Conditions de traduction des best sellers en France
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 10/02/2015 à 18h27
590 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je m'intéresse aux conditions de traduction des best-sellers (type J.K. Rowling ou Dan Brown) en France. Comment le traducteur est - il choisi ? Comment est-ce rémunéré (proportionnellement ou forfaitairement) ? Qu'engendre la peur des fuites des éditeurs sur les conditions de travail des traducteurs ? Cela apporte t il de la reconnaissance en tant que traducteur ou cela cantonne - t -il celui ci au domaine des best - sellers ?
En fait, je recherche des témoignages d'éditeur ou de traducteur sur ce sujet, qu'il s'agisse d'articles de presse ou d'interviews. Auriez vous des pistes ?
Merci beaucoup de votre aide,
Cordialement.
A. L.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 12/02/2015 à 10h49
Bonjour,
On trouve quelques informations sur les conditions d’exercice du métier de traducteur littéraire sur lesmetiers.net :
Le traducteur indépendant facture généralement ses services au mot : entre 8 et 12 centimes d'euros, selon la rareté de la langue. Mais il peut aussi être payé au feuillet ou à la journée. Le coût du feuillet de 1 500 signes se situe dans une fourchette minimum de 20 euros (texte littéraire chez un éditeur) à 35 euros (la page de 250 mots pour un document technique). Les tarifs sont aussi calculés en fonction des délais, de la technicité du document original.
[…]
Les maisons d'édition, ainsi que les sociétés de production audiovisuelles, font également appel à des traducteurs, le plus souvent indépendants.
[…]
Le traducteur littéraire travaille principalement dans le secteur de l'édition. Il signe un contrat avec un éditeur et s'engage à traduire un ouvrage destiné à être publié. Son travail de traduction peut tout aussi bien concerner un roman ayant connu un immense succès dans son pays qu'un simple guide pratique.
Peu de traducteurs littéraires vivent pleinement de leur activité. Beaucoup d'entre eux exercent une autre profession telle que professeur, journaliste, ou écrivain. Néanmoins, le traducteur d'un auteur étranger à succès, dont le travail a été apprécié, est très souvent redemandé pour les adaptations françaises suivantes de cet auteur. Les grands écrivains ont ainsi leurs traducteurs attitrés.
[…]
Les maisons d'édition et les agences de presse font travailler des traducteurs littéraires. A peine 700 traducteurs littéraires ont cette activité comme source de revenus principale.
A noter : considéré comme un auteur (son nom figure sur l'ouvrage publié), le traducteur littéraire perçoit, en plus de sa rémunération de base, des droits d'auteur sur la vente des ouvrages traduits.
source : lesmetiers.net
Pour approfondir, nous vous conseillons la lecture du Guide de la traduction littéraire, et du rapport de Pierre Assouline sur la condition du traducteur, dans lequel vous trouverez notamment plusieurs témoignages de traducteurs, qui vous donneront une vision plus concrète des réalités souvent difficiles de ce métier :
Paroles de traducteurs
Sylvie Cohen a traduit La Meilleure façon de grandir du romancier israélien Meir Shalev, paru en 2004, mais dit avoir renoncé à traduire les suivants en raison de « problèmes » avec les Editions des Deux Terres. Elle demandait 23 à 24 euros le feuillet de 1500 signes.
« On peut vivre de traductions littéraires de l’anglais, pas de l’hébreu ou du suédois qui sont des niches : c’est plus long car ce sont des mondes culturels qui n’ont rien à voir. Il y a parmi nous des professeurs, des journalistes, des retraités qui cassent les prix car pour eux la traduction n’est qu’un plus. Cette différence se ressent bien entre les deux catégories : ceux dont c’est le métier et ceux dont c’est l’un des métiers.
