Question d'origine :
Pourquoi les hommes ne comprennent rien aux femmes ? Pourquoi dit-on toujours " l'homme propose, la femme dispose ". Sont-ce des clichés tenaces ? Il me semble cependant qu'ils ont leur part de vérité. Y'a-t-il des travaux sérieux sur le sujet ? Peut on dresser une histoire des rapports entre hommes et femmes ? Existe-t-il aujourd'hui, des sociétés humaines qui fonctionnent différemment à ce niveau ? Dernière question : la situation ( quelle qu'elle soit ) est elle en train de changer ?
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 22/01/2015 à 10h30
Bonjour,
Les clichés sur les différences, notamment psychologiques, entre les hommes et les femmes sont effectivement tenaces mais relèvent bien de préjugés :
Les différences psychologiques entre les sexes suscitent un intérêt considérable. On ne compte plus le nombre de publications, de reportages et de documents de tout type qui s’attardent à les décrire et tentent d’en expliquer l’origine. Cette abondance de documentation cache toutefois une réalité préoccupante : une large part de l’information diffusée tient davantage du préjugé, du parti pris idéologique et souvent même du sexisme le plus primaire que d’une démarche éclairée. On continue ainsi d’affirmer qu’en raison de leurs hormones ou du fonctionnement de leur cerveau, les femmes sont naturellement émotives, disposées à prendre soin des autres, mais peu douées pour les maths, les sciences ou l’exercice du pouvoir.
(Source : Cerveau, hormones et sexe : des différences en question / sous la direction de Louise Cossette)
Toutefois, il existe de nombreuses études sur ce sujet qui s’efforcent de démontrer ces « mythes ». De plus la Bibliothèque municipale de Lyon possède un fonds spécialisé dans les questions de genre et de sexualité : Le Point G, dans lequel vous trouverez un grand nombre d’ouvrages traitant de la problèmatique des rapports homme / femme.
Ainsi, l’ouvrage Cerveau, hormones et sexe : des différences en question se propose de nous donner une synthèse des connaissances actuelles et une réflexion sur la différenciation psychologique des sexes.
Dans le premier chapitre, Catherine Vidal tente de répondre à la question de savoir si le cerveau a un sexe :
Cerveau d’homme ou cerveau de femme ?
Que répondre aujourd’hui à la question : le cerveau a-t-il un sexe ? La réponse scientifique est oui et non (voir les ouvrages de Fausto-Sterling, 2000 ; Fine, 2010 ; Jordan-Young, 2010 ; Vidal et Benoit-Browaeys, 2005 ; Vidal, 2007).
Oui, parce que le cerveau contrôle les fonctions associées à la reproduction sexuée, qui sont évidemment différentes chez les femmes et chez les hommes. Dans les cerveaux féminins, on trouve des neurones qui s’activent chaque mois pour déclencher l’ovulation, ce qui n’est pas le cas chez les hommes. Mais concernant les fonctions cognitives (raisonnement, mémoire, attention, langage), la diversité est la règle, indépendamment du sexe.
Aptitudes cognitives et identité sexuée
[…] Il ressort de l’ensemble de ces travaux que les performances en mathématiques des filles et des garçons sont étroitement liées à l’environnement culturel, social et économique du pays. Plus le contexte politique est favorable à l’égalité femmes-hommes, plus les filles obtiennent de bons scores en mathématiques.
L’ouvrage Féminins / Masculins : sociologie du genre revient, dans son premier chapitre, sur la construction des identités masculines et féminines :
"On ne naît pas femme [ou homme], on le devient. "
L’idée d’une construction culturelle des identités de genre, de leur production comme résultat d’une socialisation est loin d’aller de soi. […]
L’argument selon lequel la nature déterminerait la culture est bien connu. Il est repris par tous ceux qui estiment que les différences biologiques entre hommes et femmes justifient des rôles sociaux distincts. Parce qu’il est fort et agressif, l’homme fait la guerre. La femme est, elle, faite pour des tâches demandant moins de force mais plus de patience, de précision, d’attention à autrui comme le maternage, la cuisine, la couture. La femme doit s’adonner à des activités plus simples, plus manuelles, car son cerveau est moins gros que celui de l’homme. « Il est [donc] permis de supposer que la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle », écrivait ainsi le médecin français Paul Broca, en 1861 (Vidal, 2008, p.76).
