Question d'origine :
Que sait-on de la fraternity de Yale nommée "Skulls & Bones" à quel degré peut-on vérifier les allégations la décrivant comme antichambre d'un pouvoir sans démocratie?
Les deux candidats à la Maison-Blanche ont admis en être membre si cette information est vraie, comment expliquer une certaine absence de réaction de l'opinion publique face à ce qui semble être un lieu de manipulation? Peut-on argumenter que les américains seraient fascinés par ces jeux d'influences et même par les "magouilles"?
Plusieurs grands magazines titraient "comment Bush a menti, comment Cheney a vendu la guerre..." Comment aborder (culturellement et historiquement) et analyser ce que semble être une apathie dangereuse?
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 30/06/2005 à 09h13
Le Réseau Voltaire a publié un article très complet sur les Skull and Bones, l’élite de l’Empire, en voici quelques extraits :
Au sein de la très élitiste et puritaine université de Yale sont co-optés chaque année quinze fils de très bonne famille. Ils forment une société secrète aux rituels morbides : les Skull and Bones (Crâne et os). Tout au long de leur vie, ils se soutiennent et s’entraident face aux velléités démocratiques d’une plèbe qu’ils abhorrent. Le prochain président des États-Unis sera l’un de ses huit cents initiés : George W. Bush et John Kerry en sont membres depuis trente-six ans.
(...)
Le plus fascinant n’est pas ce qui se passe au sein de l’organisation, mais plutôt la cohérence de sa liste de membres, qui révèle le talent des membres de Skull and Bones pour constituer les élites de demain. Ainsi, tout président des États-Unis passé par Yale a été membre des Skull & Bones : il s’agit de William Howard Taft, de George H.W. Bush et de George W. Bush. De même on ne compte plus les personnalités membres de l’organisation qui ont occupé, par la suite, d’importantes fonctions dans le monde politique, diplomatique, médiatique, ou même du renseignement.
L’organisation dispose d’importantes connexions dans le milieu diplomatique, et notamment au sein du Council on Foreign Relations. Ainsi, Henry Stimson, secrétaire à la Guerre de Franklin Delano Roosevelt, l’ambassadeur des États-Unis en Union soviétique, Averell Harriman, ou J. Richardson Dilworth, gestionnaire des intérêts de la famille Rockefeller, étaient membres des Skull and Bones [5].
Des membres de Skull & Bones ont également joué un certain rôle dans l’univers des médias. Henry Luce et Briton Haden, tous deux membres de l’organisation depuis 1920, auraient notamment eu l’idée de créer le journal Time lors d’une réunion à « la Tombe ». Averell Harriman, de son côté, a fondé le journal Today qui fusionna en 1937 avec une autre revue pour devenir Newsweek.
Les connexions au sein de la CIA sont particulièrement impressionnantes : William F. Buckey, membre ultra-conservateur de l’Agence et propagandiste réputé, a été membre de l’association, tout comme son frère, James Buckley, sous-secrétaire d’État à la Sécurité, aux sciences et aux technologies, dans le gouvernement de Ronald Reagan, un poste où il supervisait l’octroi de l’aide militaire états-unienne à destination des régimes de droite. Hugh Cunningham (Bones 1934) a lui aussi accompli une longue carrière dans les services états-uniens, de 1947 à 1973. C’est également le cas de William Bundy, Bonesman de la promotion 1939, et de Dino Pionzio (Bones 1950), chef de station de la CIA à Santiago en 1970, où il s’employa à déstabiliser le régime de Salvador Allende.
Le fait que l’organisation serve de moyen de reproduction à l’élite économique et politique du pays lui a assuré une bienveillance inhabituelle des autorités. Ainsi, en 1943, un acte législatif spécial adopté par l’État du Connecticut a exempté les associés du Russell Trust Association, qui gère, entre autres, les avoirs de la société secrète, de remplir un rapport d’activité comme n’importe quelle autre société. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, ses avoirs ont été gérés par John B. Madden Jr, membre de Brown Brothers Harriman, une société née de la fusion, en 1933, de Brown Bros & Company et de W.A. Harriman & Company. Madden travaillait alors sous les ordres de Prescott Bush, père du futur président George H.W. Bush et grand-père de l’actuel président des États-Unis. Tous ces personnages sont naturellement membres des Skull & Bones.
Autre source de fonds : les Rockefeller. Percy Rockefeller fut membre de l’Ordre, et lia l’organisation aux propriétés de la Standard Oil. Autre grande famille rattachée aux Skull & Bones : les Morgan. J.P. Morgan ne fut certes jamais membre, mais Harold Stanley, membre de l’équipe dirigeante du Morgan’s Guaranty Trust, appartint à l’organisation depuis 1908. W. Averell Harriman, de la promotion 1913, a également été membre du conseil d’administration, tout comme H.P. Whitney et son père, W.C. Whitney. C’est également de manière indirecte que l’organisation a pu profiter des fonds de la famille Ford, apparemment contre l’avis de celle-ci. McGeorge Bundy, membre des Skull & Bones, fut en effet président de la Fondation Ford de 1966 à 1979, après avoir servi de conseiller pour la sécurité nationale sous John F. Kennedy et Lyndon Johnson.
