Question d'origine :
Bonjour.
Comment un film se retrouve en salle ? Comment un distributeur fait-il ? Est-ce qu'il doit contacter chaque salle de cinéma, une par une, pour leur vendre le film ? Est-ce qu'il y a des conventions entre distributeur et salle de cinéma qui s'engage à acheter chaque film d'un distributeur ?
Et aussi, l'argent reçu pour l'achat des places est redistribué à la production du film par les salles de cinéma ?
Merci.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 05/03/2020 à 15h17
Bonjour,
" Le distributeur loue les droits d’exploitation d’un film à une salle, c’est-à-dire qu’il détermine avec le programmateur le taux de location de la copie du film. Ces droits sont négociés soit à la semaine — du mercredi au mercredi —, soit au mois. Dans un certain nombre de cas — près de la moitié —, l’exploitant n’est pas le programmateur de la salle et c’est à un « troisième homme » qu’incombe cette tâche.Il peut s’agir d’une seule personne, en charge de la programmation d’un groupement d’exploitation, ou bien d’une société intermédiaire, une entente de programmation, qui programme plusieurs cinémas indépendants ."
source : Clémence Allamand, « Les pratiques professionnelles au sein du marché cinématographique : La relation entre distributeurs et exploitants », Entrelacs, 14 | 2018
Nous vous proposons quelques extraits de l'ouvrage intitulé L'exploitation cinématographique en France de Joël Chapron et Priscilla Gessati. Ils répondront à plusieurs de vos questions :
LE RAPPORT AU DISTRIBUTEUR
1. LE CONTRAT
Si le Code du cinéma et de l'image animée précise à l'article L. 213-14 les mentions du contrat de concession des droits de représentation cinématographique, en pratique les accords entre exploitants/programmateurs et distributeurs se font oralement, par téléphone, ou de façon informelle par courrier électronique. Avec chaque année quelque 650 films sortis par 166 distributeurs dans plus de 2 000 établissements, on comprend la souplesse de ces modalités de contractualisation, basée sur une forte interdépendance structurelle. Néanmoins, les opérateurs - notamment les plus importants - systématisent l'établissement de contrats écrits. Doivent y être mentionnés : la date de livraison de la copie et la date de début de l'exploitation, la durée minimale d'exécution du contrat ainsi que les conditions de sa reconduction ou de sa résiliation (définition de paliers de décrochage au dimanche soir et en regard du nombre de salles dans la zone de chalandise), le nombre minimum de séances prévues, les conditions de placement dans la zone d'attraction cinématographique ainsi que le taux de la participation proportionnelle du concédant. Usuellement, ce taux est de 50 % ; cependant, le CCIA prévoit que le taux doit nécessairement être compris entre 25 % et 50 % (part distributeur). Plus on avance dans l'exploitation, plus le taux de la part distributeur peut diminuer. En effet, les films faisant la majorité de leurs entrées dans les premières semaines d'exploitation, appliquer le taux initial de 50 % à un cinéma qui diffuse le film en continuation peut ne pas sembler équitable. Pour les œuvres diffusées plus de deux ans après leur première représentation commerciale en France, le pourcentage peut être ramené à 20 % part distributeur (art. L. 213-11 du CCIA).
Le Code du cinéma et de l'image animée prévoit qu'un prix fixe de location peut être proposé à une salle si celle-ci enregistre moins de 1 200 entrées hebdomadaires. En pratique, ces prix fixes sont pratiqués par les distributeurs pour les films très anciens, alléguant des frais à couvrir pour sortir ces films, souvent des copies 35 mm, de leur lieu de stockage et leur transport.
À Paris, le distributeur est tenu de livrer le DCP [Digital Cinema Package] à l'exploitant et de prévoir son retour. En province, c'est à la salle d'organiser le transport du DCP, souvent par voie postale, et de faire suivre ensuite le film à un autre établissement.
À la fin de la semaine d'exploitation, un rapport des recettes réalisées est envoyé au distributeur et c'est sur la base de ce document que le distributeur facture au cinéma. L'exploitant peut faire cet envoi ou bien c'est le CNC via le site Cinedi.com qui transmet les bordereaux aux distributeurs.
L'exploitant doit alors honorer la facture dans les quarante-cinq jours après la fin du mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. En cas de litige, les recours du distributeur sont la conciliation en sollicitant le Médiateur du cinéma ou le tribunal de commerce. En outre, il peut refuser de fournir ultérieurement des copies à cet exploitant.
