Impact de la culture américaine sur l'URSS
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 25/02/2020 à 15h04
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Question d'origine :
Pouvez-vous quantifier l'impact de l'hégémonie culturelle américaine sur la disparition de l'URSS et plus largement sur les régimes communistes encore en place aujourd'hui?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 28/02/2020 à 10h09
Bonjour,
Il nous sera difficile de quantifier l’impact de l’hégémonie culturelle américaine sur la disparition de l’URSS, celle-ci faisant l’objet de controverses que nous n’aurons pas la prétention de trancher. Mais on peut au moins affirmer que tout au long de la guerre froide, du côté américain comme soviétique, les médias ont été utilisés comme arme de propagande :
« Qui dit guerre froide pense course aux armements, rideau de fer, dissuasion nucléaire. Mais la lutte que se menèrent les deux blocs fut surtout idéologique et psychologique : la guerre froide était aussi et peut-être avant tout une guerre d’images, d’idées, de propagande, de désinformation et de pression diplomatique. En l’absence de guerre ouverte et directe entre les États-Unis et l’URSS, l’information et les médias devinrent un enjeu décisif permettant de relayer des messages et de véhiculer une idéologie. Ainsi, durant la guerre froide, Américains et Soviétiques usèrent largement de la propagande afin de s’assurer le soutien des populations et de susciter le rejet (voire la haine) de l’ennemi. À travers la propagande, c’était donc la légitimation et la promotion des idées des uns et des autres qui étaient en jeu.
Les médias, armes de communication massive
La propagande par les médias a été privilégiée pendant la guerre froide pour trois raisons principales : tout d’abord, les médias sont des canaux de diffusion des idées, donc un vecteur de l’idéologie. Or, convaincre par les idées peut avoir un impact aussi fort que convaincre par la force. Par ailleurs, l’information, immatérielle et évanescente, ne connaît pas de frontière, de ligne de délimitation. Elle peut s’immiscer d’autant plus facilement dans d’autres pays qu’elle est difficile à contrer. Enfin, parce qu’il est aisé pour un gouvernement d’utiliser les médias de manière subreptice, sans se dévoiler et donc sans montrer que derrière d’anodins programmes de radio se cache en réalité une politique d’influence de la part d’un État.
Le rôle des médias de masse fut ainsi détourné afin de servir les objectifs des gouvernements, devenant un outil de guerre à part entière.
Et pour ce faire, tous les canaux, toutes les tribunes furent utilisés et politisés. D’un côté comme de l’autre, des journalistes, des écrivains, des artistes, des savants, des cinéastes furent mobilisés. Et derrière, de manière directe ou indirecte, les gouvernements américains et soviétiques pilotaient, influençaient, finançaient les radios, journaux et revues. Comme l’affirme Tony Shaw, « pratiquement tout, du sport au ballet de danse en passant par les bandes dessinées et les voyages dans l’espace, laissait supposer une signification politique et pouvait être potentiellement déployé comme une arme afin d’à la fois former l’opinion américaine et de subvertir les sociétés à l’étranger ». […]
Les Américains ont vu dans quelques réactions soviétiques les preuves du succès de leur stratégie. En 1949, ils ont par exemple constaté que l’URSS dépensait quatre fois plus d’argent et utilisait dix fois plus de personnel qu’eux pour brouiller les signaux des radios américaines. Un diplomate, George V. Allen, affirma d’ailleurs qu’« ils ne se seraient pas donné cette peine si les programmes n’étaient pas efficaces ». En 1956, l’URSS se plaignit officiellement de l’acharnement de la campagne de propagande américaine, les États-Unis étant avantagés par les moyens techniques à leur disposition.
Pour d’autres toutefois, le constat est différent. Dans une analyse de la CIA concernant les opérations secrètes, le Major D. H. Berger affirme que le consensus parmi les historiens intéressés par les covert actions est que ces activités n’ont pas rempli les objectifs fixés au préalable. D’un point de vue purement coût-avantage, beaucoup des actions secrètes menées par les États-Unis pendant la guerre froide furent un échec lamentable. Les effectifs et l’argent furent alloués à diverses opérations en énormes quantités, et pourtant dans chaque cas les objectifs de créer et étendre une résistance anti-communiste viable ne furent pas réalisés. Ces opérations étaient toutefois perçues comme nécessaires dans le sens où une confrontation directe avec l’URSS était impensable, et que l’action, quelle qu’elle soit, était toujours mieux que l’inaction.
Sur un plan plus général, l’hégémonie américaine, et surtout ses méthodes pour diffuser la culture et les informations américaines étaient fortement contestées – et la crédibilité américaine affaiblie, notamment après les révélations faites par des journalistes américains sur l’implication de la CIA dans nombre de projets et programmes culturels. Car en effet, le gouvernement américain, pour soutenir son effort de propagande, a fait usage de méthodes peu démocratiques pour paradoxalement promouvoir les valeurs démocratiques. L’historien Gaddis Smith, spécialiste de la guerre froide, signale une « contradiction insoluble » : « Comment les États-Unis pouvaient-ils promettre de respecter le droit de chaque nation à déterminer son propre mode de vie et en même temps insister pour que ce mode de vie imite l’idéal américain ? »
Une question qui reste, semble-t-il, d’actualité… ? »
Lepri, Charlotte. « De l'usage des médias à des fins de propagande pendant la guerre froide », Revue internationale et stratégique, vol. 78, no. 2, 2010, pp. 111-118.
