Question d'origine :
J'aimerais savoir d'où vient toute cette enigme autour du sexe des anges ?
Qui a ouvert le débat ? Pourquoi se poursuit-il encore aujourd'hui ?...
Merci pour votre réponse !
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 15/10/2005 à 15h14
Plus que la question précise du sexe des anges, ce qui est discuté depuis les Pères de l’Eglise, c’est la question de la corporéité des anges. Jusqu’au IVe siècle, certains Pères de l’Eglise croient à la relation charnelle entre les anges et les filles des hommes, selon diverses traductions de la Génèse VI, 2 et les textes de Pseudo-Enoch, ce qui paraît difficile sans corps. Mais progressivemnt, à partir du IVe siècle et surtout de Saint Augustin, on pense que les anges sont des êtres spirituels, mais qui dans leurs apparitions, ont un corps : « la vraie formule pour le plus grand nombre (de Pères de l’Eglise) serait celle-ci : comparé à l’homme, l’ange est spirituel ; comparé à Dieu, il est corporel ». C’est la conclusion au VIIIe siècle du Second Concile de Nicée, qui conclut que les anges quoiqu’incorporels, peuvent être représentés puisqu’ils sont apparus aux justes selon les Ecritures. D’où dans l’iconographie des attributs bientôt traditionnels (robes, ailes), mais puisqu’ils n’ont pas un corps « humain », pas de sexe.
Pour suivre tous les longs développements de cette question patristique fondamentale, voir les articles Ange dans le Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, le Dictionnaire de théologie catholique (d’où est tirée la citation ci-dessus) et voir aussi Les Anges / Georges Tavard
La version selon laquelle des théologiens byzantins auraient discuté du sexe des anges pendant la prise de Constantinople, et qui nous a valu la jolie expression « querelle byzantine », n’est, elle, pas du tout attestée.
Voir l’encadré de la page La prise de Constantinople.
- cet extrait :
« Le sexe des anges
Les anges, si l'on en croit la Bible, préfèrent les femmes. Ils se comportent avec délicatesse quand ils apparaissent à Anne, la mère de Samuel, et à Agar, lorsque celle-ci erre dans le désert avec son fils Ismaël. Dans le Livre de Tobie, l'ange Raphaël ne tarit pas d'éloges sur la jeune Sara. Et quand Gabriel vient saluer la Vierge Marie, c'est avec une incomparable déférence. On ne saurait, cependant, à cause de leur nature, les qualifier de parfaits gentlemen. En revanche, s'adressant aux hommes, ils font preuve d'une autorité qui n'admet aucune discussion, parfois n'hésitent pas à employer la manière forte - dans le combat de Jacob - ou les mesures punitives : le même Gabriel qui se montrera si prévenant à l'égard de Marie, répondant avec respect à la question qu'elle lui pose, rend Zacharie muet parce que le vieil homme lui demande une explication, somme toute légitime. Mais Zacharie a mis en doute la parole de l'ange, alors que Marie le croit et adhère sans réserve au message qu'il lui transmet de la part de Dieu.
Cette préférence n'est pas une question de désir, encore moins de sexualité : les anges n'ont pas de sexe. Sans trancher dans le vif - si l'on ose dire -, les Pères conciliaires de Nicée II (787) leur ont dénié cet attribut, enseignant que, ne possédant point de corps, ces créatures célestes ne sauraient avoir une portion d'un tout inexistant : aussi, comme dirait mon amie Alix dans ses Archives des Anges12, pas de corps, pas de zizi et donc pas de parties de jambes en l'air, ils n'ont d'ailleurs pas de jambes non plus. Ni d'ailes. L'affaire est (presque) réglée, car le même concile de Nicée II leur reconnaît une sorte de corporéité, un corps éthéré, une subtile enveloppe de lumière, invisible habituellement aux hommes. Et, au milieu du XVe siècle, les habitant de Constantinople remettent ça : on discute du sexe des anges, dans la première et plus célèbre des querelles byzantines qui, depuis ce temps et à toute époque, ont donné au dernier des pinailleurs l'illusion qu'il était un grand rhéteur. Il n'est que de regarder aujourd'hui l'arène politique pour le constater, lorsque les uns et les autres débattent de la démocratie : comme le sexe des anges, cette dernière est un semblant de réalité sur lequel chacun énonce un avis d'autant plus péremptoire qu'il sait fort bien, en son âme et conscience, ne traiter pour le moins que d'une utopie, d'un leurre le plus souvent. Alix relègue au rang des légendes la querelle sur le sexe des anges :
Les habitants de Constantinople s'engueulaient, certes, avec force syllogismes biseautés et arguties théologiques, mais à propos d'une éventuelle union avec le pape de Rome. N'empêche que cette « querelle byzantine » est passée dans le langage courant. Discuter du sexe des anges signifie enfiler des perles ou, plus clairement encore, empapaouter les mouches13.
A l'époque, il y a belle lurette que l'on ne discute plus de la prétendue lubricité des esprits célestes, question qui constitua à l'époque patristique un casse-tête pour les théologiens, à cause d'un passage de la Bible :
Lorsque les hommes commencèrent d'être nombreux sur la face de la terre et que des filles leur furent nées, les fils de Dieu trouvèrent que les filles des hommes leur convenaient et ils prirent pour femmes toutes celles qu'il leur plut (Gen 6 , 1-2).
Encyclopédie des phénomènes extraordinaires de la vie mystique, T. 03, Les Anges et les saints.
Voir aussi L’Abîme des anges de Philippe Baud, qui pense également que cette « querelle byzantine » peut être une légende (« Quant au sexe des anges, si la fameuse querelle des théologiens dans Byzance assiégée pourrait bien n'être qu'une légende, Philippe Baud constate que les messagers du Ciel ont d'abord été peints comme des éphèbes, – c'est aussi ainsi qu'on les imagine dans l'univers biblique –, blonds et imberbes, seuls les démons ayant la tignasse noire et hirsute. Le Temps en ligne)
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