Hélène Henry estime quant à elle qu’en slavistique, on ne peut vivre de la traduction :
« Nous sommes trop nombreux pour que ce soit envisageable. La plupart sont enseignants ou… guides sur les bateaux de la Volga. »
Afin de rendre sa situation moins angoissante, un traducteur doit attendre en moyenne une bonne dizaine d’années avant de pouvoir compter sur quatre commandes par an. L’angliciste Bernard Hoepffner estime que, pour vivre correctement de ce métier, il faut publier six ou sept ouvrages chaque année. Pour traduire, en 2008, chez Tristam Les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain, il a noirci trente feuillets par jour à 23 euros le feuillet. Lui qui prépare un Portrait du traducteur en escroc à paraître chez Verdier, avoue toujours travailler sur six livres à la fois, un le matin, un l’après-midi, comme en témoigne la consultation de l’onglet Work in progress sur son site personnel.
Christophe Claro juge plus pertinent de parler du nombre de feuillets qu’il abat que du nombre de livres qu’il traduit chaque année : de 2000 à 3000 feuillets par an depuis cinq ans.
Jean-Yves Masson, pour sa part, s’est consacré exclusivement à la traduction pendant huit ans à partir de l’anglais, de l’italien, de l’allemand, travaillant alternativement sur des livres de cuisine sarde et sur les Elégies de Duino, avant de retourner à l’Université passer sa thèse car il ne parvenait pas à vivre de sa plume de traducteur. Depuis, parallèlement à cette activité, pour un à deux livres par an, il est professeur de littérature comparée à la Sorbonne, écrivain, poète et éditeur. Ce qui l’a décidé à effectuer ce retour ?
« Le coup de grâce, ce fut la fin de l’abattement sur les droits d’auteurs. Je n’allais tout de même pas apporter des notes de frais à mon éditeur ! Ni aller chez Verdier pour téléphoner en Italie ! »
Beaucoup se sont découragés. Alexandra Lefebvre, qui a traduit six livres pour la collection Harlequin avant de se voir proposer Nathaniel Hawthorne, Terri Jentz, Sheila Payne, dit avoir renoncé quand elle a constaté qu’elle traduisait en moyenne 1000 feuillets par an.
« Ce n’était pas viable. Cela devenait un luxe. Sauf héritage, conjoint ou métier à côté, c’est impraticable. »
Disposer d’un autre métier crée en effet une différence. Les attentes ou les revendications alors varient. L’angliciste Françoise du Sorbier, qui a traduit D.H. Lawrence, Charles Dickens, Anthony Trollope et Elisabeth Gaskell, ainsi que nombre de contemporains, enseigne à l’université Paris-VIII. Tout en se présentant comme « une traductrice heureuse », elle déplore que les éditeurs ne proposent pas aux professionnels qui le souhaitent d’être rétribués, en partie, sous forme de voyages et séjours sur les lieux du textes car rien ne vaut, selon elle, le fait de se pénétrer du contexte, qu’il s’agisse des mœurs, des mentalités et de la langue. Elle aurait ainsi aimé se rendre en Louisiane avant de traduire Maîtresse, le roman de Valérie Martin sur la fin de l’esclavagisme, paru en 2004 chez Albin Michel ; ou au Nouveau-Brunswick pour mieux comprendre les nouvelles d’Alistair MacLeod assemblées dans Chien d’hiver, publiées en 2006 aux Editions de l’Olivier.
Les cas d’espèce sont encore plus litigieux, dès que l’on sort de l’édition de grand marché ou des nouveautés. Pour ce qui est de la traduction des classiques, Françoise du Sorbier regrette également qu’elle ne soit pas mieux payée que celle des modernes « alors que cela prend trois fois plus de temps ». De même, lorsqu’ils sont sollicités pour corriger une ancienne traduction dans le cadre d’une réimpression, les traducteurs ne sont pas rétribués au feuillet mais au pourcentage sur le nombre de pages où ils interviennent. Ce qui a été le cas, par exemple, de Claude David sur la version Vialatte de Kafka ou de Jean-Pierre Bernès sur la version Caillois de Borges dans la Pléiade.
Sur le blog Du bout des lettres, on peut lire une interview en deux parties de Corinne Altan, traductrice d’Haruki Murakami : « La traduction littéraire, avant d’être un métier, c’est une passion » Entretien avec Corinne Atlan partie 1 et partie 2.
