Question d'origine :
Bonjour,
Je lis en ce moment la vie sexuelle de Catherine Millet, et je souhaiterais un peu plus d'informations sur l'accueil réservé au livre ainsi que sur sa part de fiction ?
Existe t-il d'autres livres du même genre ?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 27/11/2014 à 14h40
Bonjour,
La vie sexuelle de Catherine M. a été publié en 2001 par le Seuil, dans la collection Fictions et Cie :
« Bien connue dans les milieux de l'art, auteur d'essais et de monographies consacrées aux artistes d'aujourd'hui, l'auteur entreprend de raconter sa vie sexuelle d'une façon très audacieuse. »
Fortune critique
Une recherche dans la base Europresse pour l’année 2001 apporte une bonne moisson d’articles, trop importante pour les dépouiller tous, mais globalement louangeurs.
L’article de Thomas Clerc dans [i]Libération [/i] du 17 mai 2001 conteste d’abord le parallèle entre l’exposition de l’intimité dans ce livre et la téléréalité, parce que « Tout le monde a une vie mais tout le monde ne sait pas l'écrire » :
« Le livre de Catherine Millet n'est pas érotique, il est pornographique, c'est là sa force. La littérature érotique est le cache-sexe de son sujet […]. Au contraire, l'écriture de Catherine Millet, à la fois transparente et précise, est à bonne distance, frontale comme un film porno. Presque neutre, elle donne toute leur vérité aux scènes sexuelles et permet une mise à distance de soi qui sans relativiser l'engagement de la narratrice superpose le regard objectivant de la critique d'art. […] . Décrivant avec autant d'application une partouze qu'une toile de Martin Barré, Catherine Millet rappelle qu'écrire c'est aussi voir. »
Dans le même journal, Jean Baudrillard, le 29 mai, est moins enthousiaste sur le fait que « Toute notre réalité [soit] devenue expérimentale » :
« L'expérimental prend ainsi partout la place du réel et de l'imaginaire. Partout ce sont les protocoles de la science et de la vérification qui nous sont inoculés, et nous sommes en train de disséquer, en vivisection, sous le scalpel de la caméra, la dimension relationnelle et sociale, hors de tout langage et contexte symbolique. Catherine Millet aussi, c'est de l'expérimental ¬ autre genre de «vivi-sexion»: tout l'imaginaire de la sexualité est balayé, il ne reste qu'un protocole en forme de vérification illimité du fonctionnement sexuel, d'un mécanisme qui au fond n'a plus rien de sexuel. »
Parmi de nombreux autres articles du Monde, « Catherine Millet se raconte comme personne » et « La putain de l’art contemporain », représentent les deux versants de l’accueil critique. Josyane Savineau loue :
« Voici un livre excellent, très bien écrit et absolument sidérant. Jamais une femme n'avait pris la parole ainsi pour raconter sa vie sexuelle. Sans se cacher derrière un pseudonyme, sans manifester ni culpabilité ni prosélytisme ni goût de la provocation, sans développer une sorte de mystique du sexe, sans révéler des désirs troubles, de soumission ou de domination. »
Daniel Bougnous semble s’indigner :
« L'ouvrage que vient de publier Catherine Millet, La Vie sexuelle de Catherine M., est inconvenant à plusieurs titres et il fera plus durablement scandale que tant de manifestations d'art contemporain : vous - hypocrite lecteur - ne l'auriez pas écrit, vous ne l'auriez pas vécu. Qu'y lit-on en effet ? Une quête farouche du sexe pour le sexe, avec des mots exacts, dépouillés d'embarras autant que de fioritures; la publication par elle-même d'une femme mise sens dessus dessous dans toutes les positions, une femme que les sexes font jouir et qui trouve du plaisir encore à s'exposer dans cet assez long récit. »
Mais après des détour par l’art contemporain, du surréalisme à une sorte de d’Abject Art, il se rallie :
« Femme de propos délibéré, Catherine Millet réunit ce que le surréaliste oppose : elle relate sans trembler sa vie sexuelle, et nous fait partager son plaisir. Au-dessus des désordres de l'art et de nos passions brille ce livre d'une grâce miraculeuse, veilleuse du cœur intelligent. »