Du côté américain, la radio était une arme de propagande privilégiée :
« [La] coordination des efforts de propagande fut confiée jusqu’en 1953 au département d’Etat. L’US Information Agency, créée pour donner une certaine cohérence à cette activité, prit ensuite le relais. Voice of America fut le principal vecteur d’influence radiophonique utilisé par l’administration américaine. Les émissions de radio internationales avaient été coordonnées pendant la seconde guerre mondiale par l’Office of War Information créé en juin 1942, les stations privées provisoirement rattachées à ce système étant dénommées « Voice of America ». Cette structure fut supprimée dès le 31 août 1945 par le président Truman et le bien fondé du maintien d’émissions radiophoniques officielles vers l’étranger devint l’objet d’importants débats. En janvier 1948, le Bill Smith-Mundt donna finalement une forme permanente aux activités d’information menées par le Département d’Etat. « La facilité avec laquelle il fut accepté était indubitablement due à la plus forte intensité de la guerre froide ». Le blocus de Berlin en juin 1948, le déclenchement de la guerre de Corée en 1950 apportèrent des moyens accrus à la radio. Une instruction secrète donnée par le président Truman en septembre 1950 confirma par ailleurs son orientation de plus en plus polémique, l’invitant à : « combattre le communisme en exposant ses mensonges et en le tournant en ridicule ». L’U.S. Information Agency avec ses 43 émetteurs grande puissance basés aux Etats-Unis et ses 59 émetteurs installés dans les pays étrangers possédait un puissant réseau de diffusion. L’impact réel de ces émissions reste difficile à estimer. Le brouillage soviétique fut très inégal, son intensité maximum s’inscrivant dans la période 1960-1963. Grâce à des accords passés avec les télévisions nationales ou par l’intermédiaire d’agences privées 2000 stations diffusaient également les programmes de l’USIA en 1965. En 1972 l’agence touchait une audience de 900 millions de personnes à travers 97 pays. Son directeur pouvait déclarer : « J’ai bon espoir qu’avec le développement massif des moyens de communication nous serons bientôt capables de vivre dans un monde où le livre accès à la conscience des peuples nous permettra d’atteindre nos objectifs à travers des affrontements intellectuels plutôt que par les armes et les pressions politiques. »
Une cohérence incertaine
Les initiatives du Département d’Etat puis de l’USIA furent « complétées » par des initiatives venant de différents départements.
La CIA favorisa des stations destinées plus directement à contrer l’idéologie communiste. Radio Free Europe et Radio Liberty furent les plus importantes. Radio Free Asia émit entre 1951 et 1955 vers les pays d’Asie alors que Radio Swan « fausse radio pirate » émit vers Cuba au début des années 1960. Leur statut « indépendant » leur permettait de tenir un discours plus polémique. Radio Liberty trouva une réelle originalité dans ce dispositif en raison de l’importance qu’elle donna aux émigrés venant d’Union soviétique. La première émission s’ouvrit le 14 janvier 1954 sur ces mots : « Today, Stalin is 73 years and 24 days old. The Staline ra is drawing to a close. And now listen for the new ». Lorsque le système soviétique commença à expulser ses « dissidents » Radio Liberty leur permit de s’adresser à leurs compatriotes. Amalrik, Nekrassov, Kuznetsov, Sinyavsky prêtèrent ainsi leur concours aux émissions.
Le département de la Défense développa également un important réseau de diffusion sur l’ensemble de la planète. Au début des années 60 le Service Radio des Forces Armées, devenu en 1954 le Service Radio et Télévision des Forces Armées, disposait de 38 émetteurs de télévision et de plus de 200 émetteurs radio hors du territoire national. Destinés en principe à satisfaire les besoins en programmes des citoyens américains vivant à l’étranger et des militaires basés dans les pays alliés, ces émissions touchaient également un important public étranger. Pour un auditeur américain concerné par ces émissions on estimait qu’en moyenne 20 auditeurs étrangers écoutaient ou regardaient les émissions. »
Source : Fondation et empire : l'hégémonie américaine dans les communications internationales 1919-1980, Pascal Griset, Réseaux. Communication - Technologie - Société Année 1991 49 pp. 73-89
Dans l’article « Le rock russe. Conquérir une liberté intérieure », (Le Courrier des pays de l'Est, vol. no 1058, no. 6, 2006, pp. 36-46), Céline Bayou s’intéresse à l’impact du rock sur la population russe pendant la guerre froide :
« Les efforts déployés par les Soviétiques pour avoir accès au rock occidental sont mémorables : écoute assidue, malgré le brouillage des ondes, de la BBC, circulation sous le manteau de disques étrangers, enregistrements à l’infini sur les bandes de plus en plus fatiguées de magnétophone, etc., tout cela était illégal et s’apparentait dès lors à un acte, sinon de dissidence, du moins de résistance.
Dans les années 1960, outre la musique classique, les autorités soviétiques diffusaient des variétés, par le biais de la seule maison de disques du pays, Melodya. Pour être reconnu officiellement, il fallait être un musicien professionnel, estampillé par le Goskontsert.
Mais il existait une autre tradition, qui n’avait pas le disque pour support, celle des chanteurs « à textes », les fameux « bardes russes » : Boulat Okoudjava ou Vladimir Vissotsky, pour ne citer que les plus connus, pratiquaient un genre musical à part, en s’accompagnant d’une simple guitare acoustique, et portaient une attention toute particulière à la valeur poétique des paroles de leurs chansons qui pouvaient se révéler subversives et se propageaient par le bouche à oreille.
