Question d'origine :
Bonjour,
Pouvez-vous m'expliquer comment, alors que les photos de la ville montrent le degré d'anéantissement, les usines Ford, situées en périphérie immédiate n'eurent pas le moindre dommage ?
Comme élément complémentaire de questionnement, la très mauvaise réputation des équipages de la 8ème Air Force sur le plan de la précision dan les bombardements.
merci de vos informations
fox23
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 02/05/2015 à 12h28
Bonjour,
Une question sur les bombardements de Cologne nous a déjà été posée. La réponse vous donnera quelques pistes.
J.R. Pauwels dans Le mythe de la bonne guerre propose quelques éléments concernant les intérêts étrangers en Allemagne durant la seconde guerre mondiale :
Pour les managers et les propriétaires américains de GM et de Ford, peu importait qui était nommé dans leurs filiales en Allemagne, quels produits sortaient de leurs chaines de montage, et si les activités de leurs filiales allemandes contribuaient à faire durer la guerre. Ce qui comptait pour eux-mêmes et pour leurs actionnaires, en dernière analyse, ce n’était que les profits. Trop peu de gens savent que les filiales allemandes des grandes entreprises américaines réalisèrent de plantureux bénéfices durant la guerre, et que ceux-ci ne furent pas empochés par les nazis. […] Il est probable qu’une partie des profits réalisés dans le IIIe Reich fut transférée aux États-Unis, via la Suisse neutre, par exemple, où beaucoup d’entreprises américaines maintinrent des bureaux. Ces bureaux servirent d’intermédiaires entre les sièges aux États-Unis et les filiales en pays occupés ou neutres, et furent impliqués dans « l’écoulement des profits ». Pour le rapatriement des profits, les entreprises purent également compter sur les services expérimentés des branches parisiennes de certaines banques américaines telles que la Chase Manhattan et J.P. Morgan, ainsi que sur des banques suisses.
Cette analyse est également abordée par Annie Lacroix-Ruiz dans Industriels et banquiers sous l’Occupation, dont voici quelques extraits :
"[...] les travailleurs forcés français dans le Reich “signalaient que les bombardements alliés touchaient surtout les villes et la population civile et laissaient intactes les banlieues industrielles”. Cette “inquiétante efficacité” ulcéra la population française elle-même victime et témoin du fréquent contraste entre quartiers ouvriers en ruines et usines sauves. Elle souleva contre les Américains des torrents d’“indignation”, de “fureur” et de “haine” qui inquiétait les gaullistes dans les moins précédant le débarquement du 6 juin 1944. [...] Des sans grade devinaient pourquoi l’usine Winterhall d’Eifenach (près de Cassel), qui “passe pour marcher avec des capitaux allemands, anglais et américains”, n’avait pas été bombardée ; pourquoi “les usines Krupp n’ont presque pas été touchées”. Ici [à Dantzig] c’est d’ailleurs pareil, ils doivent avoir des actions ; pourquoi “les usines Ford de Cologne n’ont jamais été touchées par les bombardements”, etc. [...] “dans certaines parties de l’opinion ouvrière qui a été durement frappée par les raids”, on estime “que les capitalistes anglo-saxons ne sont pas mécontents d’éliminer les concurrents commerciaux et en même temps de décimer la classe ouvrière et de la plonger dans un état de détresse et de misère, qui lui rendra plus difficile après la guerre la présentation de ses revendications”. Les ouvriers ne sont pas seul “à se demande[r] si ces raids mis sur le compte des nécessités militaires ne visent pas à une destruction de l’industrie française à l’avantage des exportateurs américains” : ingénieurs et contremaîtres posaient la même question, comme “bien des gens”, qui n’étaient pas “magnats de l’industrie”. “Les Anglo-Saxons” ne bombardent que les “usines de transformation”, alors que la frappe des hauts-fourneaux (dont aucun n’avait été touché) les paralyserait toutes en les privant de manière première : ils “agissent comme s’il craignaient de voir finir la guerre trop vite”. En particulier, le bombardement de septembre 1943 des usines Renault, qui certes travaillent pour les Allemands mais pas plus que les autres, “fait admettre” l’objectif américain, “à la faveur d’une guerre qui n’est en somme que d’ordre économique, (...) d’éliminer un sérieux concurrent pour l’après-guerre sur les marchés européens”. Taittinger résuma la situation le 28 mars 1944 devant le conseil municipal de Paris : “les bombardements ne touchent pratiquement en rien les possibilités allemandes”.