Le Figaro commente en septembre (le 10) le succès critique et commercial du livre : « La Vie sexuelle de Catherine M. a fait beaucoup de bien aux Éditions du Seuil : "C'est simple, reconnaît Claude Cherki, leur PDG : au premier semestre nous avons réalisé 22 % de croissance du chiffre d'affaires. Sans Catherine Millet, cette croissance aurait été de 11 %. C'est une très belle cerise sur le gâteau, mais cela ne fait pas le gâteau." Certes, mais les 266 000 exemplaires vendus à la date du 6 septembre représentent près de 10 % du chiffre d'affaires du Seuil au premier semestre. »
Anthony Palou avait « donné une petite fessée » critique à l’auteur en avril, dans un caricature globale de l’art contemporain :
« A Art Press, on aime bien les expositions sans tableau, la musique sérielle, la littérature illisible, le cinéma d'auteur sans acteurs, les vidéos répétitives, le mobilier bizarre. Et on aime, bien sûr, bien sûr, la pornographie. Car la pornographie est ici, comble du snobisme, considérée comme un des beaux-arts. Dès qu'un peintre, un sculpteur, ose l'impensable contre notre « société-du-spectacle », cette troupe d'anciens troufions pistonnés par la « bien-pensance » tombe dans le panneau. On organise des dossiers sur L'Origine du monde de Courbet, sur la période érotique de Picasso, les convulsions de Rubens. On voit en Manet un érotomane génial. En Rodin, le dieu de la cuisse légère. On aime aussi les urinoirs de Duchamp, les bidets, les pissotières, les trônes en tout genre, les porte-jarretelles et le sado-masochisme. L'art doit avant tout choquer le petit-bourgeois, et le petit-bourgeois, on le bouscule en écrivant, en montrant ce qu'il ne saurait voir, c'est-à-dire le sexe. L'art doit jouir et faire jouir. On se félicite du Con d'Irène d'Aragon, des jeux de mots de Lacan, du Bleu du ciel de Bataille, des déjections maniérées d'un Guyotat, des exercices physiques d'un Sade ou d'un obscur libertin du XVIIIe siècle. Catherine Millet, directrice de la rédaction de la revue Art Press (pas magazine, revue !, car elle en est maintenant), qui en a sans doute assez de traîner dans des musées qui ressemblent au sous-sol du BHV, passe à l'acte. A l'acte d'écrire ses actes sexuels névrotiquement compilés. » (Figaro, 12 avril 2001).
Libération se fait écho, par contre, d’une indignation sur les ondes, début mai :
« Partout, toute la semaine, l'indignation, à tout propos et mariant dans un vertige n'importe quoi. Une émission de télé (M6, puisqu'il faut l'appeler par son nom) et deux livres (de Catherine Millet et de Paul Aussaresses) firent trois objets dilatés et assimilés, chacun se nourrissant d'un drôle d'air du temps ¬ le sale air de la peur et de la contrition. »
« La vie sexuelle de Catherine M. essuya le premier feu exutoire. Le très beau récit de Catherine Millet, qui affirme hautement la plus spirituelle exigence de liberté («Je suis docile non par goût de la soumission (...), mais par indifférence, au fond, à l'usage qu'on fait des corps», page 203), a choqué bien plus que le très convenablement inconvenant Baise-moi de Virginie Despentes, dont La vie sexuelle... serait l'envers infiniment libertaire […] »
Part autobiographique
La question de la part autobiographique est complexe. Intitulé « récit », le texte ne se déclare pas comme une fiction, ce qu’indiquerait la mention « roman ». Le personnage s’appelle Catherine M., comme un pseudonyme transparent de Catherine Millet ; mais il ne s’appelle pas Catherine Millet.
Même s’il s’intitulait « récit autobiographique », la part de « mise en scène » propre à l’art et aux artifices de toute narration, serait indécidable. Les déclarations mêmes de l’auteur, prolongement de la mise en scène artistique, peuvent seulement indiquer si l’auteur souhaite que le lecteur pense que « tout est vrai ».
Catherine Millet n’est pas avare d’interviews, de la sortie de son livre aux colloques universitaires récents sur le désir… que vous trouverez sur internet ou, pour les enregistrements de l’INA (comme l’émission « Apostrophe » par exemple), dans les centres de consultation régionaux.
Bibliographie pornographique
Babélio, avec une recherche thématique croisant « roman » et « sexualité » apporte de nombreux résultats. Egalement en croisant « roman » et « pornographie », « autobiographie » et « pornographie ».
