient donc arabisé les contes en remplaçant les noms et les lieux indiens et persans (sauf exceptions), par un décor arabe et un «vernis islamique». Ils auraient de plus ajouté bon nombre de contes, ceux-ci typiquement arabes, avec de grandes éloges au Prophète. Parmi les éléments arabes présents dans le recueil, on dénote aussi la cohabitation des Musulmans avec les Chrétiens et les Juifs, les confrontations avec les Byzantins et les Francs au temps des Croisades, les villes arabes où se déroule principalement l’histoire (Bagdad, Le Caire, Bassora, Damas), les souks et le marchandage, et les références à des personnages arabes connus (poètes célèbres, califes, savants). Certains contes dénoncent aussi l’adoration du feu (Zoroastrisme) condamnée à l’époque par l’Islam. Ce sont donc là les trois principales origines des Nuits : d’abord indienne, ensuite perse et finalement arabe.
Source : Les Mille et Une Nuits : analyse des contes par Vincent Demers
Les contes des Mille et Une Nuits
Ce sont des contes d'origine indienne, transmis par la Perse et recueillis par les Arabes. Issus de la tradition populaire orale, ils ont été sans cesse repris, transformés, enrichis de nouveaux récits au fil des siècles pour donner Les Mille et Une Nuits. L’Occident s’en est saisi et aujourd’hui, traduits dans presque toutes les langues, ces contes font quasiment partie du patrimoine universel.
Mentionnés pour la première fois dans les "Prairies d’or" d’al-Mas‘ûdî (956), les contes sont cités parmi les traductions en arabe d’ouvrages indiens, persans et byzantins. Leur traduction daterait de la même époque que celle des fables de "Bidpaï" et des enrichissements successifs auraient été réalisés autour du IXe siècle à Bagdad et en Égypte aux Xe et XIe siècles. Les nouveaux récits adoptent l’argument qui sert de prologue à chaque conte : le sultan Shahriyar, désespéré par l’infidélité féminine, décide que toute nouvelle conquête sera exécutée à la fin de la nuit passée avec lui. La princesse Shéhérazade, par son art de raconter des histoires extraordinaires, détourne le sultan de son funeste projet et maintient son intérêt, nuit après nuit.
À l’époque de l’apogée de Bagdad est intégré un ensemble de récits plus réalistes, mettant en scène la vie des palais et ses intrigues, l’activité de la ville avec ses marchés, ses ports, ses lieux mal famés ; les aventures imaginées sont proches de celles vécues par les princes et l’élite. Des personnalités réelles apparaissent : des califes (Harûn al-Rashid, al-Ma’mûn), des vizirs, des poètes renommés.
D’autres ajouts ont été opérés sous les califes fatimides du Caire et font vivre des personnages pittoresques (marchands, artisans, bateleurs, coquins de toutes sortes) d’inspiration populaire.
Source : BnF
Les contes des mille et une nuits ont une forme enchâssée : c’est l’histoire de Shéhérazade, qui emboîte tous les autres contes, qui permet de lier entre eux des récits très divers, indépendants les uns des autres :
Forme des contes
«Et l’aube chassant la nuit, Shahrâzâd dut interrompre son récit.» C’est par ses contes jamais terminés à l’aube que Shéhérazade réussit à se maintenir en vie face au roi Shâhriyâr qui la menace de mort. Celui-ci, trompé par sa première femme qui avait forniqué avec un esclave noir durant son absence, s’est juré d’épouser une vierge chaque soir, de la déflorer et de la tuer au matin. Shéhérazade demande alors à son père, le vizir, de lui laisser épouser le roi. Elle prie ensuite sa sœur (ou son intendante selon différentes versions), Dunyâzâd, de lui demander de raconter une histoire en présence du roi. Shéhérazade, ne terminant jamais ses récits avant le lever du jour, réussit donc, par la ruse, à éviter l’homicide (ou devrait-on dire le «féminicide»…) du roi grâce à la curiosité de ce dernier, désireux de connaître la fin des contes. Au bout de mille et une nuits, il la gracie après qu’elle lui eut donné un fils (ou trois selon les versions).