Les premiers groupes de rock soviétiques sont apparus à cette époque et chantaient en anglais. Mais c’est en russe que Machina Vremeni (La machine à explorer le temps) a pratiqué dès 1969 à Moscou un pop rock marqué par l’influence des Beatles. Les rockers russes des années 1970 ne jugeront, en effet, pas nécessaire de chanter en anglais. L’attention qu’ils portaient aux mots, liée à la grande tradition poétique russe, s’explique d’autant mieux que la qualité de ce rock émergent ne pouvait être musicale, compte tenu de l’absence d’instruments dignes de ce nom ou d’amplificateurs, et de l’obligation implicite de jouer « discrètement » si l’on ne voulait pas attirer l’attention de la police (les concerts se déroulaient bien souvent dans un appartement, face à un auditoire d’amis). La diffusion de ces groupes se faisait grâce au magnitizdat, enregistrement clandestin, équivalent audio du fameux samizdat littéraire. Dignes héritiers des bardes russes, les rockers modernisaient une tradition : ils lisaient Pouchkine, Blok et Tolkien, et écoutaient le Velvet Underground, Donovan et Okoudjava.
[…]
Perçu par les uns comme une déviance idéologique et morale, le rock apparaissait alors à d’autres comme une alternative au mode de vie soviétique.
Cette échappée était contenue dans l’esprit rock tout autant que dans les paroles : les rockers de cette époque n’ont pas eu forcément pour ambition de narguer la censure en offrant des «protest songs». Le défi consistait bel et bien à faire de la musique. Alexis Ipatovtsev, producteur à France Culture et à l’époque journaliste inséré dans l’underground leningradois, rapporte que le milieu des musiciens rock de cette période niait carrément la réalité soviétique. Dans des appartements d’un autre âge, au café Saïgon, quartier général de la bohême leningradoise, poètes, musiciens et autres artistes, mais aussi étudiants et informateurs du KGB se retrouvaient pour discuter de philosophie, de bouddhisme, pratiquer la méditation et prôner la fraternité dans une sorte de monde parallèle. Les tenants de la contre-culture rock, s’ils appartenaient, comme le rappelle souvent B. Grebenchtchikov, à la « génération des portiers et des veilleurs de nuit », ne se voulaient pas pour autant chantres de la dissidence, dont ils se tenaient sciemment éloignés. Leur idéal était la liberté, et non pas de se lancer dans un combat pour la conquérir. »
Voir aussi :
- La guerre froide culturelle de la CIA, laliberte.ch
- Gygax, Jérôme. « Diplomatie culturelle et sportive américaine : persuasion et propagande durant la Guerre froide », Relations internationales, vol. 123, no. 3, 2005, pp. 87-106.
- L’Amérique racontée aux Soviétiques : la revue Amerika et la diplomatie publique américaine (1945-1952), Justine Faure, Revue d’histoire moderne & contemporaine 2014/4-5 (n° 61-4/4 bis), pages 94 à 124
A Cuba , « la présence culturelle américaine a toujours été forte ». Nous vous laissons lire à ce sujet l’article de l’Express : Cuba bercée de culture américaine, malgré les années de brouille
En Corée du Nord , une censure très stricte des médias empêche l’accès aux informations en provenance de l’étranger. Ce sont les initiatives de transfuges passés en Corée du Sud qui permettent l’accès à des informations venues de l’extérieur. Mais des militants américains sont aussi impliqués :
« FreeNK Radio (Radio libre Nord-Corée)
Kim Seong-min, le créateur de FreeNK Radio, était un militaire nord-coréen chargé de surveiller les émissions de radio en provenance de l’étranger, ce qui signifie que ses fonctions l’ont amené à avoir accès à des sources qui lui ont révélé ce qu’était le monde extérieur : « J’ai compris que la Corée du Nord n’était pas le paradis socialiste, mais le régime totalitaire le plus rétrograde du monde. Cela a été un choc complet », a-t-il confié aux États-Unis à la Fondation nationale pour la démocratie . Il a fait défection en 1996 et créé FreeNK Radio en 2004, convaincu par son expérience que le meilleur moyen d’aider la population nord-coréenne était de lui fournir de l’information plutôt que de l’aide alimentaire, car l’information « sème les graines qui feront germer les droits de l’homme ».
Depuis 2006, la station émet quotidiennement sur ondes courtes vers la Corée du Nord, aux heures où le brouillage est moindre (de 19h à 19h30 et de 2h à 2h30 du matin). Les programmes diffusent des messages politiques (par exemple, des discours de Hwang Jang-yop) et des témoignages de transfuges, qui racontent comment ils ont fui le Nord et transité par la Chine, et comment est leur nouvelle vie au Sud. Plus récemment, l’émission « Lettres d’Amérique » a diffusé des messages envoyés aux Nord-Coréens par des citoyens américains, souvent de la mouvance religieuse militante, qui veulent « faire connaître la vérité sur [leur] pays, [leurs] valeurs et [leur] engagement aux côtés de la population nord-coréenne ». Mêlant prières, proclamations de solidarité et informations de base sur la vie aux États-Unis, ces « lettres », souvent simplistes, veulent prouver que, contrairement à ce qu’affirme la propagande nord-coréenne, les Américains sont capables de compassion : « Hello. Je m’appelle Sandra et j’habite près de Washington, la capitale de l’Amérique. Je veux juste que vous sachiez que je pense tout le temps à vous. Dieu m’a donné trois fils et je leur ai appris qu’en Corée du Nord des enfants meurent de faim (…) Parfois, quand je prépare le dîner de mes enfants, je pense aux mères nord-coréennes qui essaient désespérément de nourrir les leurs. Je ne peux même pas imaginer comme il doit être affreux pour elles de ne pas avoir de quoi nourrir ces enfants qu’elles aiment tant. Mon cœur se brise et je pleure. Vous pensez sans doute que cela n’a aucun sens, parce que je ne vous connais pas et que j’habite de l’autre côté de la Terre. Mais, chers Nord-Coréens, vous devez savoir que les Américains pensent comme moi ».
