Question d'origine :
Bonjour,
Aprés avoir soigneusement lu tous vos réponses en relation avec la place bellecour et sa statue je viens vous poser quelques questions en supplément du contenu déjà trés complet de vos réponses.
Pourquoi avoir inauguré la statue (en 1713) si longtemps aprés sa première édification (en 1686)?
Quelles sont les raisons qui ont amené à réédifier la statue de Louis XIV en 1826?
Quelles sont les symboliques de cette statue et de la place Bellecour aujourd'hui? Quelles valeurs met elle en avant?
En vous remerciant par avance.
Cordialement,
Sten.
Réponse du Guichet
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- Département : Documentation régionale
Le 13/12/2007 à 15h44
La statue équestre de Louis XIV, sur la Bellecour, n’a pas été édifiée en 1686 mais bien en 1713.
La publication la plus complète (156 p.) sur ce sujet est celle de Gilbert Gardes : Le monument équestre de Louis XIV à Lyon et les monuments équestres de ce roi au XVIIème et XVIIIème siècles . L’œuvre replace l’édification de ce monument dans le contexte de la statuaire royale de l’époque et détaille sa symbolique.
Les années 1679 à 1686 suivent celles des réussites militaires et traités victorieux de Louis XIV. Le monarque « voit ses idées et ses armées triompher partout et il apparaît en vainqueur, protecteur de la patrie, pacificateur, artisan du redressement économique, soutien du droit et de la religion ». « L’initiative [de créer une première statue équestre du roi à Paris] (1679) revient au Maréchal de la Feuillade, un courtisan et un militaire. Il confie à M. Desjardins l’exécution d’un monument pédestre du roi qui est (…) un monument de la flatterie (…). Ce projet, amplifié par J.-H. Mansart est à l’origine de la création de la place des Victoires [à Paris]».
Un phénomène général d’engouement pour l’effigie royale émerge auprès des provinces, villes et particuliers. La multiplication des effigies (médaillon, buste, arc triomphal, statue pédestre) s’intensifie dans tout le royaume et la plus significative est l’effigie équestre, que seuls les plus zélés ou riches peuvent se permettre.
Alors que la statue pédestre conçue par Desjardins n’est pas encore inaugurée, Lyon souhaite égaler la capitale mais personne n’a les compétences pour entreprendre un tel monument. L’architecte J. H-Mansart, qui vient de donner les plans de la place des Victoires et est en train de fournir un piédestal pour la statue de la place Vendôme, est appelé pour proposer un projet. A Paris, Lyon recherche également quelqu’un pour exécuter la statue et c’est vers Desjardins qu’elle se tourne. « Recteur de l’Académie depuis le 27 juillet 1686, il prend un repos bien gagné » après les 8 années consacrées aux ouvrages de la place des Victoires. « Un marché est donc passé le 28 mai 1688 entre Desjardins et le Maréchal de Villeroy [Gouverneur du Lyonnais] par lequel le sculpteur s’engage à exécuter la statue sous le contrôle de Mansart, d’ici 1691, pour la somme de 90000 livres ».
Toutefois, les retards s’accumulent : l’exécution de la statue, achevée vers 1693-1694 (date de décès de Desjardins), prend plus de temps que prévu. C’est ensuite la ville qui ne peut s’acquitter de la livraison de la statue en raison de difficultés économiques des années 1993-1994. Enfin, à partir de 1696, l’obstacle principal est le transport de la statue. Le 13 août 1699 est inaugurée la statue parisienne et Lyon doit prendre une décision. La même année des repérages pour le lieu d’édification de la statue sont faits et, en 1700, les préparatifs du transport débutent. La statue débarque à Lyon après un périple l’ayant menée de la Seine aux côtes de la Manche, de l’Atlantique, de la Méditerranée jusqu’aux bouches du Rhône et au fleuve Rhône.
