Incivilité*
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 14/09/2004 à 22h13
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Question d'origine :
Une question que me pose ma fille chaque fois qu'elle passe à coté de la dalle lumineuse cassée qui est derrière l'église
" Pourquoi le monsieur il a cassée le tuc ? "
Ben oui quoi, à quoi ça sert de casser ce qui n'est pas à soi ? En fait, elle est régulièrement cassée et c'est le contribuable qui paye ...
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 17/09/2004 à 14h24
Votre question pose celle des incivilités, quelles que soient les formes qu'elles prennent. Sebastian Roché, chercheur au CNRS et secrétaire général de la Société européenne de criminologie, a consacré de nombreux ouvrages à ce sujet.
Dans Tolérance zéro ? Incivilités et insécurité il étudie l'incivilité par le biais de deux théories, celle de la vitre brisée et celle de la tolérance zéro. La théorie de la vitre brisée, d'après un article de 1982 par James Q. Wilson et Georges Kelling, explique que "le sentiment d'insécurité contribue à détruire les voisinages. Or, moins un ensemble de personnes se sentent solidaires, moins elles sont impliquées dans leur quartier qu'elles ne vivent pas comme un espace commun. De ce fait, elles ne sont plus prêtes à défendre les règles informelles de la vie collective." (...) "Sachant que les désordres ou les incivilités sont liés à la délinquance (...) si une vitre dans un immeuble n'est pas réparée, le reste des vitres sera rapidement cassé." C'est sur cette théorie que s'est appuyé le traitement de l'incivilité d'abord et de la violence urbaine ensuite, dans la Ville de New York, avec un réel succès.
En France, ce serait plutôt la théorie de la "tolérance zéro" qui prime. Il s'agit de l'affirmation d'une utilité de la répression légale qui ne repose sur aucun dispositif concret, encore moins une organisation du travail policier autour de ce concept, comme c'est le cas aux Etats-Unis. L'expression "tolérance zéro" renvoie d'abord à la notion de sévérité pénale, alors qu'elle pourrait être envisagée sous l'angle "zéro défaut".
Pour en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez également consulter cet autre ouvrage de Sébastian Roché : La société incivile : qu'est-ce-que l'insécurité ?.
Sur les causes de l'incivilité, la théorie généralement admise, outre le phénomène de spirale (l'incivilité entraîne l'incivilité), est qu'elle permet une affirmation de soi lorsqu'elle est le fait de jeunes adolescents ou adultes (cf. Pierre Vidal Naquet qui parle de "la construction d'une indentité personnelle, par ailleurs impuissante à s'affirmer (...) les jeunes défient l'autorité, ils en recherchent la manifestation", in "Mediations et incivilités", 1998). Autrement dit, en ce cas, on peut estimer que le comportement incivil se résume à "je suis violent, donc je suis". Cependant, comme le précise Sébastian Roché, "on ne saurait réduire l'incivilité à la jeunesse. Lorsqu'une ménagère vidange sa machine à laver sur le balcon, ou lorsque des habitants lancent par la fenêtre des détritus (...) nous avons bien affaire à des comportements ostentatoires qui ne peuvent pas être assimilés au vol ou à l'agression [ce qui permet de les classer dans la catégorie des incivilités]. (...) Ces agissements traduisent un état d'esprit par rapport à l'espace collectif : il apparaît comme un lieu qu'on peut altérer en toute impunité, sans se soucier des conséquences de ses actes. A la différence de son espace privé personnel, l'individu n'a pas à souffrir des dégradations : il peut attendre que quelqu'un d'autre les répare ou les nettoie. Cela nous amène à réfléchir à la signification de l'usage des lieux collectifs dans les villes. Et à se demander comment il peut se faire qu'une partie importante de la population pense que les lieux publics peuvent être dégradés."
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