Il semblerait que l’impact potentiel de ces émissions soit plus grand que celui des émissions de Voice of America et de Radio Free Asia, parce qu’elles permettent à des Nord-Coréens d’interagir directement avec leurs concitoyens depuis Séoul. Les transfuges qui animent FreeNK Radio utilisent le dialecte, les intonations et la façon de s’exprimer des présentateurs auxquels la population nord-coréenne est habituée. Cette proximité de langage confère un accent de vérité à des messages qui peuvent être par ailleurs très choquants pour ceux auxquels ils s’adressent. Aucune donnée fiable ne permet de mesurer l’audience de ces émissions, mais une enquête menée en 2006 par la Korean Press Foundation auprès de 300 Nord-Coréens nouvellement arrivés a montré que 13 d’entre eux (4,2 %) avaient écouté des émissions de radio venant de l’étranger. Rapporté à la population totale du Nord, ce nombre, qui peut paraître insignifiant, représente tout de même au moins 200000 personnes.
En 2005, Pyongyang a demandé au gouvernement sud-coréen de mettre fin à l’activité de FreeNK Radio. Les huit personnes qui l’animent ont reçu des menaces par téléphone et par courrier ; ses locaux ont été vandalisés. Ces manifestations hostiles ont contraint la station à déménager dans la banlieue de Séoul. Si FreeNK Radio suscite de telles réactions en Corée du Sud, c’est en raison de sa grande visibilité. Ses détracteurs l’accusent de menacer la paix et la sécurité de la péninsule en compromettant la politique de dialogue avec le Nord, de revenir à l’agressivité de la Guerre froide et de continuer à émettre « bien que les deux Corées soient officiellement convenues de cesser toute propagande hostile ».
Une petite partie des groupes de transfuges militants est donc passée d’une stratégie visant à influencer l’opinion sud-coréenne afin de peser sur la politique du gouvernement à deux autres formes d’action : la sensibilisation de la population nord-coréenne et la formation des futurs leaders d’une Corée du Nord libérée, qui pourraient d’ores et déjà former un gouvernement en exil. L’idée de formation a été lancée par les deux comités successifs organisés avec le soutien des activistes américains. Ses promoteurs estiment que la transformation de la Corée du Nord en démocratie après l’effondrement du régime ne pourra être menée à bien que par une nouvelle génération de dirigeants avertis des normes internationales en la matière. À cet effet, diverses formations au leadership, aux droits de l’homme ou aux principes de la démocratie sont organisées dans la communauté des transfuges. Citons à titre d’exemple le programme « Leadership Education » organisé depuis 2005 par l’Alliance citoyenne pour les droits de l’homme en Corée du Nord (Citizens’ Alliance for North Korean Human Rights), une ONG basée à Séoul. En revanche, le rôle joué dans ce domaine par les activistes basés aux États-Unis suscite beaucoup de méfiance en Corée du Sud. Leurs connections et le fait que ces programmes soient souvent financés avec l’aide du National Endowment for Democracy font que ces groupes sont souvent considérés en Corée du Sud comme des marionnettes manipulées par les néoconservateurs américains. Il en résulte qu’il est très difficile pour les politiciens sud-coréens de reprendre ou de s’approprier leurs arguments. »
Source : Chubb, Danielle. « Le combat des activistes nord-coréens en Corée du Sud », Critique internationale, vol. 49, no. 4, 2010, pp. 37-51.
On estime que 81 % des Nord-Coréens ayant fait défection ont vu des films étrangers sur des clés USB venues de Corée du Sud :
« Voilà plus de deux ans que des Nord-Coréens ayant fait défection jettent deux fois par mois à la mer des centaines de bouteilles remplies de nourriture, d'argent, de médicaments et de clés USB.
A en croire Jung-oh, un autre Nord-Coréen ayant fait défection, il faut entre quatre et cinq heures pour que les bouteilles atteignent le rivage nord-coréen le plus proche.
"Nous avons tous vécu pendant au moins 30 ou 40 ans en Corée du Nord et nous savons exactement ce dont les gens là-bas ont envie et besoin", dit M. Park.
"Quand ils verront le contenu de nos clés USB, ils réaliseront qu'ils ont été dupés par leur gouvernement", assure-t-il.
Rien ne permet de vérifier que les bouteilles arrivent à bon port, mais M. Jung assure que les garde-côtes sud-coréens lui ont indiqué qu'elles étaient souvent récupérées par les bateaux de pêche nord-coréens.
Les clés USB contiennent des films, des programmes d'actualité, des clips de musique pop sud-coréenne...
"Elles montrent ce qu'est la liberté", dit-il. "Ce n'est pas un problème en Corée du Sud mais c'est interdit au Nord. Voilà ce que nous voulons montrer."
