Question d'origine :
Bonjour,
J'ai été frappé -et même choqué- par la disproportion entre la toute petite taille de la statue du Préfet VAÏSSE sur un piédestal plutôt monumental , dans le Parc de la Tête d'Or (au bout du Lac , près du vélodrome).
Y a-t-il une explication ? Par exemple , s'agit-il d'une statue de "raccroc" c'est à dire installée sur ce piédestal en attendant une statue plus monumentale qui n'aurait jamais été installée ?
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 02/12/2008 à 09h59
Cher usager
Votre étonnement est celui de beaucoup de Lyonnaises et de Lyonnais un tant soit peu attentifs à leur ville. L’affaire du buste de Vaïsse est digne d’un roman ubuesque…
Tout commence le 29 août 1864, avec le décès de Claude-Marius Vaïsse, préfet du Rhône et maire de Lyon. Aussitôt, son successeur, le préfet Henri Chevreau, décide d’élever une statue à la gloire de Claude-Marius Vaïsse. Le sculpteur Guillaume Bonnet est chargé de sa réalisation.
Le 18 novembre 1865, un crédit de 60 000 francs est voté pour l’érection de la statue. Le 28 avril 1865, la commission chargée du dossier propose alors de réaliser deux monuments au lieu d’un. La statue de bronze doit être située place de l’Impératrice au-dessus d’une fontaine monumentale. Au parc de la Tête d’Or devait être installée une stèle.
1868 : le Conseil municipal fait machine arrière et décide de déplacer la statue au parc de la Tête d’Or, accompagnée de son socle monumental réalisé par Tony Desjardins.
Entre avril et novembre 1868, La Marionnette, journal satirique, se déchaîne contre la mémoire de Vaïsse. Le journal se demande comment, en quelques années, l’homme a pu amasser une telle fortune. De même, La Marionnette révèle que Vaïsse était marié sans l’être…C’est-à-dire qu’il a épousé religieusement, en Allemagne, la veuve du général Daurémon : ainsi pour la loi française, il n’est pas marié et pour l’Eglise, il l’est. Les convenances sont sauves, et sa femme peut continuer de percevoir la pension versée lors de son veuvage…
S’en suivent de nombreux procès intentés contre le journal et son directeur, Jacques-Etienne Barbier-Labaume, par les héritiers de Vaïsse. Acquitté en première instance, il est condamné en appel. Les révélations du journal ont pour effet de remiser aux oubliettes de l’histoire le préfet Vaïsse. D’autant que l’Empire finissant se veut libéral : l’ « Haussmann » lyonnais n’est plus en odeur de sainteté…
Oui, mais voilà, la statue a été coulée…Elle est donc entreposée dans les sous-sols de l’entrepôt des douanes de la Ville de Lyon, situé à Perrache, derrière les voûtes.
On reparle seulement de cette statue en 1890 : le Professeur de médecine Lortet souhaite faire ériger une statue en bronze à la gloire de Claude-Bernard. Seulement, Lortet n’a pas assez d’argent. Il demande à la Ville de Lyon de lui donner la statue de Vaïsse, toujours dans les sous-sols des douanes, pour récupérer le métal…Le Conseil municipal accepte.
Mais les héritiers de Vaïsse, mis au courant, offrent alors 5500 francs à la Ville pour racheter la statue. Le Conseil accepte finalement la somme et les héritiers de Vaïsse récupèrent la statue de bronze. Pas tout à fait, car elle est tellement encombrante qu’elle reste encore 10 nouvelles années dans les entrepôts de la Ville de Lyon.
Victor Augagneur, maire socialiste, n’y tenant plus, décide alors de demander aux héritiers de Vaïsse de venir récupérer la statue. Au terme d’échanges épistolaires et devant la taille de l’objet, ces derniers décident de vendre l’effigie de leur ancêtre à l’entreprise Thévenin frères et Seguin, spécialisée dans la fabrication de…robinets et casseroles…
C’est pour cela qu’aujourd’hui, vous pouvez admirer, dans le parc de la Tête d’Or, un petit buste conçu pour orner les couloirs d’une administration, haut perché sur le piédestal monumental destiné à accueillir la statue de bronze, dont je viens de vous narrer la tragique histoire…
Les tribulations de Monsieur Vaïsse
Lyon secret et insolite
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