Question d'origine :
Bonjour,
En réponse à une question de Chamija, secte ou religion,
vous avez dit ceci :
Pour identifier une secte, il suffit simplement, le plus souvent, de vérifier s'il est facile d'en sortir. |
Sur la base de cette affirmation-là, peut-on dire que la religion catholique, durant des siècles, a été une secte (puisqu'en sortir n'était pas facile... et était souvent synonyme d'un exil social.. mon grand-père, athée, devait cacher qu'il était incroyant, sinon il aurait été très mal vu et aurait certainement perdu des contrats de travail, n'aurait pas pu épouser sa femme... si si, au Québec au 20 e sicècle, il n'était pas facile de sortir du giron catholique), et que la religion musulmane serait de même une secte, puisqu'il est impossible pour un musulman de se dire non-musulman.
je sais que le catholicisme exerçait des moyens de coercition psychologique sur ses membres, donc, peut-on dire qu'il est une secte?
Est-ce qu'on évite de qualifier de secte le catholicisme, l'islamisme, parce qu'ils ont une grande audience, et qu'ils sont un pouvoir important et qu'ils ont traversé les années?
Ne répondent-ils pas à vos critères : coercition psychologique, difficulté d'en sortir, souvent coercition financière (du moins pour les catholiques, longtemps soumis à la dîme...), etc.
?
Merci beaucoup
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 13/07/2007 à 07h41
La réponse précédente reprenait non pas nos critères mais les critères des associations de prévention contre les sectes, qui sont aussi peu ou prou les critères de la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires.
Comme sur la plupart des sujets touchant aux croyances, il est évident que les positions des uns et des autres peuvent être contestées, d’autant que ce qui est vrai en deçà des Pyrénées (et de l'Atlantique ...) n’est pas toujours vrai au-delà .
Il ne nous appartient pas de trancher sur cette question et nous vous donnons seulement quelques pistes pour approfondir vous-même.
« Voici un extrait de : Les religions en miettes ou la question des sectes, de Danièle Hervieu-Léger :
Le rapport de la commission parlementaire sur les sectes rendu public le 10 janvier 1996 établit clairement une différence de traitement entre des groupes considérés comme religieux ‘par définition’ en raison du lien qu’ils entretiennent avec les ‘grandes traditions’ instituées et des groupes dont on comprend, a contrario, qu’ils pourraient bien usurper le caractère religieux qu’ils revendiquent. […]
Les églises protestantes autonomes (c’est-à-dire non rattachées à la Fédération protestante de France : pour l’essentiel des églises évangéliques dites libres, baptistes, pentecôtistes et adventistes) confrontées au risque de figurer en bonne place dans la liste des groupes placés sous haute surveillance ont bien compris la signification de cette différence de traitement et perçu que la seule façon d’échapper à la stigmatisation était de rallier aussi rapidement que possible les rangs du protestantisme ‘officiel’ qu’incarne, aux yeux des pouvoirs publics, la Fédération protestante de France. »
Il s’agit d’un passage d’une précédente question au guichet, qui était la même que la vôtre mais concernait l’Eglise évangélique et qui peut vous donner des éléments de réflexion :
Eglise évangélique, religion, secte ?
Vous pouvez aussi lire le dossier
Sciences, sectes et religion, par Patrick Tort, philosophe.
« Dans sa version traditionnelle la seule médiatiquement reconnue et présentée, une secte se caractérise par un enseignement homogène, resserré autour d'une personnalité inspiratrice centrale, source ou relais d'une vérité et d'une règle dont l'acceptation conditionne l'appartenance de chaque membre à la communauté, en même temps qu'elle trace la frontière qui sépare celle-ci du monde extérieur. Suivant un schéma qui a l'âge de la domination politique – donc des religions –, une secte est un ensemble d'assujettis qui s'identifient dans et par une obéissance commune, et à l'intérieur duquel une croyance spirituelle traduite en doctrine et en préceptes de comportement fonde le pouvoir temporel de ses interprètes institués. Il n'y a, hormis le nombre des assujettis, aucune différence, quant au processus de formation et au mode initial d'existence et de recrutement, entre la plus petite secte et la plus grande religion. Pour que l'association tienne face à ce dont elle se dissocie, il faut qu'elle réalise en son sein la plus grande conformité possible entre ses membres, unifiés par le devoir de cultiver et de reproduire en eux-mêmes le modèle de la dissociation fondatrice. » (voir aussi la page suivante : L’église en évolution)
Dans Sectes & religions, une interview de Florence Lacroix, on peut lire :
« La France, au contraire d'autres Etats, a opté en faveur d'une distinction entre religion et secte. Est-il possible d'élaborer des critères permettant de faire une différence entre ces deux types de mouvement ?
FL : On peut en effet énumérer des caractéristiques permettant de cerner le caractère sectaire de certaines organisations se prétendant religions.
Mais avant cela, il faut rappeler que les Eglises se sont historiquement comportées à certaines périodes comme des sectes (Inquisition , évangélisation de certaines populations lointaines comme prélude à la colonisation), mais ont évolué, sous la pression de certains facteurs internes et externes, vers une réalité plus proche de l'idéal religieux. A la limite, l'étalon devrait être normatif, c'est-à-dire la religion telle qu'elle devrait toujours être.
Le mot secte a eu un sens historique (branche d'une Eglise faisant sécession suite à un différend d'ordre doctrinal) qui n'a plus rien à voir avec la réalité sectaire actuelle.
La secte d'aujourd'hui ne fait plus sécession sur la base d'un différend doctrinal, mais en revanche constitue une organisation représentant une nouvelle version du vieux thème de "l'exploitation de l'homme par l'homme". »
Dans Les sectes, Jean Vernette, qui fut secrétaire de l’épiscopat, explique avec des nuances les difficultés d’utilisation des termes secte et religion, et resitue les phénomènes sectaires dans leur contexte historique et social.
Au contraire, dans le livre Les sectes, de la collection « Idées reçues », les auteurs (Bernard Fillaire, très engagé dans la lutte contre les sectes , et Janine Tavernier) sont catégoriques et contestent l’expression « une religion est une secte qui a réussi », l'aspect religieux n'étant pour eux dans les sectes qu'un prétexte.
« Sans masque religieux, une secte serait « un couteau sans lame ni manche ». La loi républicaine ne s’arrogeant pas le droit de déterminer entre bonne et mauvaise religion, ces mouvements destructeurs peuvent se présenter comme des mouvements religieux au sens le plus fort : « qui relie les hommes à Dieu ». Certains universitaires et religieux s’y sont d’ailleurs fait prendre, allant jusqu’à proposer le terme de « NMR » (nouveaux mouvements religieux) pour définir les sectes !
Ces hommes se veulent sociologues, donc observateurs et neutres ; ou bien théologiens, donc uniquement intéressés par l’incompatibilité doctrinale. Mais comme combattre les sectes au seul nom de cette incompatibilité reviendrait à utiliser la religion comme critère absolu et à faire des distinctions intellectuelles et morales discutables, entachant la lutte de fanatisme, pris dans ces forces contraires qui semblent annihiler en eux tout esprit de résistance, ces « spécialistes » regardent les sectes avec « une neutralité bienveillante » qui confine à la complaisance. ».
Enfin, nous vous encourageons vivement à lire le chapitre Sectes, sectes ou… sectes ? p. 126 de Des « sectes » dans la France contemporaine, qui reprend toutes les définitions du mot secte, historiquement et sociologiquement, et donne une idée de la difficulté d’emploi de ce terme …
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