Une étude réalisée en 2015 avait laissé entendre que 81 % des Nord-Coréens ayant fait défection avaient vu des films étrangers sur ce type de clés USB avant de passer au Sud. »
Source : Des clés USB à la mer: la bataille de l'information des transfuges nord-coréen, lepoint.fr
Enfin concernant l’influence de la culture américaineen Chine (qui est bien présente), vous pourrez écouter l’émission de rts.ch : Les Etats-Unis et la culture américaine vus de Chine.
Voir aussi :
Quelle influence des États-Unis en Asie? Virginie Lippé
Bonne journée.
Il nous sera difficile de quantifier l’impact de l’hégémonie culturelle américaine sur la disparition de l’URSS, celle-ci faisant l’objet de controverses que nous n’aurons pas la prétention de trancher. Mais on peut au moins affirmer que tout au long de la guerre froide, du côté américain comme soviétique, les médias ont été utilisés comme arme de propagande :
« Qui dit guerre froide pense course aux armements, rideau de fer, dissuasion nucléaire. Mais la lutte que se menèrent les deux blocs fut surtout idéologique et psychologique : la guerre froide était aussi et peut-être avant tout une guerre d’images, d’idées, de propagande, de désinformation et de pression diplomatique. En l’absence de guerre ouverte et directe entre les États-Unis et l’URSS, l’information et les médias devinrent un enjeu décisif permettant de relayer des messages et de véhiculer une idéologie. Ainsi, durant la guerre froide, Américains et Soviétiques usèrent largement de la propagande afin de s’assurer le soutien des populations et de susciter le rejet (voire la haine) de l’ennemi. À travers la propagande, c’était donc la légitimation et la promotion des idées des uns et des autres qui étaient en jeu.
Les médias, armes de communication massive
La propagande par les médias a été privilégiée pendant la guerre froide pour trois raisons principales : tout d’abord, les médias sont des canaux de diffusion des idées, donc un vecteur de l’idéologie. Or, convaincre par les idées peut avoir un impact aussi fort que convaincre par la force. Par ailleurs, l’information, immatérielle et évanescente, ne connaît pas de frontière, de ligne de délimitation. Elle peut s’immiscer d’autant plus facilement dans d’autres pays qu’elle est difficile à contrer. Enfin, parce qu’il est aisé pour un gouvernement d’utiliser les médias de manière subreptice, sans se dévoiler et donc sans montrer que derrière d’anodins programmes de radio se cache en réalité une politique d’influence de la part d’un État.
Le rôle des médias de masse fut ainsi détourné afin de servir les objectifs des gouvernements, devenant un outil de guerre à part entière.
Et pour ce faire, tous les canaux, toutes les tribunes furent utilisés et politisés. D’un côté comme de l’autre, des journalistes, des écrivains, des artistes, des savants, des cinéastes furent mobilisés. Et derrière, de manière directe ou indirecte, les gouvernements américains et soviétiques pilotaient, influençaient, finançaient les radios, journaux et revues. Comme l’affirme Tony Shaw, « pratiquement tout, du sport au ballet de danse en passant par les bandes dessinées et les voyages dans l’espace, laissait supposer une signification politique et pouvait être potentiellement déployé comme une arme afin d’à la fois former l’opinion américaine et de subvertir les sociétés à l’étranger ». […]
Les Américains ont vu dans quelques réactions soviétiques les preuves du succès de leur stratégie. En 1949, ils ont par exemple constaté que l’URSS dépensait quatre fois plus d’argent et utilisait dix fois plus de personnel qu’eux pour brouiller les signaux des radios américaines. Un diplomate, George V. Allen, affirma d’ailleurs qu’« ils ne se seraient pas donné cette peine si les programmes n’étaient pas efficaces ». En 1956, l’URSS se plaignit officiellement de l’acharnement de la campagne de propagande américaine, les États-Unis étant avantagés par les moyens techniques à leur disposition.
Pour d’autres toutefois, le constat est différent. Dans une analyse de la CIA concernant les opérations secrètes, le Major D. H. Berger affirme que le consensus parmi les historiens intéressés par les covert actions est que ces activités n’ont pas rempli les objectifs fixés au préalable. D’un point de vue purement coût-avantage, beaucoup des actions secrètes menées par les États-Unis pendant la guerre froide furent un échec lamentable. Les effectifs et l’argent furent alloués à diverses opérations en énormes quantités, et pourtant dans chaque cas les objectifs de créer et étendre une résistance anti-communiste viable ne furent pas réalisés. Ces opérations étaient toutefois perçues comme nécessaires dans le sens où une confrontation directe avec l’URSS était impensable, et que l’action, quelle qu’elle soit, était toujours mieux que l’inaction.
Sur un plan plus général, l’hégémonie américaine, et surtout ses méthodes pour diffuser la culture et les informations américaines étaient fortement contestées – et la crédibilité américaine affaiblie, notamment après les révélations faites par des journalistes américains sur l’implication de la CIA dans nombre de projets et programmes culturels. Car en effet, le gouvernement américain, pour soutenir son effort de propagande, a fait usage de méthodes peu démocratiques pour paradoxalement promouvoir les valeurs démocratiques. L’historien Gaddis Smith, spécialiste de la guerre froide, signale une « contradiction insoluble » : « Comment les États-Unis pouvaient-ils promettre de respecter le droit de chaque nation à déterminer son propre mode de vie et en même temps insister pour que ce mode de vie imite l’idéal américain ? »
Une question qui reste, semble-t-il, d’actualité… ? »
Lepri, Charlotte. « De l'usage des médias à des fins de propagande pendant la guerre froide », Revue internationale et stratégique, vol. 78, no. 2, 2010, pp. 111-118.