Cette page des Bibliothèques de Chateauroux « Plus fort que Cinquante nuances de Grey », vous aidera dans votre choix, parmi les anciens et les modernes.
Bonne soirée !
La vie sexuelle de Catherine M. a été publié en 2001 par le Seuil, dans la collection Fictions et Cie :
« Bien connue dans les milieux de l'art, auteur d'essais et de monographies consacrées aux artistes d'aujourd'hui, l'auteur entreprend de raconter sa vie sexuelle d'une façon très audacieuse. »
Une recherche dans la base Europresse pour l’année 2001 apporte une bonne moisson d’articles, trop importante pour les dépouiller tous, mais globalement louangeurs.
L’article de Thomas Clerc dans [i]Libération [/i] du 17 mai 2001 conteste d’abord le parallèle entre l’exposition de l’intimité dans ce livre et la téléréalité, parce que « Tout le monde a une vie mais tout le monde ne sait pas l'écrire » :
« Le livre de Catherine Millet n'est pas érotique, il est pornographique, c'est là sa force. La littérature érotique est le cache-sexe de son sujet […]. Au contraire, l'écriture de Catherine Millet, à la fois transparente et précise, est à bonne distance, frontale comme un film porno. Presque neutre, elle donne toute leur vérité aux scènes sexuelles et permet une mise à distance de soi qui sans relativiser l'engagement de la narratrice superpose le regard objectivant de la critique d'art. […] . Décrivant avec autant d'application une partouze qu'une toile de Martin Barré, Catherine Millet rappelle qu'écrire c'est aussi voir. »
Dans le même journal, Jean Baudrillard, le 29 mai, est moins enthousiaste sur le fait que « Toute notre réalité [soit] devenue expérimentale » :
« L'expérimental prend ainsi partout la place du réel et de l'imaginaire. Partout ce sont les protocoles de la science et de la vérification qui nous sont inoculés, et nous sommes en train de disséquer, en vivisection, sous le scalpel de la caméra, la dimension relationnelle et sociale, hors de tout langage et contexte symbolique. Catherine Millet aussi, c'est de l'expérimental ¬ autre genre de «vivi-sexion»: tout l'imaginaire de la sexualité est balayé, il ne reste qu'un protocole en forme de vérification illimité du fonctionnement sexuel, d'un mécanisme qui au fond n'a plus rien de sexuel. »
Parmi de nombreux autres articles du Monde, « Catherine Millet se raconte comme personne » et « La putain de l’art contemporain », représentent les deux versants de l’accueil critique. Josyane Savineau loue :
« Voici un livre excellent, très bien écrit et absolument sidérant. Jamais une femme n'avait pris la parole ainsi pour raconter sa vie sexuelle. Sans se cacher derrière un pseudonyme, sans manifester ni culpabilité ni prosélytisme ni goût de la provocation, sans développer une sorte de mystique du sexe, sans révéler des désirs troubles, de soumission ou de domination. »
Daniel Bougnous semble s’indigner :
« L'ouvrage que vient de publier Catherine Millet, La Vie sexuelle de Catherine M., est inconvenant à plusieurs titres et il fera plus durablement scandale que tant de manifestations d'art contemporain : vous - hypocrite lecteur - ne l'auriez pas écrit, vous ne l'auriez pas vécu. Qu'y lit-on en effet ? Une quête farouche du sexe pour le sexe, avec des mots exacts, dépouillés d'embarras autant que de fioritures; la publication par elle-même d'une femme mise sens dessus dessous dans toutes les positions, une femme que les sexes font jouir et qui trouve du plaisir encore à s'exposer dans cet assez long récit. »
Mais après des détour par l’art contemporain, du surréalisme à une sorte de d’Abject Art, il se rallie :
« Femme de propos délibéré, Catherine Millet réunit ce que le surréaliste oppose : elle relate sans trembler sa vie sexuelle, et nous fait partager son plaisir. Au-dessus des désordres de l'art et de nos passions brille ce livre d'une grâce miraculeuse, veilleuse du cœur intelligent. »
Le Figaro commente en septembre (le 10) le succès critique et commercial du livre : « La Vie sexuelle de Catherine M. a fait beaucoup de bien aux Éditions du Seuil : "C'est simple, reconnaît Claude Cherki, leur PDG : au premier semestre nous avons réalisé 22 % de croissance du chiffre d'affaires. Sans Catherine Millet, cette croissance aurait été de 11 %. C'est une très belle cerise sur le gâteau, mais cela ne fait pas le gâteau." Certes, mais les 266 000 exemplaires vendus à la date du 6 septembre représentent près de 10 % du chiffre d'affaires du Seuil au premier semestre. »
