Épouse/époux fille/garçon
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 16/12/2019 à 13h03
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Question d'origine :
Cher Guichet du Savoir,
J'aimerais savoir pourquoi dans le langage courant, il n'existe pas de pendant féminin au mot "mari", et qu'il est utilisé le mot "femme" qui désigne un genre et/ou un sexe ?
Dans la même veine, pourquoi il n'existe qu'un mot qui désigne le sexe et/ou genre et la filiation, c'est-à-dire "fille" ? Il existe pourtant deux mots du côté masculin : "garçon" et "fils".
Je vous remercie pour votre réponse.
MG
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 18/12/2019 à 14h14
Bonjour,
Concernant l’étymologie du mot « femme » et son sens d’ « épouse », voici quelques explications données par le lexicologue Jean Pruvost :
«D'abord téter
Le sens initial du motfemina en latin, ne relève pas de la plus haute galanterie puisqu'il s'agit originellement de la «femelle». En réalité, «femina» est tiré d'une lointaine racine indo-européenne, dhei, l'indo-européen constituant cette langue qui a précédé et nourri le latin et la plupart des langues européennes. «Dhei», sans doute prononcé fé signifiait «téter», et l'on en retrouve en effet la trace directe par exemple dans les prénoms Félix et Félicité, signifiant étymologiquement «heureux comme un bébé qui tète». De cette même racine et dans le même sillage nourricier vient aussi fecundus, fécond.
La femme conquérante
Le latin femina (femelle), allait se montrer conquérant conjugalement si on peut dire et, sous l'Antiquité romaine,l'emporter sur d'autres mots latins désignant l'épouse . Existait en effet, d'une part, mulier , qui a donné en ancien français moillier , aujourd'hui totalement disparu de l'usage, mais qu'on retrouve dans l'espagnol mujer , et d'autre part un mot qui nous paraît curieux, uxor , disparu aussi. Ou presque. Parce qu'au XXe siècle, un mot savant a été inventé par les ethnologues sur cette racine, mot incompréhensible pour qui ne se souvient pas d'uxor!
Mon oissour
En partant du latin uxor, l'épouse, fut de fait construit un adjectif qualifiant un couple, à propos de son habitat qui peut être ou ne pas êtreuxorilocal . Pas facile à placer dans la conversation. Les ethnologues ont effectivement imaginé ce mot difficile d'abord en anglais, en 1936, il fut ensuite emprunté en français, en 1968, pour désigner la tradition présidant à la première installation géographique d'un couple. Si la tradition de la société concernée veut que le couple s'installe auprès de l'habitat de chez la femme, de sa famille, il est alors dit uxirolocal. Et l'on dira que le couple est virilocal s'il s'installe auprès de l'habitat du mari. Voilà qui en impose dans une conversation!
Uxor doit cependant nous rappeler qu'en français du Moyen Âge, il y eut bien un héritier attesté au XIIIe siècle, sous une forme à peine reconnaissable,l'oissour ou l'oissor . Mais à dire vrai, qu'un mari évoque aujourd'hui son «oissour» pour dire «son épouse» serait sans doute mal compris, compte tenu du début du mot assimilable à un volatile…
La femme, épouse
L'entrée du mot «femme» en langue française est attestée à la fin du Xe siècle, en tant qu'être du sexe féminin, puis vers 1100, en tant qu'épouse. Et le mot a de fait bel et bien gardé ces deux sens, genre féminin ou épouse. »
Source : «Femmes», d'où venez-vous ? lefigaro.fr
Notons que « mulier » se retrouve aussi en italien sous la forme « moglie », comme l’indique le Dictionnaire historique de la langue française.
Quant au mot « fille », issu du latin filia (féminin de filius, « fils »), il se définit d’abord dans un rapport de filiation, conservant son sens latin. Mais, comme vous le remarquez, il s’oppose aussi à « garçon ».
(source : Dictionnaire historique de la langue française)
Or, en latin il y a bien un équivalent féminin du garçon : puella (féminin de puer), qui fut le mot « passe-partout » du vocabulaire féminin de l’enfance et de l’adolescence au moyen âge.
Les sources que nous avons consultées n’expliquent pas pourquoi le mot latin « puella » n'a pas laissé sa trace dans la langue française moderne, ni comment le mot « fille » a fini par englober les deux sens distincts « filia » et « puella » ; peut-être cela traduit-il l’idée que la « fille » restait sous la responsabilité de ses parents jusqu’au mariage, « seule étape décisive dans le statut de la femme au Moyen Age » ? (source : Le vocabulaire de l’enfance et de l’adolescence dans les recueils de miracles latins des XIe et XIIe siècles, Pierre-André Sigal)
Il peut aussi être intéressant de noter que « garçon », mot originaire du francique, ne prend le sens de « enfant de sexe masculin » qu’assez tardivement (1130), et celui de « jeune homme » vient encore plus tard (1530).
Au moyen âge, garçon signifiait « jeune homme de basse condition » (1080) et se rattachait à « valet », qui signifiait « enfant noble » mais aussi « domestique » (à l’armée, à la cuisine, etc). Ce qui a conduit à une extension désignant un homme en service ou un employé subalterne (garçon de café…).
Le mot « fille » rejoint son équivalent masculin « garçon » dans ces emplois : la « fille d’honneur » est une jeune fille de qualité au service d’une reine (1655), quant à la « fille de salle », « fille de cuisine », etc., elles désignent une jeune fille ou une femme employée à un travail.