Ce cadre emboîte tous les autres contes, de nuit en nuit. Mais Shâhriyâr et Dunyâzâd s’effacent rapidement au point que seul le nom de Shéhérazade est mentionné lors des changements de nuits. L’histoire de Shéhérazade, qui constitue le contexte narratif, permet ainsi de juxtaposer des contes qui n’ont aucun lien entre eux et qui ont grossi le contenu des Nuits de siècle en siècle. La particularité des Nuits repose dans le fait que ses contes sont sous une forme dite enchâssée ou en tiroir. En effet, le lecteur rencontre d’abord un narrateur qui relate le cadre liminaire, l’histoire de Shéhérazade. Celle-ci raconte ensuite au roi un conte, par exemple le Conte du tailleur, du bossu, du Juif, de l’Intendant et du Chrétien. Dans ce conte, où le bossu est au centre, elle raconte une à une les histoires du courtier chrétien, de l’intendant musulman, du médecin juif et du tailleur. Ce dernier raconte à son tour l’histoire d’un barbier. Le barbier, quant à lui, raconte celle de chacun de ses six frères. Cette méthode permet donc à Shéhérazade d’éterniser le récit et d’éloigner l’heure fatale. Cela ajoute aussi à la diversité de l’œuvre puisque chaque nouveau conte n’est pas nécessairement en lien avec le conte précédent et que même le genre du conte peut alors se modifier.
Source : Les Mille et Une Nuits : analyse des contes par Vincent Demers
Source : Orient XXI
Bonne journée.
Le personnage de Shéhérazade, bien loin d’avoir attendu la traduction d’Antoine Galland ou de Richard Francis Burton pour exister, est une figure dont la première mention écrite connue remonterait à l’an 878. De nombreuses recherches font remonter sa trace jusqu’au IIIe siècle ; elle aurait une origine indienne, même si son nom est d’origine persane (c’est en Perse que le premier recueil écrit des contes, le Hezar Efsane, aurait été rédigé) :
Il y a eu plusieurs traductions du Hezar Efsane, et donc plusieurs versions des Mille et Une Nuits : on a retrouvé divers manuscrits dont les numéros des nuits ne concordent pas. Cependant
Le Hezar Efsane n’était pas complet lorsqu’il atteignit le monde arabe ; il y manquait des nuits. Le volume fut donc augmenté dans le but d’atteindre le conte exact de 1001 nuits.
Ces ajouts eurent surtout lieu sous le califat Abbasside (de 750 à 1258), où apparaissent les personnages de Ja’far et du Calife Haroun Ar-Rachid (qui a réellement existé : il fut le cinquième de l’ère Abbasside) ; et sous l’ère Fatimide (909 à 1171) où l’on introduit beaucoup d’éléments empruntés au merveilleux et à la mythologie.
La forme stable et définitive des Mille et Une Nuits, le Alf laylah wa laylah, apparaît au XIIIème ou XVIème siècle, soit plus de 10 siècles après l’apparition des premiers contes !
L’histoire des Mille et une Nuits se poursuit avec la première traduction européenne du recueil en 1700, par le français Antoine Galland. Il adapta grandement le texte original aux mœurs de son siècle, en y omettant les éléments triviaux de l’œuvre initiale, et en y ajoutant la galanterie européenne.
Cependant, malgré ces adaptations, son œuvre fut la première où le monde oriental était dépeint aux lecteurs du point de vue des Arabes eux-mêmes, et non du point de vue d’étrangers (Croisés, marchands, pèlerins, moines…). Ce fut une des raisons de son succès.
On peut considérer que l’arrivée de ces contes en Europe fut l’élément déclencheur de la mode de l’Orientalisme, grâce à l’engouement et à la fascination qu’ils provoquèrent pour cette partie de monde jusqu’alors assez mystérieuse.
Enfin, les enfants aimant les histoires merveilleuses, Les Mille et Une Nuits furent rapidement adaptées à leur destination.