Ces raisonnements peuvent assez aisément être inversés et, comme le montre C. Vidal (2008), si les études scientifiques qu’ils mobilisent apparaissent peu crédibles, celles qui montrent combien la culture peut transformer la nature, le biologique, le physique, apparaissent au contraire très sérieuses. A titre d’exemple, aucune étude non contestée a pu prouver un lien véritable entre degré d’intelligence et taille du cerveau – celui d’Einstein, conservé après sa mort, étant notoirement sous la moyenne. La légitimité d’une affectation à chaque sexe de certaines tâches sous prétexte que la femme, dotée d’un cerveau plus petit, serait moins intelligente, paraît donc très limitée. […]
Pour aller plus loin :
• Pourquoi les hommes ne comprennent rien aux femmes … et récipooquement / Lubomir Lamy
• Moi Tarzan, toi Jane : critique de ma réhabilitation « scientifique » de la différence hommes / femmes / Irène Jonas
• Féminin, Masculin / Michèle Ferrand
• Masculin / Féminin I : la pensée de la différence / Françoise Héritier
• La fabrique de filles : comment se reproduisent les stéréotypes et les discriminations sexuelles / Laure Mistral
• Les sexes indifférents / sous la direction de Jacques André
• Sexe et genre : de la hiérarchie entre les sexes / coordonné par Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail et Hélène Rouch
• Féminin masculin : mythes et idéologies / sous la direction de Catherine Vidal
• L’invention du naturel : les sciences et la fabrication du féminin et du masculin / sous la direction de Delphine Gardey et Ilana Löwy
En ce qui concerne l’histoire des rapports entre les hommes et les femmes, les ouvrages suivants devraient vous permettre de répondre à cette question :
• De la différence des sexes : le genre en histoire / sous la direction de Michèle Riot-Sarcey
• Le sexe biologique : anthologie historique et critique : Femelles et Mâles ? Histoire naturelle des (deux) sexes. / Thierry Hoquet
• Le sexe biologique : anthologie historique et critique : Le Sexe : pourquoi et comment ? Origine, évolution, détermination / Thierry Hoquet
Pour finir, vous vous demandiez s’il existe des sociétés fonctionnant différemment de la nôtre quant aux rapports hommes / femmes. C’est du côté de l’anthropologie qu’il faut chercher la réponse :
En 1963, Margaret Mead (célèbre anthropologue culturaliste) publie son ouvrage Sex and Temperament in Three Primitive Societies (en français : Mœurs et sexualité en Océanie) dans lequel elle expose ses données anthropologiques sur trois sociétés de Nouvelle Guinée :
L'enquête fut menée entre 1931 et 1935 chez les Arapesh, les Mundugumor et les Chambuli, trois ethnies océaniennes qui offrent chacune un traitement distinct de la différenciation des sexes. Les Arapesh, qui vivent dans des montagnes peu propices à l'agriculture, élèvent des cochons et s'alimentent d'ignames et de taros. Dans cette société, malgré un environnement naturel peu favorable, règne une réelle solidarité entre hommes et femmes. La coopération est la règle ; l'autorité masculine n'est nullement valorisée. L'harmonie entre les sexes, symbolisée par le mariage, constitue l'idéal.
Alors que chez les Arapesh la douceur est la norme, les Mundugumor, tribu favorisée par d'excellentes conditions écologiques et une horticulture prospère, se complaisent dans des relations agressives, alimentées dès l'enfance par des frustrations successives ; le tempérament des adultes des deux sexes s'exprime dans la violence, la jalousie et la vengeance. Mais les rôles féminins et masculins ne se trouvent pas véritablement différenciés, comme c'est le cas chez les Chambuli. Cette tribu lagunaire, dont l'examen clôt l'enquête de Margaret Mead, réserve aux hommes et aux femmes deux univers bien distincts. Cérémonies et esthétique sont l'apanage des hommes : ceux-ci vivent une perpétuelle compétition pour obtenir la préséance sur la scène sociale. Les femmes ne connaissent pas ces relations difficiles et tendues qui sont propres aux maisons des hommes. Elles détiennent le pouvoir économique, assurant la subsistance de la société et maîtrisant la circulation monétaire. La domination masculine demeure formelle ; en fait, les rôles sont renversés : l'angoisse et l'inadaptation masculines contrastent avec le dynamisme et la sérénité des femmes.