Anthony Palou avait « donné une petite fessée » critique à l’auteur en avril, dans un caricature globale de l’art contemporain :
« A Art Press, on aime bien les expositions sans tableau, la musique sérielle, la littérature illisible, le cinéma d'auteur sans acteurs, les vidéos répétitives, le mobilier bizarre. Et on aime, bien sûr, bien sûr, la pornographie. Car la pornographie est ici, comble du snobisme, considérée comme un des beaux-arts. Dès qu'un peintre, un sculpteur, ose l'impensable contre notre « société-du-spectacle », cette troupe d'anciens troufions pistonnés par la « bien-pensance » tombe dans le panneau. On organise des dossiers sur L'Origine du monde de Courbet, sur la période érotique de Picasso, les convulsions de Rubens. On voit en Manet un érotomane génial. En Rodin, le dieu de la cuisse légère. On aime aussi les urinoirs de Duchamp, les bidets, les pissotières, les trônes en tout genre, les porte-jarretelles et le sado-masochisme. L'art doit avant tout choquer le petit-bourgeois, et le petit-bourgeois, on le bouscule en écrivant, en montrant ce qu'il ne saurait voir, c'est-à-dire le sexe. L'art doit jouir et faire jouir. On se félicite du Con d'Irène d'Aragon, des jeux de mots de Lacan, du Bleu du ciel de Bataille, des déjections maniérées d'un Guyotat, des exercices physiques d'un Sade ou d'un obscur libertin du XVIIIe siècle. Catherine Millet, directrice de la rédaction de la revue Art Press (pas magazine, revue !, car elle en est maintenant), qui en a sans doute assez de traîner dans des musées qui ressemblent au sous-sol du BHV, passe à l'acte. A l'acte d'écrire ses actes sexuels névrotiquement compilés. » (Figaro, 12 avril 2001).
Libération se fait écho, par contre, d’une indignation sur les ondes, début mai :
« Partout, toute la semaine, l'indignation, à tout propos et mariant dans un vertige n'importe quoi. Une émission de télé (M6, puisqu'il faut l'appeler par son nom) et deux livres (de Catherine Millet et de Paul Aussaresses) firent trois objets dilatés et assimilés, chacun se nourrissant d'un drôle d'air du temps ¬ le sale air de la peur et de la contrition. »
« La vie sexuelle de Catherine M. essuya le premier feu exutoire. Le très beau récit de Catherine Millet, qui affirme hautement la plus spirituelle exigence de liberté («Je suis docile non par goût de la soumission (...), mais par indifférence, au fond, à l'usage qu'on fait des corps», page 203), a choqué bien plus que le très convenablement inconvenant Baise-moi de Virginie Despentes, dont La vie sexuelle... serait l'envers infiniment libertaire […] »
La question de la part autobiographique est complexe. Intitulé « récit », le texte ne se déclare pas comme une fiction, ce qu’indiquerait la mention « roman ». Le personnage s’appelle Catherine M., comme un pseudonyme transparent de Catherine Millet ; mais il ne s’appelle pas Catherine Millet.
Même s’il s’intitulait « récit autobiographique », la part de « mise en scène » propre à l’art et aux artifices de toute narration, serait indécidable. Les déclarations mêmes de l’auteur, prolongement de la mise en scène artistique, peuvent seulement indiquer si l’auteur souhaite que le lecteur pense que « tout est vrai ».
Catherine Millet n’est pas avare d’interviews, de la sortie de son livre aux colloques universitaires récents sur le désir… que vous trouverez sur internet ou, pour les enregistrements de l’INA (comme l’émission « Apostrophe » par exemple), dans les centres de consultation régionaux.
Babélio, avec une recherche thématique croisant « roman » et « sexualité » apporte de nombreux résultats. Egalement en croisant « roman » et « pornographie », « autobiographie » et « pornographie ».
Cette page des Bibliothèques de Chateauroux « Plus fort que Cinquante nuances de Grey », vous aidera dans votre choix, parmi les anciens et les modernes.
Bonne soirée !
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