Le rôle de Ford en tant que "fournisseur du IIIe Reich" a fait l’objet de procès dans les années 90 comme l’indique cet article de Libération.
Les bombardements alliés de villes allemandes ont été largement décrits dans plusieurs publications, mais en donnant des renseignements purement militaires plutôt que politiques.
- Bombarder l’Allemagne / Pierre Etienne Bourneuf (nombreux renvois pour Cologne dans l’index) :
Le bombardement de Cologne, dans la nuit du 30 au 31 mais 1942, signala le franchissement d’un nouveau palier dans l’offensive aérienne contre l’Allemagne. Déterminé à frapper un coup retentisant, Harris décida de lancer un raid composé de 1000 bombardiers. […] le double objectif était de prouver l’efficacité de l’offensive aérienne pour renforcer la position du Bomber Command en Grande-Bretagne, et d’ébranler la confiance allemande en démontrant la puissance aérienne britannique.
Concernant les objectifs visés, les archives sont claires " the center and residential areas of the town with the aim primarily of attacking the morale of the population and industrial workers rather than the industrial plants where they work”
Face à la lenteur du déploiement de l’USAAF, les britanniques montrèrent de plus en plus de signes d’impatience. Des doutes sur la capacité de l’aviation américaine à pénétrer les défenses allemandes de jour commencèrent à circuler avec insistance. Après tout, des B-17 avaient déjà effectué des missions de jour avec des équipages de la RAF en 1941. L’expérience avait été tellement décevante que les avions avaient été transférés au Moyen Orient (Les B-17 en dotation à la RAF laissaient des trainées de condensation qui les rendaient facilement détectables et le viseur Sperry dont ils étaient équipés n’était pas fiable au-dessus de 20.000 pieds).
- Dans Foudres et dévastation, Randall Hansen décrit le bombardement sur Cologne le 30 mai (p.75 à 79) : Ce soir leurs bombes ne viseront ni les bateaux ni les usines. L’épicentre se situe en plein cœur du Cologne résidentiel et culturel…
Une question sur les bombardements de Cologne nous a déjà été posée. La réponse vous donnera quelques pistes.
J.R. Pauwels dans Le mythe de la bonne guerre propose quelques éléments concernant les intérêts étrangers en Allemagne durant la seconde guerre mondiale :
Pour les managers et les propriétaires américains de GM et de Ford, peu importait qui était nommé dans leurs filiales en Allemagne, quels produits sortaient de leurs chaines de montage, et si les activités de leurs filiales allemandes contribuaient à faire durer la guerre. Ce qui comptait pour eux-mêmes et pour leurs actionnaires, en dernière analyse, ce n’était que les profits. Trop peu de gens savent que les filiales allemandes des grandes entreprises américaines réalisèrent de plantureux bénéfices durant la guerre, et que ceux-ci ne furent pas empochés par les nazis. […] Il est probable qu’une partie des profits réalisés dans le IIIe Reich fut transférée aux États-Unis, via la Suisse neutre, par exemple, où beaucoup d’entreprises américaines maintinrent des bureaux. Ces bureaux servirent d’intermédiaires entre les sièges aux États-Unis et les filiales en pays occupés ou neutres, et furent impliqués dans « l’écoulement des profits ». Pour le rapatriement des profits, les entreprises purent également compter sur les services expérimentés des branches parisiennes de certaines banques américaines telles que la Chase Manhattan et J.P. Morgan, ainsi que sur des banques suisses.
