Question d'origine :
Dans les années 40-60 il existait un bistrot célèbre appelé "AU MAL ASSIS", pendaient du plafond toutes sortes d'objets ( j'y ai vu même des béquilles). Dans mon prochain livre je parle de ce bistrot le situant re Grenette; mais en fait je pense qu'il était situé place des Jacobins.
Vous est-il possible de m'indiquer où exactement était situé ce célèbre café ?
ps: un livre a été écrit qui porte le nom de ce bistrot mais je n'ai pu le retrouver :
GRANCHER M.-E
Au mal assis, roman lyonnais Les Editions Lugdunum 1934
Réponse du Guichet
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- Département : Documentation régionale
Le 30/06/2005 à 09h12
L’écrivain Marcel Grancher, également connu à Lyon pour sa participation auprès de Frédéric Dard à la rédaction de l’hebdomadaire Le Mois à Lyon, a bien écrit un ouvrage intitulé Le Mal assis. Cependant, comme le signale l’auteur dans l’ "Avant-propos" de ce roman : «Ne cherchez pas, à Lyon, ce "Mal assis". Il n’existe que dans mon rêve. Il y a bien chez nous, quelque part entre Rhône et Saône, un établissement pittoresque portant ce nom. Je me suis borné à y glaner ça et là de nombreux traits, à y pêcher quelques types – et surtout à lui emprunter le titre de ce livre […]. Pourquoi ne pas prendre comme cadre l’un de ces petits "bistrots" si nombreux par nos rues, où le beaujolais est parfais ; succulente la "cochonnaille" ; sympathique, l’atmosphère ? Bien que la clientèle y soit parfois fort mélangée, on y voit rarement converser ensemble un député et des filles, un banquier et des camionneurs, un soyeux et des entremetteuses. Converser, peut-être ! Mais, boire côte à côte, à coup sûr.»
Bien qu’elle doive être prise avec précaution, la description donnée par Marcel Grancher de son "Mal assis" reflète certainement l’atmosphère qui régnait dans ce café au cours des années 1930 :
«Pétrus [principal personnage du roman], tout en disposant artistement sur des plats de faïence les “cochonnailles” que, tout à l’heure, les clients ne manqueraient pas de lui réclamer afin de “couper le vin”, promenait sur ses domaines un regard satisfait. Pas de luxe, certes, au "Mal assis", mais un confort quiet et solide, tout à fait selon la norme lyonnaise. Si, afin de justifier la tradition du lieu, on buvait toujours devant un tonneau et les fesses posées de guingois sur un escabeau, l’un et l’autre étaient de bois poli, soigneusement entretenu à la cire. Et si l’on servait en des verres à grosses côtes, c’était uniquement parce que les habitués le préféraient ainsi. D’ailleurs, en ces verres, ne versait-on pas les plus purs nectars du Beaujolais et de Bourgogne, voire ce produit si rare des vignobles de l’Ain : le Montagnieu pétillant, orgueil de la maison.» [p.19-20] […] «Les murs du "Mal assis" portaient comme un vivant témoignage. Partout, accrochés en façon d'ex-voto, des souvenirs, d'ordres infiniment divers, en disaient l'histoire, pittoresque ou émouvante. Tout d'abord, de part et d'autre du comptoir, c'étaient les portraits jumeaux du grand-père et du père de Pétrus, mêmes visages barrés des mêmes moustaches terribles, et que surmontait, découpée en triangle, l'enseigne fameuse […]. Puis, serrés sur des étagères ou suspendus un peu partout, et jusqu'à des cordes rasant le plafond, à côté des mortadelles obèses et des chapelets de saucisses, se voyait un invraisemblable chaos d'objets curieux, apportés quelque jour en hommage par des clients enthousiastes. Il y avait là d'attendrissantes photographies, des gravures, des tableaux. Et des douilles d'obus, des statuettes nègres, des poupées, des massues, des crémaillères, des gourdes, des œufs d'autruche, des crocodiles empaillés, des fouets, des clefs, des aumônières, des ivoires japonais, des cannes de compagnonnage, des banjos. Et, des bateaux sculptés à l'intérieur d'une bouteille, présents de quelque navigateur. Et, jusqu'à une mitrailleuse allemande». [p.22-23] |
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’histoire du "Mal assis" est relativement bien documentée pour un établissement de ce type. Dès 1902, il figure en bonne place dans l’ouvrage de John Grand-Carteret, L'enseigne : son histoire, sa philosophie, ses particularités. On peut ainsi y lire :
«Le Mal-Assis toujours existant, où se vendent vins, liqueurs, sirops, où des chaises, au dossier illustré, extérieurement posées, servent en quelque sorte d'enseigne, de réclame; où le mousseux au vin blanc — spécialité de l'endroit — fraternise avec toute une collection de peintures et de dessins, véritable musée des célébrités lyonnaises, allant de Clarion, le fameux distributeur de prospectus, à Castellane, le maréchal des grognards. Au Mal-Assis est un bar, et ainsi présente une intention satirique, puisque dans les bars le public, consommant plus généralement debout, se trouve être forcément..... mal assis. Au résumé : enseigne malicieuse, boutique pittoresquement amusante, grâce à un mélange aujourd'hui fréquent.» |
Pour conclure, le "Mal-assis", sorte de bistrot-musée, est fondé vers 1870, 4 rue Jean-de-Tournes, voie menant en effet à la place des Jacobins depuis la rue de la République. D’abord épicerie, l’établissement se transforme rapidement en comptoir tenu par un Cornillot Aîné puis par Louis Charrix. Il est encore référencé dans les Annuaires de la Ville au début des années 1970. A l’origine, il offre une spécialité de mousseux au vin blanc à déguster impérativement debout au bar, d’où le nom de la maison. Pour l’anecdote, un concurrent, installé dans le quartier préféra choisir une enseigne plus accueillante : "Au bien assis" ! (source : Bistrots de Lyon : histoires et légendes, par Bernard Frangin)
Devanture du "Mal assis", dessin de Gustave Girrane paru dans Le Progrès illustré (BML, 5752; microfilm F1611), repris dans L'enseigne : son histoire, sa philosophie, ses particularités, par John Grand-Carteret, 1902, p.269
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