Question d'origine :
Bonjour, de passage en Alsace, et plus exactement dans le Haut Rhin, je souhaiterais savoir pourquoi beaucoup de façades des maisons sont si colorées ? Et de couleurs très différentes ?
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 22/07/2005 à 13h12
Dans l’ouvrage de Denis Steinmetz « La coloration des façades en Alsace : histoire, pratiques, méthodes», l’auteur nous apprend que la coloration des façades remonte au Moyen Age. Après le crépissage, on appliquait sur la façade, un badigeon protecteur de chaux. Ce badigeon était coloré. Avant l'ère industrielle, les badigeons étaient surtout rouges et noirs, en fonction des pigments disponibles. Cependant l’auteur ajoute que « la couleur peut être issue de la matière brute mise en œuvre dans la construction. ». Ces colorations étaient donc avant tout histoire de technique. Elles furent et demeurent utilisées dans un dessein décoratif.
L’auteur de l’ouvrage aborde ensuite d’autres interprétations relatives au sens de l’emploi de telle ou telle couleur en façade. Une de ces interprétations stipule que les maisons à façades rouges seraient réservées aux familles catholiques et que les bleus seraient pour les familles de confession protestante. Ces hypothèses ont été véhiculées au début du XXe siècle sans pour autant justifier de sources fiables. Néanmoins, elles sont encore aujourd’hui très largement considérées comme véridiques alors qu’elles ne reposent sur aucun élément scientifique et que de plusieurs études récentes viennent les remettent en question très largement.
La colorisation n’était cependant pas systématique : elle dépendait du niveau social de l’habitant et les façades non colorées étaient largement plus répandues, comme en attestent des tableaux représentant des vues de cette époque. D’autre part, la coloration avait bien peu de rapport avec celle que l’on connaît aujourd’hui : la gamme était limitée (bleu ou rouge) et les couleurs moins saturées.
De nos jours, la coloration de façades est un procédé courant. On pourrait croire que, depuis le moyen age, la maison alsacienne a toujours été colorée comme elle l’est aujourd’hui. Ce ne fut pas le cas. « La coloration des façades est aujourd’hui une pratique reconnue en Alsace, un peu comme si cela était naturel, comme si les choses n’avaient jamais été différentes […]
« Ce n’est que depuis une vingtaine d’années que ce phénomène [coloration des façades] s’est installé et que les maisons colorées n’ont cessé d’augmenter en nombre et en puissance chromatique, dans les villes ou les villages ordinaires, dans l’ensemble d’habitations collectives et dans les hauts lieux touristiques comme Colmar au point que les enfants des années 2000 refuseront de croire que l’Alsace a pu être blanche, gris et beige, « sans couleurs »
Ce regain d’intérêt pour la couleur s’est manifesté dans les années 1970. Elle ne faisait certainement pas l’unanimité « Rejetée au départ par les habitants et les instances culturelles, associations de sauvegarde du patrimoine, administration des Affaires culturelles, mais promue par des architectes et des associations locales rivales des précédentes, au moyen de quelques opérations spectaculaires, la pratique de la polychromie a peu à peu été accepté comme une évidence, y compris par ceux qui au départ se battaient contre cette tendance ».
«Le thème de la couleur cristallisait la lutte d’influence entre les partisans d’une architecture moderne synonyme de conformisme et un mouvement de jeunes architectes en phase avec le postmodernisme et qui cherchaient à mettre en œuvre dans leurs projets des éléments rappelant les constructions vernaculaires régionales, comme la colorisation des façades ». D’autre part, à cette époque (fin des années 1970), la récession économique suite au deux chocs pétroliers de 1974 et 1978 et les moyens venant à manquer, on construisait peu et on réhabilitait beaucoup.
Aujourd’hui, la coloration des façades est avant tout une question d’esthétisme et reflète l’attachement que les alsaciens portent à leur héritage architecturale, même s’il s’en font parfois une fausse idée.
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