2. LA PROGRAMMATION
Ce secteur est très hétérogène et, pour la grande exploitation,ils sont une poignée de programmateurs à fournir plus de 2 000 écrans, majoritairement ceux des circuits, qui totalisent environ 70 % des recettes nationales. Les exploitants autonomes dans leurs choix de programmation sont, eux, en lien direct avec les distributeurs - une relation nouée au fil du temps et lors de rencontres professionnelles, comme la Journée des Distributeurs Indépendants Réunis Européens (DIRE) pendant le Festival de cinéma européen des Arcs ou, depuis 2014, les Rencontres du cinéma indépendant à Saint-Étienne organisées par le Syndicat des distributeurs indépendants , sans oublier le congrès de la FNCF où les distributeurs adhérents à la FNDF présentent leurs line-ups . Les distributeurs organisent également des projections destinées aux professionnels et trouvent le relais, pour les pré-visionnements en province, d'associations qui convient les exploitants de leur région à découvrir les films dans les meilleures conditions. Le cas échéant, DVD, DCP ou liens pour visionnage en ligne peuvent aussi être transmis.
Même si l'exploitant connaît le film et/ou sa date de sortie quelques mois à l'avance, la programmation se boucle le lundi matin pour le mercredi, jour de sortie nationale des films en France. En pratique, pour l'exploitant, la tendance se dessine dès le vendredi, après seulement deux jours, et sera confirmée ou infirmée par les chiffres du week-end. Les échéances sont donc très rapprochées.
[...]
En 2010, la loi initiale a été modifiée et désormais deux types de structures sont tenues de souscrire des engagements : tout établissement comportant au moins 8 salles et les opérateurs qui recueillent en globalité et annuellement au moins 25 % des entrées dans leur zone d'attraction (ramené à 8 % pour la région parisienne), dès lors qu'ils ont réalisé au cours de l'année précédente au moins 0,5 % des entrées au niveau national. C'est le CNC qui envoie une notification aux opérateurs concernés et rend publique cette liste. En 2015, les 41 opérateurs soumis à ces engagements ont enregistré plus de 80 % des entrées - c'est dire l'étendue significative de ce dispositif.
Les groupements et ententes de programmation
Un groupement concerne les cinémas d'une même enseigne (sachant que le fonds de commerce peut être détenu par différents propriétaires) ; une entente de programmation voit des salles indépendantes s'associer entre elles pour constituer un "réseau de programmation", simplifiant ainsi les relations avec les distributeurs.
En se regroupant au sein d'une entente, les exploitants délèguent à un tiers la négociation avec le distributeur . [...]
Pour l'année 2015, 41 opérateurs ont pris des engagements : 4 groupements (CGR, Kinepolis, Pathé-Gaumont et UGC), 7 ententes de programmation (Agora Cinémas, Cinédiffusion, GPCI, MC4, Micromegas, Noe Cinémas et VEO) et 30 sociétés d'exploitation, dont la majorité ne détient qu'un seul établissement (d'au moins 8 écrans).
En outre, il existe denombreuses ententes de programmation dont l'importance économique est moindre (c'est pourquoi ils ne sont pas soumis à des engagements), mais qui permettent, notamment en milieu rural et pour des exploitants indépendants dont la charge de travail est déjà très élevée, d'obtenir plus facilement les films et d'en organiser la circulation sur une zone donnée (Cinexpansion Val de Loire, Cinessonne, Ciné-passion en Périgord, etc.). [...]
L'agence pour le développement régional du cinéma a pour mission la diffusion des films sur tout le territoire et œuvre en ce sens par l'édition et la mise en circulation de copies à destination des salles qui rencontrent des difficultés d'accès aux films.
Nous vous invitons à consulter cet ouvrage dans son intégralité pour mieux comprendre le fonctionnement de l'exploitation cinématographique en France.
Retrouvez les engagements de programmation sur le site du CNC.
Lire aussi :
- Distribution de films
- Exploitant de salle de cinéma
- Exploitation cinématographique
- Producteur de cinéma
- La Distribution Et La Diffusion Des Films
Bonne journée.
" Le distributeur loue les droits d’exploitation d’un film à une salle, c’est-à-dire qu’il détermine avec le programmateur le taux de location de la copie du film. Ces droits sont négociés soit à la semaine — du mercredi au mercredi —, soit au mois. Dans un certain nombre de cas — près de la moitié —, l’exploitant n’est pas le programmateur de la salle et c’est à un « troisième homme » qu’incombe cette tâche.