Du côté américain, la radio était une arme de propagande privilégiée :
« [La] coordination des efforts de propagande fut confiée jusqu’en 1953 au département d’Etat. L’US Information Agency, créée pour donner une certaine cohérence à cette activité, prit ensuite le relais. Voice of America fut le principal vecteur d’influence radiophonique utilisé par l’administration américaine. Les émissions de radio internationales avaient été coordonnées pendant la seconde guerre mondiale par l’Office of War Information créé en juin 1942, les stations privées provisoirement rattachées à ce système étant dénommées « Voice of America ». Cette structure fut supprimée dès le 31 août 1945 par le président Truman et le bien fondé du maintien d’émissions radiophoniques officielles vers l’étranger devint l’objet d’importants débats. En janvier 1948, le Bill Smith-Mundt donna finalement une forme permanente aux activités d’information menées par le Département d’Etat. « La facilité avec laquelle il fut accepté était indubitablement due à la plus forte intensité de la guerre froide ». Le blocus de Berlin en juin 1948, le déclenchement de la guerre de Corée en 1950 apportèrent des moyens accrus à la radio. Une instruction secrète donnée par le président Truman en septembre 1950 confirma par ailleurs son orientation de plus en plus polémique, l’invitant à : « combattre le communisme en exposant ses mensonges et en le tournant en ridicule ». L’U.S. Information Agency avec ses 43 émetteurs grande puissance basés aux Etats-Unis et ses 59 émetteurs installés dans les pays étrangers possédait un puissant réseau de diffusion. L’impact réel de ces émissions reste difficile à estimer. Le brouillage soviétique fut très inégal, son intensité maximum s’inscrivant dans la période 1960-1963. Grâce à des accords passés avec les télévisions nationales ou par l’intermédiaire d’agences privées 2000 stations diffusaient également les programmes de l’USIA en 1965. En 1972 l’agence touchait une audience de 900 millions de personnes à travers 97 pays. Son directeur pouvait déclarer : « J’ai bon espoir qu’avec le développement massif des moyens de communication nous serons bientôt capables de vivre dans un monde où le livre accès à la conscience des peuples nous permettra d’atteindre nos objectifs à travers des affrontements intellectuels plutôt que par les armes et les pressions politiques. »
Une cohérence incertaine
Les initiatives du Département d’Etat puis de l’USIA furent « complétées » par des initiatives venant de différents départements.
La CIA favorisa des stations destinées plus directement à contrer l’idéologie communiste. Radio Free Europe et Radio Liberty furent les plus importantes. Radio Free Asia émit entre 1951 et 1955 vers les pays d’Asie alors que Radio Swan « fausse radio pirate » émit vers Cuba au début des années 1960. Leur statut « indépendant » leur permettait de tenir un discours plus polémique. Radio Liberty trouva une réelle originalité dans ce dispositif en raison de l’importance qu’elle donna aux émigrés venant d’Union soviétique. La première émission s’ouvrit le 14 janvier 1954 sur ces mots : « Today, Stalin is 73 years and 24 days old. The Staline ra is drawing to a close. And now listen for the new ». Lorsque le système soviétique commença à expulser ses « dissidents » Radio Liberty leur permit de s’adresser à leurs compatriotes. Amalrik, Nekrassov, Kuznetsov, Sinyavsky prêtèrent ainsi leur concours aux émissions.
Le département de la Défense développa également un important réseau de diffusion sur l’ensemble de la planète. Au début des années 60 le Service Radio des Forces Armées, devenu en 1954 le Service Radio et Télévision des Forces Armées, disposait de 38 émetteurs de télévision et de plus de 200 émetteurs radio hors du territoire national. Destinés en principe à satisfaire les besoins en programmes des citoyens américains vivant à l’étranger et des militaires basés dans les pays alliés, ces émissions touchaient également un important public étranger. Pour un auditeur américain concerné par ces émissions on estimait qu’en moyenne 20 auditeurs étrangers écoutaient ou regardaient les émissions. »
Source : Fondation et empire : l'hégémonie américaine dans les communications internationales 1919-1980, Pascal Griset, Réseaux. Communication - Technologie - Société Année 1991 49 pp. 73-89
Dans l’article « Le rock russe. Conquérir une liberté intérieure », (Le Courrier des pays de l'Est, vol. no 1058, no. 6, 2006, pp. 36-46), Céline Bayou s’intéresse à l’impact du rock sur la population russe pendant la guerre froide :
« Les efforts déployés par les Soviétiques pour avoir accès au rock occidental sont mémorables : écoute assidue, malgré le brouillage des ondes, de la BBC, circulation sous le manteau de disques étrangers, enregistrements à l’infini sur les bandes de plus en plus fatiguées de magnétophone, etc., tout cela était illégal et s’apparentait dès lors à un acte, sinon de dissidence, du moins de résistance.
Dans les années 1960, outre la musique classique, les autorités soviétiques diffusaient des variétés, par le biais de la seule maison de disques du pays, Melodya. Pour être reconnu officiellement, il fallait être un musicien professionnel, estampillé par le Goskontsert.
Mais il existait une autre tradition, qui n’avait pas le disque pour support, celle des chanteurs « à textes », les fameux « bardes russes » : Boulat Okoudjava ou Vladimir Vissotsky, pour ne citer que les plus connus, pratiquaient un genre musical à part, en s’accompagnant d’une simple guitare acoustique, et portaient une attention toute particulière à la valeur poétique des paroles de leurs chansons qui pouvaient se révéler subversives et se propageaient par le bouche à oreille.
