Question d'origine :
Le complexe d'Oedipe existe-t-il dans les sociétés animales grégaires ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 13/10/2004 à 09h22
Le concept de « Complexe d’Œdipe » a été élaboré par Freud pour rendre compte de phénomènes psychiques mis en évidence par les psychanalyses d’adultes (dont sa propre auto-analyse).
C’est un outil intellectuel qui désigne un « ensemble de désirs amoureux et hostiles que l’enfant éprouve à l’égard de ses parents (…) » qui « joue un rôle fondamental dans la structuration de la personnalité et dans l’orientation du désir humain » Vocabulaire de la psychanalyse p. 79-80.
Cette structure triangulaire à un rôle organisateur essentiel pour le psychisme humain en permettant au sujet l’accès à la dimension symbolique, par la mise en jeu et la reconnaissance de la différence des générations, d’une part, et la différence des sexes, d’autre part.
« Le complexe d’Œdipe n’est pas réductible à une situation réelle, à l’influence effectivement exercée sur l’enfant par le couple parental. Il tire son efficacité de ce qu’il fait intervenir une instance interdictrice (prohibition de l’inceste) qui barre l’accès à la satisfaction naturellement cherchée et lie inséparablement le désir et la loi (point sur lequel J. Lacan a mis l’accent) ». Vocabulaire de la psychanalyse p. 83.
Désir, différence des générations, différence des sexes, prohibition de l’inceste, loi : tous ces concepts ne peuvent se comprendre en dehors de la référence au langage, à la dimension « d’être parlant » de l’homme.
Même si certains courants de l’éthologie animale ont pu mettre l’accent depuis la seconde moitié du XXe siècle sur une conception plus « ethnographique » de l’étude des sociétés animales, en s’intéressant notamment aux structures de parenté ( on y évoque par exemple l ‘évitement » de l’inceste, et non la « prohibition »), il semble que les concepts propres à rendre compte des phénomènes humains ne puissent être transposés tels quels à l’étude des animaux grégaires. Quels seraient, en effet, les mythes fondateurs d’une colonie de blattes, ou d’une meute de loups ?
Pour finir, reportons-nous à la conclusion du Que-sais-je ? de Roger Perron et Michèle Perron-Borelli consacré au Complexe d’Oedipe : « Le complexe d’Œdipe est structurant. Nous avons affirmé son universalité dans l’espèce humaine. Est-il spécifiquement humain, c’est-à-dire propre à l’espèce ? Il existe des travaux remarquables sur les anthropoïdes, qui montrent que, au sein de ce groupe, d’une espèce à l’autre peuvent varier les modes de relation entre les générations et entre les sexes ; il est des espèces où l’inceste est banal, d’autres où, comme chez l’homme, il est exclu ; des espèces où les petits sont protégés, d’autres où le mâle qui prend le pouvoir tue les petits procréés par celui qu’il détrône… On peut multiplier les comparaisons et les analogies. Cependant, il semble bien que dans tous ces cas manque quelque chose que seul l’homme a instauré : l’ordre symbolique auquel nous avons fait référence dans ce qui précède. Le langage, les rites et les mythes, créateurs de cet ordre sont propres à l’homme (…) . Quelque chose qui n’a pas d’équivalent dans d’autres espèces se produit chez l’enfant à une étape précoce de son développement : l’accès aux représentations, aux significations, aux processus de symbolisation, au langage. Dès lors un univers psychique se superpose à l’univers des objets matériels et des évènements, des perceptions et des actions ? C’est à ce niveau, et ainsi cadré, que va se nouer le complexe d’Œdipe, et que va, grâce à lui, se structurer le psychisme. Il existe là, peut-être, une discontinuité qui marque, en tout enfant, l’avènement de l’humain. »
Pour aller plus loin :
* Les origines animales de la culture
* Les sociétés animales
* Les instincts maternels
D’une façon générale, les ouvrages d’éthologie comparée sont accessibles à la cote 156 COM, ceux d’éthologie animale proprement dite à la cote 591.5
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