Quelques autres témoignages de traducteurs :
- Entretien avec Nathalie Serval, littexpress.over-blog.net
- Interview de Sara Doke, EmOtions, blog littéraire et musical
- Rose-Marie Vassallo et Josette Chicheportiche, traductrices de livres jeunesse, lamareauxmots.com
- Cécile Nelson, oocities.org
- L’expérience d’une traductrice de polars, oocities.org
- L’interview du freelance: Armalite, traductrice d’édition, mavoisinemillionnaire.com
- Le clavier cannibale, blog de Christophe Claro
Pour aller plus loin :
Site de l’Association des traducteurs littéraires de France
Bonne journée.
On trouve quelques informations sur les conditions d’exercice du métier de traducteur littéraire sur lesmetiers.net :
Le traducteur indépendant facture généralement ses services au mot : entre 8 et 12 centimes d'euros, selon la rareté de la langue. Mais il peut aussi être payé au feuillet ou à la journée. Le coût du feuillet de 1 500 signes se situe dans une fourchette minimum de 20 euros (texte littéraire chez un éditeur) à 35 euros (la page de 250 mots pour un document technique). Les tarifs sont aussi calculés en fonction des délais, de la technicité du document original.
[…]
Les maisons d'édition, ainsi que les sociétés de production audiovisuelles, font également appel à des traducteurs, le plus souvent indépendants.
[…]
Le traducteur littéraire travaille principalement dans le secteur de l'édition. Il signe un contrat avec un éditeur et s'engage à traduire un ouvrage destiné à être publié. Son travail de traduction peut tout aussi bien concerner un roman ayant connu un immense succès dans son pays qu'un simple guide pratique.
Peu de traducteurs littéraires vivent pleinement de leur activité. Beaucoup d'entre eux exercent une autre profession telle que professeur, journaliste, ou écrivain. Néanmoins, le traducteur d'un auteur étranger à succès, dont le travail a été apprécié, est très souvent redemandé pour les adaptations françaises suivantes de cet auteur. Les grands écrivains ont ainsi leurs traducteurs attitrés.
[…]
Les maisons d'édition et les agences de presse font travailler des traducteurs littéraires. A peine 700 traducteurs littéraires ont cette activité comme source de revenus principale.
A noter : considéré comme un auteur (son nom figure sur l'ouvrage publié), le traducteur littéraire perçoit, en plus de sa rémunération de base, des droits d'auteur sur la vente des ouvrages traduits.
source : lesmetiers.net
Pour approfondir, nous vous conseillons la lecture du Guide de la traduction littéraire, et du rapport de Pierre Assouline sur la condition du traducteur, dans lequel vous trouverez notamment plusieurs témoignages de traducteurs, qui vous donneront une vision plus concrète des réalités souvent difficiles de ce métier :
Sylvie Cohen a traduit La Meilleure façon de grandir du romancier israélien Meir Shalev, paru en 2004, mais dit avoir renoncé à traduire les suivants en raison de « problèmes » avec les Editions des Deux Terres. Elle demandait 23 à 24 euros le feuillet de 1500 signes.
« On peut vivre de traductions littéraires de l’anglais, pas de l’hébreu ou du suédois qui sont des niches : c’est plus long car ce sont des mondes culturels qui n’ont rien à voir. Il y a parmi nous des professeurs, des journalistes, des retraités qui cassent les prix car pour eux la traduction n’est qu’un plus. Cette différence se ressent bien entre les deux catégories : ceux dont c’est le métier et ceux dont c’est l’un des métiers.
Hélène Henry estime quant à elle qu’en slavistique, on ne peut vivre de la traduction :
« Nous sommes trop nombreux pour que ce soit envisageable. La plupart sont enseignants ou… guides sur les bateaux de la Volga. »
Afin de rendre sa situation moins angoissante, un traducteur doit attendre en moyenne une bonne dizaine d’années avant de pouvoir compter sur quatre commandes par an. L’angliciste Bernard Hoepffner estime que, pour vivre correctement de ce métier, il faut publier six ou sept ouvrages chaque année. Pour traduire, en 2008, chez Tristam Les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain, il a noirci trente feuillets par jour à 23 euros le feuillet. Lui qui prépare un Portrait du traducteur en escroc à paraître chez Verdier, avoue toujours travailler sur six livres à la fois, un le matin, un l’après-midi, comme en témoigne la consultation de l’onglet Work in progress sur son site personnel.