Cette analyse est également abordée par Annie Lacroix-Ruiz dans Industriels et banquiers sous l’Occupation, dont voici quelques extraits :
"[...] les travailleurs forcés français dans le Reich “signalaient que les bombardements alliés touchaient surtout les villes et la population civile et laissaient intactes les banlieues industrielles”. Cette “inquiétante efficacité” ulcéra la population française elle-même victime et témoin du fréquent contraste entre quartiers ouvriers en ruines et usines sauves. Elle souleva contre les Américains des torrents d’“indignation”, de “fureur” et de “haine” qui inquiétait les gaullistes dans les moins précédant le débarquement du 6 juin 1944. [...] Des sans grade devinaient pourquoi l’usine Winterhall d’Eifenach (près de Cassel), qui “passe pour marcher avec des capitaux allemands, anglais et américains”, n’avait pas été bombardée ; pourquoi “les usines Krupp n’ont presque pas été touchées”. Ici [à Dantzig] c’est d’ailleurs pareil, ils doivent avoir des actions ; pourquoi “les usines Ford de Cologne n’ont jamais été touchées par les bombardements”, etc. [...] “dans certaines parties de l’opinion ouvrière qui a été durement frappée par les raids”, on estime “que les capitalistes anglo-saxons ne sont pas mécontents d’éliminer les concurrents commerciaux et en même temps de décimer la classe ouvrière et de la plonger dans un état de détresse et de misère, qui lui rendra plus difficile après la guerre la présentation de ses revendications”. Les ouvriers ne sont pas seul “à se demande[r] si ces raids mis sur le compte des nécessités militaires ne visent pas à une destruction de l’industrie française à l’avantage des exportateurs américains” : ingénieurs et contremaîtres posaient la même question, comme “bien des gens”, qui n’étaient pas “magnats de l’industrie”. “Les Anglo-Saxons” ne bombardent que les “usines de transformation”, alors que la frappe des hauts-fourneaux (dont aucun n’avait été touché) les paralyserait toutes en les privant de manière première : ils “agissent comme s’il craignaient de voir finir la guerre trop vite”. En particulier, le bombardement de septembre 1943 des usines Renault, qui certes travaillent pour les Allemands mais pas plus que les autres, “fait admettre” l’objectif américain, “à la faveur d’une guerre qui n’est en somme que d’ordre économique, (...) d’éliminer un sérieux concurrent pour l’après-guerre sur les marchés européens”. Taittinger résuma la situation le 28 mars 1944 devant le conseil municipal de Paris : “les bombardements ne touchent pratiquement en rien les possibilités allemandes”.
Le rôle de Ford en tant que "fournisseur du IIIe Reich" a fait l’objet de procès dans les années 90 comme l’indique cet article de Libération.
Les bombardements alliés de villes allemandes ont été largement décrits dans plusieurs publications, mais en donnant des renseignements purement militaires plutôt que politiques.
- Bombarder l’Allemagne / Pierre Etienne Bourneuf (nombreux renvois pour Cologne dans l’index) :
Le bombardement de Cologne, dans la nuit du 30 au 31 mais 1942, signala le franchissement d’un nouveau palier dans l’offensive aérienne contre l’Allemagne. Déterminé à frapper un coup retentisant, Harris décida de lancer un raid composé de 1000 bombardiers. […] le double objectif était de prouver l’efficacité de l’offensive aérienne pour renforcer la position du Bomber Command en Grande-Bretagne, et d’ébranler la confiance allemande en démontrant la puissance aérienne britannique.
Concernant les objectifs visés, les archives sont claires " the center and residential areas of the town with the aim primarily of attacking the morale of the population and industrial workers rather than the industrial plants where they work”
Face à la lenteur du déploiement de l’USAAF, les britanniques montrèrent de plus en plus de signes d’impatience. Des doutes sur la capacité de l’aviation américaine à pénétrer les défenses allemandes de jour commencèrent à circuler avec insistance. Après tout, des B-17 avaient déjà effectué des missions de jour avec des équipages de la RAF en 1941. L’expérience avait été tellement décevante que les avions avaient été transférés au Moyen Orient (Les B-17 en dotation à la RAF laissaient des trainées de condensation qui les rendaient facilement détectables et le viseur Sperry dont ils étaient équipés n’était pas fiable au-dessus de 20.000 pieds).
- Dans Foudres et dévastation, Randall Hansen décrit le bombardement sur Cologne le 30 mai (p.75 à 79) : Ce soir leurs bombes ne viseront ni les bateaux ni les usines. L’épicentre se situe en plein cœur du Cologne résidentiel et culturel…
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