source : Clémence Allamand, « Les pratiques professionnelles au sein du marché cinématographique : La relation entre distributeurs et exploitants », Entrelacs, 14 | 2018
Nous vous proposons quelques extraits de l'ouvrage intitulé L'exploitation cinématographique en France de Joël Chapron et Priscilla Gessati. Ils répondront à plusieurs de vos questions :
LE RAPPORT AU DISTRIBUTEUR
1. LE CONTRAT
Si le Code du cinéma et de l'image animée précise à l'article L. 213-14 les mentions du contrat de concession des droits de représentation cinématographique, en pratique les accords entre exploitants/programmateurs et distributeurs se font oralement, par téléphone, ou de façon informelle par courrier électronique. Avec chaque année quelque 650 films sortis par 166 distributeurs dans plus de 2 000 établissements, on comprend la souplesse de ces modalités de contractualisation, basée sur une forte interdépendance structurelle. Néanmoins, les opérateurs - notamment les plus importants - systématisent l'établissement de contrats écrits. Doivent y être mentionnés : la date de livraison de la copie et la date de début de l'exploitation, la durée minimale d'exécution du contrat ainsi que les conditions de sa reconduction ou de sa résiliation (définition de paliers de décrochage au dimanche soir et en regard du nombre de salles dans la zone de chalandise), le nombre minimum de séances prévues, les conditions de placement dans la zone d'attraction cinématographique ainsi que le taux de la participation proportionnelle du concédant. Usuellement, ce taux est de 50 % ; cependant, le CCIA prévoit que le taux doit nécessairement être compris entre 25 % et 50 % (part distributeur). Plus on avance dans l'exploitation, plus le taux de la part distributeur peut diminuer. En effet, les films faisant la majorité de leurs entrées dans les premières semaines d'exploitation, appliquer le taux initial de 50 % à un cinéma qui diffuse le film en continuation peut ne pas sembler équitable. Pour les œuvres diffusées plus de deux ans après leur première représentation commerciale en France, le pourcentage peut être ramené à 20 % part distributeur (art. L. 213-11 du CCIA).
Le Code du cinéma et de l'image animée prévoit qu'un prix fixe de location peut être proposé à une salle si celle-ci enregistre moins de 1 200 entrées hebdomadaires. En pratique, ces prix fixes sont pratiqués par les distributeurs pour les films très anciens, alléguant des frais à couvrir pour sortir ces films, souvent des copies 35 mm, de leur lieu de stockage et leur transport.
À la fin de la semaine d'exploitation, un rapport des recettes réalisées est envoyé au distributeur et c'est sur la base de ce document que le distributeur facture au cinéma. L'exploitant peut faire cet envoi ou bien c'est le CNC via le site Cinedi.com qui transmet les bordereaux aux distributeurs.
L'exploitant doit alors honorer la facture dans les quarante-cinq jours après la fin du mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. En cas de litige, les recours du distributeur sont la conciliation en sollicitant le Médiateur du cinéma ou le tribunal de commerce. En outre, il peut refuser de fournir ultérieurement des copies à cet exploitant.
2. LA PROGRAMMATION
Ce secteur est très hétérogène et, pour la grande exploitation,
Même si l'exploitant connaît le film et/ou sa date de sortie quelques mois à l'avance, la programmation se boucle le lundi matin pour le mercredi, jour de sortie nationale des films en France. En pratique, pour l'exploitant, la tendance se dessine dès le vendredi, après seulement deux jours, et sera confirmée ou infirmée par les chiffres du week-end. Les échéances sont donc très rapprochées.
[...]
En 2010, la loi initiale a été modifiée et désormais deux types de structures sont tenues de souscrire des engagements : tout établissement comportant au moins 8 salles et les opérateurs qui recueillent en globalité et annuellement au moins 25 % des entrées dans leur zone d'attraction (ramené à 8 % pour la région parisienne), dès lors qu'ils ont réalisé au cours de l'année précédente au moins 0,5 % des entrées au niveau national. C'est le CNC qui envoie une notification aux opérateurs concernés et rend publique cette liste. En 2015, les 41 opérateurs soumis à ces engagements ont enregistré plus de 80 % des entrées - c'est dire l'étendue significative de ce dispositif.
Un groupement concerne les cinémas d'une même enseigne (sachant que le fonds de commerce peut être détenu par différents propriétaires) ; une entente de programmation voit des salles indépendantes s'associer entre elles pour constituer un "réseau de programmation", simplifiant ainsi les relations avec les distributeurs.
Pour l'année 2015, 41 opérateurs ont pris des engagements : 4 groupements (CGR, Kinepolis, Pathé-Gaumont et UGC), 7 ententes de programmation (Agora Cinémas, Cinédiffusion, GPCI, MC4, Micromegas, Noe Cinémas et VEO) et 30 sociétés d'exploitation, dont la majorité ne détient qu'un seul établissement (d'au moins 8 écrans).
En outre, il existe de
L'agence pour le développement régional du cinéma a pour mission la diffusion des films sur tout le territoire et œuvre en ce sens par l'édition et la mise en circulation de copies à destination des salles qui rencontrent des difficultés d'accès aux films.
Nous vous invitons à consulter cet ouvrage dans son intégralité pour mieux comprendre le fonctionnement de l'exploitation cinématographique en France.
Retrouvez les engagements de programmation sur le site du CNC.
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- Distribution de films
- Exploitant de salle de cinéma
- Exploitation cinématographique
- Producteur de cinéma
- La Distribution Et La Diffusion Des Films
Bonne journée.
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