Question d'origine :
Bonjour,
j'ai pu lire sur le site de la bibliothèque de Lyon que :
"Environ 500 de ces manuscrits sont des livres médiévaux. Parmi eux, une cinquantaine sont antérieurs au Xè siècle, dont beaucoup proviennent du scriptorium vivace à Lyon aux époques mérovingiennes et carolingiennes."
J'ai bien trouvé la définition du mot "scriptorium" (atelier monastique d'écriture), mais pourquoi celui de Lyon est-il vivace?
A moins que ce ne soit du latin...
Merci pour vos lumières
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 21/07/2005 à 15h41
Oui, un scriptorium est bien un atelier d’écriture qui regroupait au Moyen Age des copistes autour d’un monastère, d'une cathédrale. A Lyon, pendant la période troublée qui va de la chute de l'Empire romain à celle de l'Empire de Charlemagne, ce scriptorium reste vivace, c'est à dire persiste, reste actif et vivant.
La particularité de Lyon, c’est que la ville dont le passé a été brillant à l’apogée de la période romaine reste par la suite un centre intellectuel. « Ses écoles de rhétorique, ses maîtres étaient connus au loin. La cité qu’ Heiric d’Auxerre qualifie d’académie publique en deça des mers jouissait d’une grande réputation. Quand Adon avait besoin d’une retraite propice, nous apprenons de son maître Loup de Ferrières qu’il venait à Lyon, attiré par l’atmosphère calme et savante de la ville. L’anglais Wilfrid, qui devint plus tard évêque d’York, fit le voyage de France pour se mettre trois années durant à l’école d’Ennemond, preuve évidente de la réputation de la ville vers le milieu du VIIe siècle…
Lyon joua en Gaule un rôle de premier plan. Elle put s’enorgueillir d’écrivains tels Eucher, Syagrius, Sidoine Apollinaire, Constance. Puis après l’obscurité et la confusion de la période mérovingienne, la ville reprit une brillante activité au IXe siècle sous les célèbres prélats : Leidrade, Agobard, Amolon et Rémy. Sous Agobard et ses successeurs, le diacre Florus porta très haut sa réputation de poète et de théologien. Les éminentes situations auxquelles ces hommes parvinrent sont une preuve assez convaincante de l’atmosphère intellectuelle qui entourait alors Lyon et leur culture, comme celle de leurs prédécesseurs, témoigne que la ville était un véritable centre d’étude où on lisait et écrivait des livres et où des générations de scribes travaillaient assidûment…Si Pline écrivant sous Trajan, put se sentir flatté de la vente de ses livres à Lyon, alors que la cité était encore en formation, nous pouvons tenir pour certain que le développement de Lyon comme centre calligraphique suivit de près son développement intellectuel et commercial. Une ville de cet ordre ne pouvait exister sans de florissantes écoles d’écriture » (E.A. Lowe, Le Scriptorium de Lyon, la plus ancienne école calligraphique de France, Lyon, Les « Amis de la bibliothèque de Lyon », 1924 en usuel au fonds ancien : FA lyo 01 A)
Vous trouverez dans l’Introduction du catalogue de notre exposition « Manuscrits médiévaux : de l’usage au trésor », Mois du patrimoine écrit 2002 (FA lyo 01 A), rédigée par le spécialiste Louis Holtz, Directeur honoraire de l’Institut de recherche et d’Histoire des textes, des éléments précisant le fonctionnement du scriptorium de Lyon. En voici quelques extraits : « La production du livre en Gaule durant les siècles intermédiaires entre la fin du monde romain proprement dit et l’époque carolingienne s’est largement assoupie ou a même cessé mais pas à Lyon. Au VIIe siècle, on y copie des commentaires d’Origène, des écrits de Saint Jérôme, des sermons de saint Augustin, des commentaires d’Isidore de Séville etc. Ces livres ont continué à être utilisés dans les siècles suivants, comme l’attestent tant de notes de lecture inscrites en minuscules mérovingiennes dans les marges. Tous ces manuscrits copiés à Lyon ou dans les environs avant l’avènement de Charlemagne se sont trouvés réunis un jour dans la bibliothèque du chapitre de la cathédrale. Certains en faisaient partie depuis longtemps, d’autres ont dû passer de tel monastère lyonnais, par exemple Saint-Martin de l’Ile-Barbe dans la bibliothèque épiscopale. Nous ne connaissons pas le détail, mais nous savons que l’évêque Leidrade, un grand personnage, ami et homme de confiance de Charlemagne, nommé par le roi sur le siège de Lyon en 798 est à l’origine non de cette bibliothèque, mais de son enrichissement.
Le diacre Florus recueillit l’héritage intellectuel de Leidrade qui, nous n’en doutons pas, fut son maître : devenu le secrétaire aussi modeste que cultivé, des trois évêques qui de son vivant succédèrent à Leidrade sur le siège de Lyon, Agobard, Amolon et Remi, Florus donna à la bibliothèque capitulaire, sous les empereurs Louis le Pieux et Lothaire, un lustre qui la rendit célèbre dans tout l’Empire.
Des manuscrits de cette grande bibliothèque carolingienne, il subsiste encore aujourd’hui une bonne centaine (moins du cinquième) dont 50 sont encore à Lyon, ayant échappé aux guerres de religion. C’est le seul cas en France de livres demeurés depuis l’Antiquité ou le haut Moyen-Age dans le lieu où ils ont été produits : seules les bibliothèques capitulaires de Vérone et de Vercelli, les bibliothèques monastiques du Mont-Cassin et de Saint-Gall en suisse sont dans une situation comparable. »
L’activité du scriptorium de Lyon est donc bien vivace entre la chute de l’Empire romain et la fin du règne de Charlemagne puisque ce scriptorium a fourni une importante bibliothèque dont il reste des éléments exceptionnels.
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