(...)
Les Skull & Bones n’ont pas véritablement de discours idéologique. Encore qu’il ne soit pas anodin de révérer un financier de la guerre de l’opium et d’utiliser comme objet rituel le crâne présumé du dernier chef d’un peuple que l’on vient d’exterminer. Contrairement à ce que la littérature conspirationniste a pu évoquer, il ne s’agit pas d’un club de néo-nazis, d’ultra-conservateurs, ni même de faucons. Néanmoins, en tant que représentant de l’élite future (ce qui nécessite déjà d’appartenir à la classe sociale disposant des capitaux socio-culturels suffisants pour réussir dans les différents champs de pouvoir), les membres des Skull & Bones partagent une même vision du monde et des rapports sociaux. Tous sont des capitalistes partisans d’un pseudo-libéralisme et attachés aux valeurs de Liberté prétendument incarnées par les États-Unis. Bien que récemment gagnées par les sirènes du « politiquement correct », en admettant progressivement des représentants des minorités ethniques et sexuelles, puis des femmes en 1991 - à la consternation, entre autres, de l’ancien président George H.W. Bush - les élites réunies au sein des Skull & Bones n’en demeurent pas moins l’incarnation quasi-parfaite de la pensée unique de la classe dirigeante états-unienne.
Le fait que les deux candidats à la présidence des États-Unis, George W. Bush et John Kerry, soient membres de l’organisation, ne peut être interprété comme la manifestation d’une élection arrangée à l’avance entre deux personnalités de connivence. En revanche, on peut légitimement s’inquiéter de la manière dont s’établit la sélection au sein du champ politique états-unien. Car si les deux hommes peuvent s’affronter durement, il est indubitable qu’ils appartiennent l’un et l’autre à un milieu social étroit et homogène et que, à ce titre, ils défendent, malgré leurs divergences, des intérêts proches. D’une certaine manière, pour paraphraser un politicien français, l’élection présidentielle de 2004 ce sera « Skull and Bones ou Bones and Skull ». C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Ordre focalise sur lui autant d’attention : il incarne la quintessence du milieu social le plus favorisé des États-Unis, et dont les vues sont loin de représenter l’idéal démocratique auquel aspire le reste de la population. Individuellement, de nombreux membres de l’organisation ont trempé dans la plupart des « coups tordus » des États-Unis des cinquante dernières années, de l’invasion de la Baie des Cochons à l’élaboration de la doctrine nucléaire, en passant par le renversement de Salvador Allende. Et ils n’ont pu le faire qu’en dehors des institutions démocratiques, dans le secret de leur connivence et sur la base d’une fraternité ancienne. Pourtant, aucune décision de ce type n’a jamais été prise au sein de l’association des Skull & Bones elle-même. Ce n’est pas une structure hiérarchisée, apte à prendre de telles décisions et à les faire appliquer. Quoi qu’il en soit, l’Ordre secret reste la façade la plus immédiatement visible de l’« ennemi de classe » que représente l’« aristocratie impériale » des États-Unis.
Il existe une très abondante documentation sur cette société "secrète", voici quelques exemples à consulter :
* L'ouvrage de référence de Alexandra Robbins, Secrets of the Tomb: Skull and Bones, the Ivy League and the Hidden Paths of Power, basé sur les témoignages d'une centaine de membres.
* Cet article de l'Express du 27 septembre 2004 :Les liaisons mystérieuses : Confrérie la plus influente du pays, Skull and Bones («Crâne et os») est aussi un club très fermé. Les deux candidats à la présidentielle en sont membres
* Cet autre article de CBS News du 13 juin 2004, Skull and Bones
* Le dossier de Wikipedia
Nous vous rappelons enfin que l'objet du service questions-réponses est de répondre à des questions d'ordre documentaire, et non de se livrer à des analyses politiques ou sociologiques.
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 01/07/2005 à 12h09
Bjr -
Très intrigué par ce sujet et la réponse apportée, pourriez vous me faire connaître les parutions en langue française ainsi que leurs auteurs.
Mci par avance.
Très intrigué par ce sujet et la réponse apportée, pourriez vous me faire connaître les parutions en langue française ainsi que leurs auteurs.
Mci par avance.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 02/07/2005 à 14h22
Le site du réseau Voltaire et Wikipédia (déjà cités dans notre précédente réponse) mentionnent quelques ouvrages :
-
ou
- Robbins, Alexandra.
- Anthony C. Sutton,
ou
- Sutton, Antony C.
-
- Millegan, Kris, ed.
- Tarpley, Webster, et al. George Bush :
Une
Il ne vous reste plus qu'à patienter car la littérature française sur ce sujet est plutôt rare, à moins de vous lancer dans les ouvrages en anglais !
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter