Mystère de l'origine du fétichisme des pieds
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 22/12/2019 à 12h21
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Question d'origine :
Bonjour guichet du savoir, aujourd'hui dans un anonymat qui n'a jamais été aussi confortable, j'aimerais savoir si vous auriez des pistes sur l'origine de mon fétichisme. J'ai une attirance très forte pour les pieds, au point que c'est une attirance plus forte que celle pour toutes les autres pratiques sexuelles (ce qui est parfois embêtant), et que je semble avoir depuis mon plus jeune âge.
Dès tout petit, vers 4/5 ans, je me souviens avoir eu des fantasmes à propos des pieds, et parfois même de frotter mon entrejambe sur un matelas en y pensant, même si je ne connaissais pas encore la jouissance. Oui ça fait vachement tôt, et ça m'inquiète un peu parfois de me demander à quel point mes parents et mon entourage ont pu se rendre compte de ça, est-ce que j'en parlais ? Quand j'étais petit j'ai aussi massé les pieds d'un camarade de classe qui était mon meilleur ami à cette époque , et une fois je crois que, sous mon initiative, on a joué à "être bloqué dans la chaussure d'un géant" tous les deux. Mais jamais rien de sexuel avec lui, je ne bandais pas et je pense que lui encore moins (et il me suivait dans le délire et s'amusait bien aussi, alors qu'il ne semblait pas fétichiste du tout par contre). Bref, dès 7/8 ans, l'âge de raison, j'ai fait au mieux pour cacher ça.
Mais depuis que je suis tout petit mes parents, surtout mon père, font énormément de blagues/vannes/taquineries parlant de pieds, et je ne sais pas pourquoi ? Si je prends juste mes souvenirs d'enfance, ce mot a été évoqué bien trop de fois par rapport à la "normale", j'ai l'impression. Peut-être mes parents étaient-ils fétichistes ? Peut-être est-ce simplement qu'un pied pour eux c'est drôle, ridicule ? (Je craignais aussi, à un moment, qu'ils fassent toutes ces allusions à cause du fait que j'étais attiré par ça et que ça se voyait, mais au fond est-ce que mon attirance viendrait de toutes ces allusions ? La question revient un peu à « qui de l'oeuf ou la poule »...)
Par ailleurs, vu que mes parents étaient musulmans et m'évitaient de rencontrer la moindre mention de choses sexuelles, et que je n'avais pas beaucoup de relations ou d'amis quand j'étais petit, vu que je me renfermais sur moi-même, je pense à une hypothèse aussi... Peut-être que, n'ayant jamais entendu parler de pénis et de vagin jusqu'à 10 ans (je croyais encore que le papa et la maman faisaient un bébé en s'embrassant sur la bouche seulement...), mon désir sexuel naissant assez tôt s'est replié sur cette autre partie du corps ? Cette partie du corps qu'on cache assez souvent, mais qui, au moins, se dévoilait à moi parfois, avait quelque chose de plus rassurant...
J'aimerais donc savoir si vous avez des éléments pour y voir plus clair, désolé si la question est longue (mais une remise en contexte s'imposait...). Merci de vous pencher sur ce grand mystère de mon existence, et joyeuses fêtes
Réponse attendue le 27/12/2019
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 27/12/2019 à 09h20
Bonjour,
Si le fétichisme a beaucoup été étudié, l’explication de la fixation sur tel ou tel objet varie en fonction de l’histoire et du milieu de l’individu. Il est donc difficile de trouver des réponses pour un cas précis.
« Le fétichisme du pied est une paraphilie caractérisée par un désir et une excitation sexuelle pour les pieds parfois à l'exclusion de tout le reste. Au sens populaire du terme, le fétichisme du pied est l'amour du pied, sans que cela revête un caractère d'exclusivité, et ne diffère en rien du fétichisme des seins ou de celui des fesses qui sont les fétichismes les plus courants, c'est-à-dire les parties du corps qui sont les plus désirées dans les relations sexuelles. Plusieurs éléments tels que l'odorat, le toucher et la vue du pied peuvent provoquer l'excitation. Cependant, comme pour tout type de fétichisme sexuel, il peut négativement influencer la vie quotidienne de l'individu concerné. Dans ce cas, des traitements comportementaux ou médicamenteux s'avèrent nécessaires pour réduire ou effacer l'impact négatif.
D'après de nombreuses études, le fétichisme du pied est considéré comme le fétichisme sexuel et préférence sexuelle les plus répandus au monde. Il survient possiblement à un très jeune âge et généralement dès la petite enfance ou au début de l'adolescence , et rarement à l'âge adulte ».
La suite de l’article Le fétichisme du pied sur Wikipedia, notamment le paragraphe Recherches et théories, vous donne les principales explications psychologiques et neurologiques de cet attrait pour les pieds.
Pour les psychanalystes freudiens, le fétichisme, classé dans les perversions (mais au sens simplement de sortant de la norme), est un résultat de l’angoisse de castration et d’un souvenir enfoui.
Dans Les perversions sexuelles, Gérard Bonnet expose les caractéristiques et explications du fétichisme :
« Ce sont Charcot et Magnan, dans leur communication de 1882, qui ont les premiers décrit des cas de fétichismes érotiques, mais c’est à Alfred Binet, en 1887, que revient le mérite d’avoir dénommé cette particularité d’un terme qui l’apparente à un comportement religieux très ancien. Moll et Kraft-Ebing en donnent de très nombreux exemples, y voyant déjà à bon droit l’une des meilleures voies d’accès à la compréhension du phénomène pervers, suivis en cela par Havelock Ellis qui le considère comme le plus bel exemple de «symbolisme érotique » à l’œuvre dans les perversions.
Tel est aussi l’avis de Freud […]. Pour lui, cela ne fait aucun doute : « Le fétiche est le substitut du pénis de la femme (la mère), auquel a cru le petit enfant et auquel, nous savons pourquoi, il ne veut pas renoncer ». […].
On parle stricto sensu de perversion fétichiste dans tous les cas où un sujet ne peut accéder à la jouissance sexuelle sans la présence effective d’un objet, auquel il attribue un pouvoir mystérieux : on insiste tantôt sur son caractère de nécessité (Kraft-Ebbing), tantôt sur sa relation symbolique au sexe (Havelock Ellis), mais les deux ont leur importance. Généralement, le rapport sexuel ne pose pas d’autre problème, et l’intéressé fait rarement appel au thérapeute, sauf en certaines périodes critiques et souvent pour d’autres raisons. »
Il décrit ensuite le symptôme, qui nécessite un objet, qui peut être une partie du corps, qui « se révèle toujours en relation métaphoro-métonymique avec le sexe de la mère » et « nécessaire à la jouissance sexuelle ». Freud voit le fétiche comme lerésidu d’une expérience infantile , « impression sexuelle ressentie au cours de l’enfance », ou « association de pensées symboliques dont l’intéressé n’est le plus souvent pas conscient ».
Binet pour sa part, dans Le fétichisme dans l'amour distinguait un « petit fétichisme » et « un grand fétichisme», exagération pathologique du premier.
Enfin, un article du Monde, moins théorique, nous paraît répondre assez bien à votre questionnement :
Dans Le fétichisme, aimer autrement, "Philippe Brenot, psychiatre et thérapeute de couple, répond au témoignage de Jean, qui s'interroge sur sa fascination érotique pour les pieds".
Extraits :
« De la façon dont vous en parlez, le fétichisme du pied peut être une particularité érotique, voire un art érotique, comme l'ont prétendu certain, s'il respecte deux grandes conditions de la sexualité adulte : ne jamais déranger le partenaire et ne pas trop envahir la vie du sujet . Dans la mesure où votre fétichisme ne gêne pas votre ou vos partenaires et qu'il participe de vos jeux érotiques, je n'en vois pas la difficulté. Certains le cultivent ainsi comme un raffinement érotique.
Si, par contre, il est un empêchement à la relation amoureuse, s'il est un comportement obsessionnel tel que vous ne pouvez obtenir votre excitation sexuelle que par ce seul moyen et qu'il vous gêne dans vos relations intimes, vous pouvez en parler avec un psychothérapeute, médecin ou non médecin, qui vous aidera à mieux comprendre ce que vous vivez , et qui, surtout, vous permettra de vous libérer progressivement de cette contrainte psychique qui est devenue un comportement empêchant. »
Il poursuit : « Vous vous interrogez certainement sur son origine et vous en trouvez plusieurs modes d'explication, sur Internet, par exemple. La plus répandue est celle d'une fixation à cette partie du corps chez un parent, par exemple la mère.Ce qui fait de cette lecture du symptôme une fixation obsessionnelle sur une partie "autorisée" du corps maternel . Mais, comme vous le dites également, c'est une région très investie sur le plan érotique puisque de nombreuses cultures ont choisi de la dissimuler. On sait combien les parties cachées du corps sont plus désirables et excitantes qu'un corps dénudé. De même, le pied enveloppé de lianes, lacets, sandales, bottes, chaussures… est ainsi une sorte de substitut, ou de métaphore, du corps de la femme , surtout autrefois, quand il était toujours dissimulé et que les parties découvertes permettaient aux fantasmes de s'épanouir. »
Pour aller plus loin :
Le fétichisme : études psychanalytiques
Traité du fétichisme : à l'usage des jeunes générations, Jean Streff
Le fétichisme : explication de son origine, Richard Kraft-Ebbing, en ligne
Bonnes lectures et bonne fin d'année !
Si le fétichisme a beaucoup été étudié, l’explication de la fixation sur tel ou tel objet varie en fonction de l’histoire et du milieu de l’individu. Il est donc difficile de trouver des réponses pour un cas précis.
« Le fétichisme du pied est une paraphilie caractérisée par un désir et une excitation sexuelle pour les pieds parfois à l'exclusion de tout le reste. Au sens populaire du terme, le fétichisme du pied est l'amour du pied, sans que cela revête un caractère d'exclusivité, et ne diffère en rien du fétichisme des seins ou de celui des fesses qui sont les fétichismes les plus courants, c'est-à-dire les parties du corps qui sont les plus désirées dans les relations sexuelles. Plusieurs éléments tels que l'odorat, le toucher et la vue du pied peuvent provoquer l'excitation. Cependant, comme pour tout type de fétichisme sexuel, il peut négativement influencer la vie quotidienne de l'individu concerné. Dans ce cas, des traitements comportementaux ou médicamenteux s'avèrent nécessaires pour réduire ou effacer l'impact négatif.
La suite de l’article Le fétichisme du pied sur Wikipedia, notamment le paragraphe Recherches et théories, vous donne les principales explications psychologiques et neurologiques de cet attrait pour les pieds.
Pour les psychanalystes freudiens, le fétichisme, classé dans les perversions (mais au sens simplement de sortant de la norme), est un résultat de l’angoisse de castration et d’un souvenir enfoui.
Dans Les perversions sexuelles, Gérard Bonnet expose les caractéristiques et explications du fétichisme :
« Ce sont Charcot et Magnan, dans leur communication de 1882, qui ont les premiers décrit des cas de fétichismes érotiques, mais c’est à Alfred Binet, en 1887, que revient le mérite d’avoir dénommé cette particularité d’un terme qui l’apparente à un comportement religieux très ancien. Moll et Kraft-Ebing en donnent de très nombreux exemples, y voyant déjà à bon droit l’une des meilleures voies d’accès à la compréhension du phénomène pervers, suivis en cela par Havelock Ellis qui le considère comme le plus bel exemple de «
Tel est aussi l’avis de Freud […]. Pour lui, cela ne fait aucun doute : « Le fétiche est le substitut du pénis de la femme (la mère), auquel a cru le petit enfant et auquel, nous savons pourquoi, il ne veut pas renoncer ». […].
On parle stricto sensu de perversion fétichiste dans tous les cas où un sujet ne peut accéder à la jouissance sexuelle sans la présence effective d’un objet, auquel il attribue un pouvoir mystérieux : on insiste tantôt sur son caractère de nécessité (Kraft-Ebbing), tantôt sur sa relation symbolique au sexe (Havelock Ellis), mais les deux ont leur importance. Généralement, le rapport sexuel ne pose pas d’autre problème, et l’intéressé fait rarement appel au thérapeute, sauf en certaines périodes critiques et souvent pour d’autres raisons. »
Il décrit ensuite le symptôme, qui nécessite un objet, qui peut être une partie du corps, qui « se révèle toujours en relation métaphoro-métonymique avec le sexe de la mère » et « nécessaire à la jouissance sexuelle ». Freud voit le fétiche comme le
Binet pour sa part, dans Le fétichisme dans l'amour distinguait un « petit fétichisme » et « un grand fétichisme», exagération pathologique du premier.
Enfin, un article du Monde, moins théorique, nous paraît répondre assez bien à votre questionnement :
Dans Le fétichisme, aimer autrement, "Philippe Brenot, psychiatre et thérapeute de couple, répond au témoignage de Jean, qui s'interroge sur sa fascination érotique pour les pieds".
Extraits :
« De la façon dont vous en parlez, le fétichisme du pied peut être une particularité érotique, voire un art érotique, comme l'ont prétendu certain, s'il respecte
Il poursuit : « Vous vous interrogez certainement sur son origine et vous en trouvez plusieurs modes d'explication, sur Internet, par exemple. La plus répandue est celle d'une fixation à cette partie du corps chez un parent, par exemple la mère.
Pour aller plus loin :
Le fétichisme : études psychanalytiques
Traité du fétichisme : à l'usage des jeunes générations, Jean Streff
Le fétichisme : explication de son origine, Richard Kraft-Ebbing, en ligne
Bonnes lectures et bonne fin d'année !
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