Christophe Claro juge plus pertinent de parler du nombre de feuillets qu’il abat que du nombre de livres qu’il traduit chaque année : de 2000 à 3000 feuillets par an depuis cinq ans.
Jean-Yves Masson, pour sa part, s’est consacré exclusivement à la traduction pendant huit ans à partir de l’anglais, de l’italien, de l’allemand, travaillant alternativement sur des livres de cuisine sarde et sur les Elégies de Duino, avant de retourner à l’Université passer sa thèse car il ne parvenait pas à vivre de sa plume de traducteur. Depuis, parallèlement à cette activité, pour un à deux livres par an, il est professeur de littérature comparée à la Sorbonne, écrivain, poète et éditeur. Ce qui l’a décidé à effectuer ce retour ?
« Le coup de grâce, ce fut la fin de l’abattement sur les droits d’auteurs. Je n’allais tout de même pas apporter des notes de frais à mon éditeur ! Ni aller chez Verdier pour téléphoner en Italie ! »
Beaucoup se sont découragés. Alexandra Lefebvre, qui a traduit six livres pour la collection Harlequin avant de se voir proposer Nathaniel Hawthorne, Terri Jentz, Sheila Payne, dit avoir renoncé quand elle a constaté qu’elle traduisait en moyenne 1000 feuillets par an.
« Ce n’était pas viable. Cela devenait un luxe. Sauf héritage, conjoint ou métier à côté, c’est impraticable. »
Disposer d’un autre métier crée en effet une différence. Les attentes ou les revendications alors varient. L’angliciste Françoise du Sorbier, qui a traduit D.H. Lawrence, Charles Dickens, Anthony Trollope et Elisabeth Gaskell, ainsi que nombre de contemporains, enseigne à l’université Paris-VIII. Tout en se présentant comme « une traductrice heureuse », elle déplore que les éditeurs ne proposent pas aux professionnels qui le souhaitent d’être rétribués, en partie, sous forme de voyages et séjours sur les lieux du textes car rien ne vaut, selon elle, le fait de se pénétrer du contexte, qu’il s’agisse des mœurs, des mentalités et de la langue. Elle aurait ainsi aimé se rendre en Louisiane avant de traduire Maîtresse, le roman de Valérie Martin sur la fin de l’esclavagisme, paru en 2004 chez Albin Michel ; ou au Nouveau-Brunswick pour mieux comprendre les nouvelles d’Alistair MacLeod assemblées dans Chien d’hiver, publiées en 2006 aux Editions de l’Olivier.
Les cas d’espèce sont encore plus litigieux, dès que l’on sort de l’édition de grand marché ou des nouveautés. Pour ce qui est de la traduction des classiques, Françoise du Sorbier regrette également qu’elle ne soit pas mieux payée que celle des modernes « alors que cela prend trois fois plus de temps ». De même, lorsqu’ils sont sollicités pour corriger une ancienne traduction dans le cadre d’une réimpression, les traducteurs ne sont pas rétribués au feuillet mais au pourcentage sur le nombre de pages où ils interviennent. Ce qui a été le cas, par exemple, de Claude David sur la version Vialatte de Kafka ou de Jean-Pierre Bernès sur la version Caillois de Borges dans la Pléiade.
Sur le blog Du bout des lettres, on peut lire une interview en deux parties de Corinne Altan, traductrice d’Haruki Murakami : « La traduction littéraire, avant d’être un métier, c’est une passion » Entretien avec Corinne Atlan partie 1 et partie 2.
Quelques autres témoignages de traducteurs :
- Entretien avec Nathalie Serval, littexpress.over-blog.net
- Interview de Sara Doke, EmOtions, blog littéraire et musical
- Rose-Marie Vassallo et Josette Chicheportiche, traductrices de livres jeunesse, lamareauxmots.com
- Cécile Nelson, oocities.org
- L’expérience d’une traductrice de polars, oocities.org
- L’interview du freelance: Armalite, traductrice d’édition, mavoisinemillionnaire.com
- Le clavier cannibale, blog de Christophe Claro
Site de l’Association des traducteurs littéraires de France
Bonne journée.
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