Source : La légende des mille et une nuits, office du tourisme de Cambrai
De nombreuses recherches ont été faites pour déterminer l’origine exacte des contes. Cette complexité s’explique par le fait que les ouvrages écrits en arabe, les manuscrits, n’ont été retrouvés que partiellement et qu’ils ont eux-mêmes diverses sources. Toutefois,
Source : Les Mille et Une Nuits : analyse des contes par Vincent Demers
Ce sont des contes d'origine indienne, transmis par la Perse et recueillis par les Arabes. Issus de la tradition populaire orale, ils ont été sans cesse repris, transformés, enrichis de nouveaux récits au fil des siècles pour donner Les Mille et Une Nuits. L’Occident s’en est saisi et aujourd’hui, traduits dans presque toutes les langues, ces contes font quasiment partie du patrimoine universel.
À l’époque de l’apogée de Bagdad est intégré un ensemble de récits plus réalistes, mettant en scène la vie des palais et ses intrigues, l’activité de la ville avec ses marchés, ses ports, ses lieux mal famés ; les aventures imaginées sont proches de celles vécues par les princes et l’élite. Des personnalités réelles apparaissent : des califes (Harûn al-Rashid, al-Ma’mûn), des vizirs, des poètes renommés.
D’autres ajouts ont été opérés sous les califes fatimides du Caire et font vivre des personnages pittoresques (marchands, artisans, bateleurs, coquins de toutes sortes) d’inspiration populaire.
Source : BnF
Les contes des mille et une nuits ont une forme enchâssée : c’est l’histoire de Shéhérazade, qui emboîte tous les autres contes, qui permet de lier entre eux des récits très divers, indépendants les uns des autres :
«Et l’aube chassant la nuit, Shahrâzâd dut interrompre son récit.» C’est par ses contes jamais terminés à l’aube que Shéhérazade réussit à se maintenir en vie face au roi Shâhriyâr qui la menace de mort. Celui-ci, trompé par sa première femme qui avait forniqué avec un esclave noir durant son absence, s’est juré d’épouser une vierge chaque soir, de la déflorer et de la tuer au matin. Shéhérazade demande alors à son père, le vizir, de lui laisser épouser le roi. Elle prie ensuite sa sœur (ou son intendante selon différentes versions), Dunyâzâd, de lui demander de raconter une histoire en présence du roi. Shéhérazade, ne terminant jamais ses récits avant le lever du jour, réussit donc, par la ruse, à éviter l’homicide (ou devrait-on dire le «féminicide»…) du roi grâce à la curiosité de ce dernier, désireux de connaître la fin des contes. Au bout de mille et une nuits, il la gracie après qu’elle lui eut donné un fils (ou trois selon les versions).
Ce cadre emboîte tous les autres contes, de nuit en nuit. Mais Shâhriyâr et Dunyâzâd s’effacent rapidement au point que seul le nom de Shéhérazade est mentionné lors des changements de nuits. L’histoire de Shéhérazade, qui constitue le contexte narratif, permet ainsi de juxtaposer des contes qui n’ont aucun lien entre eux et qui ont grossi le contenu des Nuits de siècle en siècle. La particularité des Nuits repose dans le fait que ses contes sont sous une forme dite enchâssée ou en tiroir. En effet, le lecteur rencontre d’abord un narrateur qui relate le cadre liminaire, l’histoire de Shéhérazade. Celle-ci raconte ensuite au roi un conte, par exemple le Conte du tailleur, du bossu, du Juif, de l’Intendant et du Chrétien. Dans ce conte, où le bossu est au centre, elle raconte une à une les histoires du courtier chrétien, de l’intendant musulman, du médecin juif et du tailleur. Ce dernier raconte à son tour l’histoire d’un barbier. Le barbier, quant à lui, raconte celle de chacun de ses six frères. Cette méthode permet donc à Shéhérazade d’éterniser le récit et d’éloigner l’heure fatale. Cela ajoute aussi à la diversité de l’œuvre puisque chaque nouveau conte n’est pas nécessairement en lien avec le conte précédent et que même le genre du conte peut alors se modifier.
Source : Les Mille et Une Nuits : analyse des contes par Vincent Demers
Source : Orient XXI
Bonne journée.
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