Question d'origine :
Bonjour, Une libraire m'a dit qu'il existait un livre qui rendait compte d'un travail de recherche sur la fameuses photo du ghetto de Varsovie pendant la seconde guerre mondiale où un petit garçon lève les bras sous la surveillance de soldats allemands. Il est entouré d'autres Juifs et semblent sortir d'un bâtiment. Quel est ce livre et où le trouver? Merci.
Réponse du Guichet
Dans Les 100 photos du siècle de Marie-Monique Robin, vous trouverez quelques éléments concernant l'origine de cette photo.
Cet ouvrage est disponible à la bibliothèque et en librairie.
Réponse du Guichet
La photo dont vous parlez est celle de Tsvi Nussbaum et fait partie des 53 photos du rapport Stroop, d’après le nom du Général SS chargé de la liquidation du ghetto de Varsovie en avril 1943. Pour plus de détail sur ce rapport nous vous conseillons de vous reporter aux sites suivants :
-un site en allemand où la photo du jeune Tsvi Nussbaum est accompagnée d'un petit commentaire Stroop-Report
-un site en anglais consacré à l'histoire de l'holocauste Stroop-Report
Nous n’avons malheureusement pas trouvé trace d’un ouvrage consacré à l’étude détaillée de cette photo, qui symbolise pour beaucoup la barbarie nazie et, à ce titre, a souvent été choisie pour illustrer des ouvrages ou des articles sur ce thème.
Cependant, dans le livre de Kazimierz Moczarski : Entretiens avec le bourreau, où l’auteur relate les conversations qu’il a eues avec le général Stroop lors de sa captivité, peut être trouverez-vous plus d’informations sur ce « reportage photographique » qui avait été ordonné par le Général Krüger, afin de servir "… l’histoire, le Führer…" et pour témoigner des efforts consentis "par la Germanie pour la déjudaisation de l’Europe et du globe terrestre tout entier " (p. 210).
Enfin, sur le site suivant, vous trouverez une filmographie des documentaires consacrés aux ghettos juifs, et notamment celui sur Tsvi Nussbaum.
Réponse du Guichet
Les premières réponses à cette question sont relativement anciennes (2004) et ne sont plus à jour. Nous apportons un complément de réponse pour actualiser les informations apportées.
Bonjour,
Suite à la remarque d'Isabelle du 02/11/2021 à 22:08, nous avons consulté l'ouvrage de Frédéric Rousseau publié en 2009 : L'enfant juif de Varsovie : histoire d'une photographie.
Il y est notamment question de l'identité de l'enfant photographié, plusieurs hypothèses ayant été avancées dont le nom de Tsvi Nussbaum, qui affirme en 1982 être l'enfant de la célèbre photographie "sans toutefois, par honnêteté, aller jusqu'à le jurer". Mais cette identité est contestée par l'auteur car certains détails semblent démentir cette revendication :
Tsvi Nussbaum [...] soutient en effet depuis [1982] avoir été photographié lors de son arrestation devant l'hôtel Polski de Varsovie, situé hors du ghetto, avant sa déportation à Bergen-Belsen, en juillet 1943 : soit deux mois après la fin de la liquidation du ghetto qu'illustrent pourtant clairement la plupart des clichés de l'album Stroop.
Si troublante soit-elle, cette revendication tardive cadre [...] assez mal avec ce que nous savons par ailleurs. En premier lieu, est-il vraisemblable que la photographie ait été prise en plein mois de juillet dans la mesure où les personnes arrêtées et figurant sur le cliché portent de lourds manteaux d'hiver ? Sans être décisif, ce détail fait néanmoins pencher la datation vers avril-mai... Par ailleurs, un certain nombre de personnes visibles sur la photographie ont au bras droit le brassard avec l'étoile de David dont le port est obligatoire pour tout juif du ghetto. Il est peu probable que les juifs réfugiés et cachés du côté aryen aient continué à porter ce signe distinctif qui met leur vie en danger. Enfin, est-il plausible que l'album ait été constitué en juillet 1943, et adressé avec son rapport à ses supérieurs par Stroop plus de deux mois après la fin de l'opération, et plus d'un mois après sa décoration ?
Car si l'on veut bien considérer que Stroop a précisément été félicité et décoré pour son action menée contre et dans le ghetto de Varsovie, on peut légitimement penser qu'il a adressé son rapport à ses supérieurs entre le 24 mai (date du dernier télégramme figurant dans le rapport) et le 18 juin 1943, date à laquelle Keitel lui a décerné, à la demande de Himmler, la Croix de fer de première classe [...].