À partir de ces analyses, Margaret Mead conclut que « les traits du caractère que nous qualifions de masculins ou de féminins sont, pour nombre d'entre eux, sinon en totalité, déterminés par le sexe d'une façon aussi superficielle que le sont les vêtements, les manières et la coiffure qu'une époque assigne à l'un ou l'autre sexe » (Sex and Temperament, 1935). Ainsi la personnalité est-elle moins fonction du sexe que d'un système de rôles imposé par le modèle culturel en vigueur dans une société donnée.
(Source : Culturalisme / Encyclopaedia Universalis)
Bonne lecture
Les clichés sur les différences, notamment psychologiques, entre les hommes et les femmes sont effectivement tenaces mais relèvent bien de préjugés :
Les différences psychologiques entre les sexes suscitent un intérêt considérable. On ne compte plus le nombre de publications, de reportages et de documents de tout type qui s’attardent à les décrire et tentent d’en expliquer l’origine. Cette abondance de documentation cache toutefois une réalité préoccupante : une large part de l’information diffusée tient davantage du préjugé, du parti pris idéologique et souvent même du sexisme le plus primaire que d’une démarche éclairée. On continue ainsi d’affirmer qu’en raison de leurs hormones ou du fonctionnement de leur cerveau, les femmes sont naturellement émotives, disposées à prendre soin des autres, mais peu douées pour les maths, les sciences ou l’exercice du pouvoir.
(Source : Cerveau, hormones et sexe : des différences en question / sous la direction de Louise Cossette)
Toutefois, il existe de nombreuses études sur ce sujet qui s’efforcent de démontrer ces « mythes ». De plus la Bibliothèque municipale de Lyon possède un fonds spécialisé dans les questions de genre et de sexualité : Le Point G, dans lequel vous trouverez un grand nombre d’ouvrages traitant de la problèmatique des rapports homme / femme.
Ainsi, l’ouvrage Cerveau, hormones et sexe : des différences en question se propose de nous donner une synthèse des connaissances actuelles et une réflexion sur la différenciation psychologique des sexes.
Dans le premier chapitre, Catherine Vidal tente de répondre à la question de savoir si le cerveau a un sexe :
Que répondre aujourd’hui à la question : le cerveau a-t-il un sexe ? La réponse scientifique est oui et non (voir les ouvrages de Fausto-Sterling, 2000 ; Fine, 2010 ; Jordan-Young, 2010 ; Vidal et Benoit-Browaeys, 2005 ; Vidal, 2007).
Oui, parce que le cerveau contrôle les fonctions associées à la reproduction sexuée, qui sont évidemment différentes chez les femmes et chez les hommes. Dans les cerveaux féminins, on trouve des neurones qui s’activent chaque mois pour déclencher l’ovulation, ce qui n’est pas le cas chez les hommes. Mais concernant les fonctions cognitives (raisonnement, mémoire, attention, langage), la diversité est la règle, indépendamment du sexe.
[…] Il ressort de l’ensemble de ces travaux que les performances en mathématiques des filles et des garçons sont étroitement liées à l’environnement culturel, social et économique du pays. Plus le contexte politique est favorable à l’égalité femmes-hommes, plus les filles obtiennent de bons scores en mathématiques.
L’ouvrage Féminins / Masculins : sociologie du genre revient, dans son premier chapitre, sur la construction des identités masculines et féminines :
L’idée d’une construction culturelle des identités de genre, de leur production comme résultat d’une socialisation est loin d’aller de soi. […]
L’argument selon lequel la nature déterminerait la culture est bien connu. Il est repris par tous ceux qui estiment que les différences biologiques entre hommes et femmes justifient des rôles sociaux distincts. Parce qu’il est fort et agressif, l’homme fait la guerre. La femme est, elle, faite pour des tâches demandant moins de force mais plus de patience, de précision, d’attention à autrui comme le maternage, la cuisine, la couture. La femme doit s’adonner à des activités plus simples, plus manuelles, car son cerveau est moins gros que celui de l’homme. « Il est [donc] permis de supposer que la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle », écrivait ainsi le médecin français Paul Broca, en 1861 (Vidal, 2008, p.76).