Notons également que « garçon » au sens de « jeune homme » a bien eu une version féminine, « garce » (au sens de « jeune fille »), qui a rapidement pris le sens péjoratif de « jeune fille ou femme débauchée » (1165)… De son côté, « fille » n’a pas été particulièrement épargné : dès 1387, il prend le sens péjoratif de « prostituée » et on le retrouve dans des locutions comme « fille perdue » (1606), « fille de joie » (XVIIe)…
En 1880, Emile Littré déplore que ce mot soit aussi « maltraité », et nous fournit au passage d’autres mots ayant eu le sens de « jeune fille » ou « jeune femme » en français :
« Fille
Ce mot, si noble et si doux, est un de ceux que la langue moderne a le plus maltraités ; car elle y a introduit quelque chose de malhonnête. L'ancienne langue exprimait par fille uniquement la relation de l'enfant du sexe féminin au père ou à la mère ;elle avait plusieurs mots pour désigner la jeune femme, mescine, touse, bachele et son diminutif bachelette, garce, enfin pucelle , qui n'avait pas le sens particulier d'aujourd'hui et qui représentait, non pour l'étymologie, mais pour la signification, le latin puella. La perte profondément regrettable de ces mots essentiels a fait qu'il n'a plus été possible de rendre, sinon par une périphrase (jeune fille), le latin puella, ou bien l'allemand Mädchen et l'anglais maid. Mais ce n'a pas été le seul dommage : fille a été dégradé jusqu'à signifier la femme qui se prostitue. L'usage est parfois bien intelligent et bien ingénieux ; mais ici il s'est montré dénué de prévoyance et singulièrement grossier et malhonnête. »
Peut-être obtiendrez-vous d’autres pistes en posant votre question à l’Académie française.
Bonne journée.
Concernant l’étymologie du mot « femme » et son sens d’ « épouse », voici quelques explications données par le lexicologue Jean Pruvost :
«
Le sens initial du mot
Le latin femina (femelle), allait se montrer conquérant conjugalement si on peut dire et, sous l'Antiquité romaine,
En partant du latin uxor, l'épouse, fut de fait construit un adjectif qualifiant un couple, à propos de son habitat qui peut être ou ne pas être
Uxor doit cependant nous rappeler qu'en français du Moyen Âge, il y eut bien un héritier attesté au XIIIe siècle, sous une forme à peine reconnaissable,
L'entrée du mot «femme» en langue française est attestée à la fin du Xe siècle, en tant qu'être du sexe féminin, puis vers 1100, en tant qu'épouse. Et le mot a de fait bel et bien gardé ces deux sens, genre féminin ou épouse. »
Source : «Femmes», d'où venez-vous ? lefigaro.fr
Notons que « mulier » se retrouve aussi en italien sous la forme « moglie », comme l’indique le Dictionnaire historique de la langue française.
Quant au mot « fille », issu du latin filia (féminin de filius, « fils »), il se définit d’abord dans un rapport de filiation, conservant son sens latin. Mais, comme vous le remarquez, il s’oppose aussi à « garçon ».
(source : Dictionnaire historique de la langue française)
Or, en latin il y a bien un équivalent féminin du garçon : puella (féminin de puer), qui fut le mot « passe-partout » du vocabulaire féminin de l’enfance et de l’adolescence au moyen âge.
Les sources que nous avons consultées n’expliquent pas pourquoi le mot latin « puella » n'a pas laissé sa trace dans la langue française moderne, ni comment le mot « fille » a fini par englober les deux sens distincts « filia » et « puella » ; peut-être cela traduit-il l’idée que la « fille » restait sous la responsabilité de ses parents jusqu’au mariage, « seule étape décisive dans le statut de la femme au Moyen Age » ? (source : Le vocabulaire de l’enfance et de l’adolescence dans les recueils de miracles latins des XIe et XIIe siècles, Pierre-André Sigal)
Il peut aussi être intéressant de noter que « garçon », mot originaire du francique, ne prend le sens de « enfant de sexe masculin » qu’assez tardivement (1130), et celui de « jeune homme » vient encore plus tard (1530).
Au moyen âge, garçon signifiait « jeune homme de basse condition » (1080) et se rattachait à « valet », qui signifiait « enfant noble » mais aussi « domestique » (à l’armée, à la cuisine, etc). Ce qui a conduit à une extension désignant un homme en service ou un employé subalterne (garçon de café…).
Le mot « fille » rejoint son équivalent masculin « garçon » dans ces emplois : la « fille d’honneur » est une jeune fille de qualité au service d’une reine (1655), quant à la « fille de salle », « fille de cuisine », etc., elles désignent une jeune fille ou une femme employée à un travail.
Notons également que « garçon » au sens de « jeune homme » a bien eu une version féminine, « garce » (au sens de « jeune fille »), qui a rapidement pris le sens péjoratif de « jeune fille ou femme débauchée » (1165)… De son côté, « fille » n’a pas été particulièrement épargné : dès 1387, il prend le sens péjoratif de « prostituée » et on le retrouve dans des locutions comme « fille perdue » (1606), « fille de joie » (XVIIe)…
En 1880, Emile Littré déplore que ce mot soit aussi « maltraité », et nous fournit au passage d’autres mots ayant eu le sens de « jeune fille » ou « jeune femme » en français :
« Fille
Ce mot, si noble et si doux, est un de ceux que la langue moderne a le plus maltraités ; car elle y a introduit quelque chose de malhonnête. L'ancienne langue exprimait par fille uniquement la relation de l'enfant du sexe féminin au père ou à la mère ;
Peut-être obtiendrez-vous d’autres pistes en posant votre question à l’Académie française.
Bonne journée.
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