Avant la revendication de Tsvi Nussbaum, deux autres identités ont été avancées pour cet enfant : une version tronquée de la photographie (détail important) publiée dans le Jewish Chronicle de Londres le 28 juillet 1978, était accomagnée du texte suivant :
L'identité du garçon du ghetto de Varsovie figurant sur la célèbre photographie, qui est un des symboles les plus poignants des victimes juives tombées aux mains des nazis, vient d'être révélée par une Polonaise vivant en Israël. Elle affirme qu'il s'appelait Arthur "Shimyontek" Domb, était le fils de Léon et de Sarah Domb, et qu'il avait huit ans quand il fut chassé du ghetto de Varsovie en 1943. L'image qui se trouve dans la collection Bernies montre un petit garçon en train d'être expulsé par les Allemands.
Or, le 11 août 1978, le même journal publie à nouveau la même photographie, toujours tronquée, en annonçant "The "Ghetto-boy" lives here" :
En réalité, à la suite de la parution de l'article précédent, un homme d'affaires londonnien désirant conserver l'anonymat avait alerté le journal non seulement pour contester l'identité annoncée du petit garçon mais encore pour annoncer qu'il était, lui, l'enfant de la photographie. Interviewé, il indiqua que la scène photographiée s'était déroulée en 1941 et non en 1943, à l'intérieur du ghetto, et qu'elle demeurait tout à fait vivante dans sa mémoire :
"Je portais, précisa-t-il, une paire de chaussures trop grandes pour moi que j'avais empruntées au garçon qui se trouve à ma droite et qui travaillait dans une boulangerie. Je n'avais pas de chaussettes. Nous et les autres Juifs avons été raflés, car ainsi qu'il était dit, une personnalité allemande d'importance allait arriver..."
Cette affirmation, dont s'emparèrent aussitôt des négationnistes parmi lesquels Robert Faurisson, est fausse : la version complète de la photographie montre clairement que l'enfant porte des chaussettes.
Par ailleurs, la famille Shimyontek soutient toujours que l'enfant de la photographie est Artek Siemontek :
A partir de l'été 1978, on assiste à un véritable emballement médiatique autour de cette question de reconnaissance d'identité, posthume ou non, du petit garçon de la photographie. Dans la presse, mais aussi dans certains centres de recherches spécialisés, les membres de la famille Shimyontek contre-attaquent, à l'instar d'Henryk Piasecki venu effectuer la déposition suivante auprès du Centre de documentation juive contemporaine de Paris :
" Je soussigné Henryk Piasecki, certifie ce qui suit : l'enfant de la photo célèbre (qui porte dans les archives du Centre de documentation juive contemporaine la cote CIII-7 14), prise au cours de la répression du Ghetto de Varsovie, s'appelle Artek Siemontek.
A l'époque, il était âgé de 8 à 9 ans. C'était le petit-fils du frère de ma femme, née Yadviga Yehudit Domb. La famille Domb est originaire de Lowicz. Presque toute la famille a été exterminée, seule une partie vit en Israël dont une tante du petit garçon Zosia Beniamin demeurant [...] à Tel-Aviv.
Un autre membre de la famille, Wanda Klingberg, demeurant [...] à Tel-Aviv, peut témoigner de la mort de Artek Siemontek en 1943 car elle est restée avec lui jusqu'au moment où les Juifs ont été arrêtés et emmenés hors du ghetto de Varsovie vers la mort. Treblinka est avec une quasi-certitude l'étape finale de Artek Siemontek. Elle peut témoigner que la photo a été prise en 1943 par les soldats du général Stroop lors de la répression de l'insurrection.
Wanda Klingberg peut aussi témoigner que les dires de la presse que cette photo aurait été prise en 1941 sont faux. Elle est passée du côté aryen avec Zosia Beniamin lors de la répression de l'insurrection du ghetto et a vu cette photo en Allemagne dans les premiers jours qui ont suivi la fin de la guerre. Toutes deux ont reconnu formellement Artek Siemontek.
Fait à Paris, le 28 décembre 1978. H. Piasecki."
Ainsi à partir de la fin des années soixante-dix, l'identité de l'enfant, sa nomination, et marginalement la date du cliché, sont-ils devenus un enjeu de mémoire individuelle, familiale et communautaire.
Bonne journée.