Arrivée à bon port mais victime des conséquences de la guerre de succession d’Espagne, la statue attend près de 12 ans la reprise des travaux permettant son édification. Le 27 décembre 1713, elle est hissée sur son socle : tout est prêt pour l’inauguration qui a lieu le 28 décembre 1713.
En 1714, la place Bellecour change de nom pour devenir « Place Louis le Grand ». Il reste encore à achever le piédestal, les inscriptions et une ultime planche commémorative, ce qui porte l’achèvement de l’ensemble à 1723, avec des différences par rapport au projet d’origine. La statue règne sur la place jusqu’à la Révolution française et le début des destructions de toute représentation royale : « Le monument orne la place 71 ans puis, comme tous les monuments équestres de Louis XIV, est détruit à la suite du décret de l’Assemblée nationale du 14 août 1792 ».
On trouve également une description de la fin de la statue dans Les grandes heures de Bellecour, qui poursuit l’histoire du monument .
Le maire de Lyon, Louis Vitet, préside la cérémonie de la destruction de la statue équestre en bronze de Louis XIV. L’offre d’achat d’un Lyonnais fut refusée et la statue fut brisée, le socle vendu et les allégories du Rhône et de la Saône transportées dans le vestibule de l’hôtel de ville. La place devient « Place de la Fédération ».
Dès le début de la Restauration (1814-1830) et le retour des Bourbons, Lyon pense à ériger à nouveau une statue de Louis XIV. Le contexte favorable à la royauté se prête à la création d’un monument à la gloire du roi-Soleil. En 1825, une nouvelle statue équestre est dressée, due au sculpteur lyonnais François-Frédéric Lemot. Une cérémonie d’inauguration a lieu le 6 novembre 1825, en présence des autorités et des troupes de la garnison, comme l’illustre une gravure tirée d’ Aspects de Bellecour au XIXe siècle .
Symbolique :
A l’origine, cette statue symbolise l’amour de la ville de Lyon pour le roi Louis XIV, monarque qui faisait de la France le premier Etat d’Europe et de Versailles des jardins comme on n’en avait jamais vu de plus beau. La ville lui dresse ce monument en hommage à l’éclat éternel du Grand roi (pas à une relation particulière entre la ville de Lyon et ce dernier), qu’elle complète par une dédicace glorificatrice sur son socle.
Quand elle est érigée, la place « Louis-le-grand » est entourée de fontaines monumentales sur quatre bassins entourée de gazons percé d’allées. Par sa taille, son agencement, ses promenades ombragées de tilleuls, elle émerveille le Lyonnais ou l’étranger de passage. Ancrée stratégiquement entre la Saône et le Rhône [incarnée par les statues allégoriques de Coustou], elle représente la majesté, la puissance et la splendeur de ville de Lyon également.
La symbolique rejoint celle de toute statue équestre, comme le rappelle G. Gardes : « Grandi par la monture, le cavalier acquiert force et rapidité ; l’amitié soumise du bel animal décuple ses possibilités, satisfait son désir de puissance ; le cheval, symbole de richesse et de pouvoir est aussi le symbole de victoire et de gloire ».
La taille colossale du monument est le « signe sensible de l’essence divine de la monarchie ».(…) « On reconnaît aisément le roi ; mais, en 1693, il est âgé de 55 ans, or c’est un homme plus jeune, d’environ 40 ans, que représente Desjardins. Le sculpteur a choisi le guerrier d’avant la paix de Nimègue : l’âge du roi est symbolique. L’expression amène du visage l’est aussi : le roi est, par définition, bon et miséricordieux ». Le monument lyonnais est une illustration fidèle de l’idéal monarchique.
Aujourd’hui, c’est la place monumentale de Lyon, dont la vaste étendue est bien utile pour contenir les foules (forums d’associations, diffusion de match de foot, concerts, …). Elle est tout aussi importante dans le cœur des Lyonnais qui s’y donnent souvent rendez-vous « sous la queue du cheval ».
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