Les premiers groupes de rock soviétiques sont apparus à cette époque et chantaient en anglais. Mais c’est en russe que Machina Vremeni (La machine à explorer le temps) a pratiqué dès 1969 à Moscou un pop rock marqué par l’influence des Beatles. Les rockers russes des années 1970 ne jugeront, en effet, pas nécessaire de chanter en anglais. L’attention qu’ils portaient aux mots, liée à la grande tradition poétique russe, s’explique d’autant mieux que la qualité de ce rock émergent ne pouvait être musicale, compte tenu de l’absence d’instruments dignes de ce nom ou d’amplificateurs, et de l’obligation implicite de jouer « discrètement » si l’on ne voulait pas attirer l’attention de la police (les concerts se déroulaient bien souvent dans un appartement, face à un auditoire d’amis). La diffusion de ces groupes se faisait grâce au magnitizdat, enregistrement clandestin, équivalent audio du fameux samizdat littéraire. Dignes héritiers des bardes russes, les rockers modernisaient une tradition : ils lisaient Pouchkine, Blok et Tolkien, et écoutaient le Velvet Underground, Donovan et Okoudjava.
[…]
Perçu par les uns comme une déviance idéologique et morale, le rock apparaissait alors à d’autres comme une alternative au mode de vie soviétique.
Cette échappée était contenue dans l’esprit rock tout autant que dans les paroles : les rockers de cette époque n’ont pas eu forcément pour ambition de narguer la censure en offrant des «protest songs». Le défi consistait bel et bien à faire de la musique. Alexis Ipatovtsev, producteur à France Culture et à l’époque journaliste inséré dans l’underground leningradois, rapporte que le milieu des musiciens rock de cette période niait carrément la réalité soviétique. Dans des appartements d’un autre âge, au café Saïgon, quartier général de la bohême leningradoise, poètes, musiciens et autres artistes, mais aussi étudiants et informateurs du KGB se retrouvaient pour discuter de philosophie, de bouddhisme, pratiquer la méditation et prôner la fraternité dans une sorte de monde parallèle. Les tenants de la contre-culture rock, s’ils appartenaient, comme le rappelle souvent B. Grebenchtchikov, à la « génération des portiers et des veilleurs de nuit », ne se voulaient pas pour autant chantres de la dissidence, dont ils se tenaient sciemment éloignés. Leur idéal était la liberté, et non pas de se lancer dans un combat pour la conquérir. »
- La guerre froide culturelle de la CIA, laliberte.ch
- Gygax, Jérôme. « Diplomatie culturelle et sportive américaine : persuasion et propagande durant la Guerre froide », Relations internationales, vol. 123, no. 3, 2005, pp. 87-106.
- L’Amérique racontée aux Soviétiques : la revue Amerika et la diplomatie publique américaine (1945-1952), Justine Faure, Revue d’histoire moderne & contemporaine 2014/4-5 (n° 61-4/4 bis), pages 94 à 124
« FreeNK Radio (Radio libre Nord-Corée)
Kim Seong-min, le créateur de FreeNK Radio, était un militaire nord-coréen chargé de surveiller les émissions de radio en provenance de l’étranger, ce qui signifie que ses fonctions l’ont amené à avoir accès à des sources qui lui ont révélé ce qu’était le monde extérieur : « J’ai compris que la Corée du Nord n’était pas le paradis socialiste, mais le régime totalitaire le plus rétrograde du monde. Cela a été un choc complet », a-t-il confié aux États-Unis à la Fondation nationale pour la démocratie . Il a fait défection en 1996 et créé FreeNK Radio en 2004, convaincu par son expérience que le meilleur moyen d’aider la population nord-coréenne était de lui fournir de l’information plutôt que de l’aide alimentaire, car l’information « sème les graines qui feront germer les droits de l’homme ».
Depuis 2006, la station émet quotidiennement sur ondes courtes vers la Corée du Nord, aux heures où le brouillage est moindre (de 19h à 19h30 et de 2h à 2h30 du matin). Les programmes diffusent des messages politiques (par exemple, des discours de Hwang Jang-yop) et des témoignages de transfuges, qui racontent comment ils ont fui le Nord et transité par la Chine, et comment est leur nouvelle vie au Sud. Plus récemment, l’émission « Lettres d’Amérique » a diffusé des messages envoyés aux Nord-Coréens par des citoyens américains, souvent de la mouvance religieuse militante, qui veulent « faire connaître la vérité sur [leur] pays, [leurs] valeurs et [leur] engagement aux côtés de la population nord-coréenne ». Mêlant prières, proclamations de solidarité et informations de base sur la vie aux États-Unis, ces « lettres », souvent simplistes, veulent prouver que, contrairement à ce qu’affirme la propagande nord-coréenne, les Américains sont capables de compassion : « Hello. Je m’appelle Sandra et j’habite près de Washington, la capitale de l’Amérique. Je veux juste que vous sachiez que je pense tout le temps à vous. Dieu m’a donné trois fils et je leur ai appris qu’en Corée du Nord des enfants meurent de faim (…) Parfois, quand je prépare le dîner de mes enfants, je pense aux mères nord-coréennes qui essaient désespérément de nourrir les leurs. Je ne peux même pas imaginer comme il doit être affreux pour elles de ne pas avoir de quoi nourrir ces enfants qu’elles aiment tant. Mon cœur se brise et je pleure. Vous pensez sans doute que cela n’a aucun sens, parce que je ne vous connais pas et que j’habite de l’autre côté de la Terre. Mais, chers Nord-Coréens, vous devez savoir que les Américains pensent comme moi ».