Ces raisonnements peuvent assez aisément être inversés et, comme le montre C. Vidal (2008), si les études scientifiques qu’ils mobilisent apparaissent peu crédibles, celles qui montrent combien la culture peut transformer la nature, le biologique, le physique, apparaissent au contraire très sérieuses. A titre d’exemple, aucune étude non contestée a pu prouver un lien véritable entre degré d’intelligence et taille du cerveau – celui d’Einstein, conservé après sa mort, étant notoirement sous la moyenne. La légitimité d’une affectation à chaque sexe de certaines tâches sous prétexte que la femme, dotée d’un cerveau plus petit, serait moins intelligente, paraît donc très limitée. […]
• Pourquoi les hommes ne comprennent rien aux femmes … et récipooquement / Lubomir Lamy
• Moi Tarzan, toi Jane : critique de ma réhabilitation « scientifique » de la différence hommes / femmes / Irène Jonas
• Féminin, Masculin / Michèle Ferrand
• Masculin / Féminin I : la pensée de la différence / Françoise Héritier
• La fabrique de filles : comment se reproduisent les stéréotypes et les discriminations sexuelles / Laure Mistral
• Les sexes indifférents / sous la direction de Jacques André
• Sexe et genre : de la hiérarchie entre les sexes / coordonné par Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail et Hélène Rouch
• Féminin masculin : mythes et idéologies / sous la direction de Catherine Vidal
• L’invention du naturel : les sciences et la fabrication du féminin et du masculin / sous la direction de Delphine Gardey et Ilana Löwy
En ce qui concerne l’histoire des rapports entre les hommes et les femmes, les ouvrages suivants devraient vous permettre de répondre à cette question :
• De la différence des sexes : le genre en histoire / sous la direction de Michèle Riot-Sarcey
• Le sexe biologique : anthologie historique et critique : Femelles et Mâles ? Histoire naturelle des (deux) sexes. / Thierry Hoquet
• Le sexe biologique : anthologie historique et critique : Le Sexe : pourquoi et comment ? Origine, évolution, détermination / Thierry Hoquet
Pour finir, vous vous demandiez s’il existe des sociétés fonctionnant différemment de la nôtre quant aux rapports hommes / femmes. C’est du côté de l’anthropologie qu’il faut chercher la réponse :
En 1963, Margaret Mead (célèbre anthropologue culturaliste) publie son ouvrage Sex and Temperament in Three Primitive Societies (en français : Mœurs et sexualité en Océanie) dans lequel elle expose ses données anthropologiques sur trois sociétés de Nouvelle Guinée :
L'enquête fut menée entre 1931 et 1935 chez les Arapesh, les Mundugumor et les Chambuli, trois ethnies océaniennes qui offrent chacune un traitement distinct de la différenciation des sexes. Les Arapesh, qui vivent dans des montagnes peu propices à l'agriculture, élèvent des cochons et s'alimentent d'ignames et de taros.
Alors que chez les Arapesh la douceur est la norme, les Mundugumor, tribu favorisée par d'excellentes conditions écologiques et une horticulture prospère, se complaisent dans des relations agressives, alimentées dès l'enfance par des frustrations successives ;
À partir de ces analyses, Margaret Mead conclut que « les traits du caractère que nous qualifions de masculins ou de féminins sont, pour nombre d'entre eux, sinon en totalité, déterminés par le sexe d'une façon aussi superficielle que le sont les vêtements, les manières et la coiffure qu'une époque assigne à l'un ou l'autre sexe » (Sex and Temperament, 1935). Ainsi la personnalité est-elle moins fonction du sexe que d'un système de rôles imposé par le modèle culturel en vigueur dans une société donnée.
(Source : Culturalisme / Encyclopaedia Universalis)
Bonne lecture
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