Il semblerait que l’impact potentiel de ces émissions soit plus grand que celui des émissions de Voice of America et de Radio Free Asia, parce qu’elles permettent à des Nord-Coréens d’interagir directement avec leurs concitoyens depuis Séoul. Les transfuges qui animent FreeNK Radio utilisent le dialecte, les intonations et la façon de s’exprimer des présentateurs auxquels la population nord-coréenne est habituée. Cette proximité de langage confère un accent de vérité à des messages qui peuvent être par ailleurs très choquants pour ceux auxquels ils s’adressent. Aucune donnée fiable ne permet de mesurer l’audience de ces émissions, mais une enquête menée en 2006 par la Korean Press Foundation auprès de 300 Nord-Coréens nouvellement arrivés a montré que 13 d’entre eux (4,2 %) avaient écouté des émissions de radio venant de l’étranger. Rapporté à la population totale du Nord, ce nombre, qui peut paraître insignifiant, représente tout de même au moins 200000 personnes.
En 2005, Pyongyang a demandé au gouvernement sud-coréen de mettre fin à l’activité de FreeNK Radio. Les huit personnes qui l’animent ont reçu des menaces par téléphone et par courrier ; ses locaux ont été vandalisés. Ces manifestations hostiles ont contraint la station à déménager dans la banlieue de Séoul. Si FreeNK Radio suscite de telles réactions en Corée du Sud, c’est en raison de sa grande visibilité. Ses détracteurs l’accusent de menacer la paix et la sécurité de la péninsule en compromettant la politique de dialogue avec le Nord, de revenir à l’agressivité de la Guerre froide et de continuer à émettre « bien que les deux Corées soient officiellement convenues de cesser toute propagande hostile ».
Une petite partie des groupes de transfuges militants est donc passée d’une stratégie visant à influencer l’opinion sud-coréenne afin de peser sur la politique du gouvernement à deux autres formes d’action : la sensibilisation de la population nord-coréenne et la formation des futurs leaders d’une Corée du Nord libérée, qui pourraient d’ores et déjà former un gouvernement en exil. L’idée de formation a été lancée par les deux comités successifs organisés avec le soutien des activistes américains. Ses promoteurs estiment que la transformation de la Corée du Nord en démocratie après l’effondrement du régime ne pourra être menée à bien que par une nouvelle génération de dirigeants avertis des normes internationales en la matière. À cet effet, diverses formations au leadership, aux droits de l’homme ou aux principes de la démocratie sont organisées dans la communauté des transfuges. Citons à titre d’exemple le programme « Leadership Education » organisé depuis 2005 par l’Alliance citoyenne pour les droits de l’homme en Corée du Nord (Citizens’ Alliance for North Korean Human Rights), une ONG basée à Séoul. En revanche, le rôle joué dans ce domaine par les activistes basés aux États-Unis suscite beaucoup de méfiance en Corée du Sud. Leurs connections et le fait que ces programmes soient souvent financés avec l’aide du National Endowment for Democracy font que ces groupes sont souvent considérés en Corée du Sud comme des marionnettes manipulées par les néoconservateurs américains. Il en résulte qu’il est très difficile pour les politiciens sud-coréens de reprendre ou de s’approprier leurs arguments. »
Source : Chubb, Danielle. « Le combat des activistes nord-coréens en Corée du Sud », Critique internationale, vol. 49, no. 4, 2010, pp. 37-51.
On estime que 81 % des Nord-Coréens ayant fait défection ont vu des films étrangers sur des clés USB venues de Corée du Sud :
« Voilà plus de deux ans que des Nord-Coréens ayant fait défection jettent deux fois par mois à la mer des centaines de bouteilles remplies de nourriture, d'argent, de médicaments et de clés USB.
A en croire Jung-oh, un autre Nord-Coréen ayant fait défection, il faut entre quatre et cinq heures pour que les bouteilles atteignent le rivage nord-coréen le plus proche.
"Nous avons tous vécu pendant au moins 30 ou 40 ans en Corée du Nord et nous savons exactement ce dont les gens là-bas ont envie et besoin", dit M. Park.
"Quand ils verront le contenu de nos clés USB, ils réaliseront qu'ils ont été dupés par leur gouvernement", assure-t-il.
Rien ne permet de vérifier que les bouteilles arrivent à bon port, mais M. Jung assure que les garde-côtes sud-coréens lui ont indiqué qu'elles étaient souvent récupérées par les bateaux de pêche nord-coréens.
Les clés USB contiennent des films, des programmes d'actualité, des clips de musique pop sud-coréenne...
"Elles montrent ce qu'est la liberté", dit-il. "Ce n'est pas un problème en Corée du Sud mais c'est interdit au Nord. Voilà ce que nous voulons montrer."
Une étude réalisée en 2015 avait laissé entendre que 81 % des Nord-Coréens ayant fait défection avaient vu des films étrangers sur ce type de clés USB avant de passer au Sud. »
Source : Des clés USB à la mer: la bataille de l'information des transfuges nord-coréen, lepoint.fr
Enfin concernant l’influence de la culture américaine
Quelle influence des États-Unis en Asie? Virginie Lippé
Bonne journée.
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