L'humour belge

Bonjour,

Nous n'avons pas trouvé trace de cet argument du manque de "passé culturel sérieux" pour expliquer la nature de l'humour belge.
En quoi le passé culturel de la Belgique ne serait-il pas "sérieux" ?
Peut-on affirmer qu'il n'existe qu'un seul type d'humour, propre à la nation belge ?
Pourriez-vous nous en dire plus sur l'émission de radio que vous avez écouté ou sur la personne qui aurait prononcé cela ?

Quelques articles abordent rapidement le passé des belges et pourrait presque aller dans le sens de votre citation en parlant d'un "royaume saugrenu" au carrefour de plusieurs influences :

" La belgitude consiste à rire de soi-même et de ce royaume saugrenu né sous les croquenots des envahisseurs germains, espagnols, autrichiens, celtes, français et néerlandais. Une petite blague au passage pour l'exemple: quelle est la différence entre Secret Story et la famille royale? Il n'y en a pas, ce sont des gens enfermés qui ne servent à rien (copyright Walter). "On est sans racines, sans culture, soutient Gilles Morin, qui a découvert Vizorek et Walter via sa structure de comiques belges, Kings of Comedy. D'où cette auto dérision qui dégoupille d'avance les moqueries et nous autorise à railler les Français. En fait, l'esprit belge est un carnaval intellectuel d'émotions et de désespérances."
source : Humour: nos chouchous de Bruxelles / Sandra Benedetti - L'Express - 14/04/2014

"On parle toujours d'humour belge, mais je vous mets au défi de citer cinq comédies produites chez nous", souligne ainsi Stéphane De Groodt. En revanche, tous assument un "état d'esprit belge", fait de "mélancolie" (De Groodt), d'humilité (Walter : "Surtout ne pas se la péter, c'est un péché mortel chez nous"), de "travail" (Nawell Madani) et d'une situation géographique aussi ouverte sur le nonsense anglais que la gaudriole gauloise."
source : Heureux comme un Belge en France / Thomas Mahler - Le Point.fr - Société, jeudi 30 octobre 2014

Existe-t-il un ou des humours belges ? L'humour a-t-il une géographie ? Un "café géographique" a tenté de répondre à cette question. Quelques pistes :
" Olivier Douhéret, grand consommateur d'humour des sociétés belge et suédoise, rappelle le mot d'un ministre d'Albert II, «Sire, la Belgique n'existe pas». Il n'y a pas un, mais des humours belges, même s'il existe un humour belge tourné vers ses voisins, jouant la carte de la modestie.
Ainsi, en Wallonie, quelques blagues circulent sur les Français: «Comment faire pour faire fortune avec les Français? Il faut les acheter au prix qu'ils valent et les revendre au prix qu'ils se croient!» Mais les wallons pratiquent surtout l'autodérision, la critique de leurs institutions, souvent complexifiées à l'extrême, mais aussi, par conséquent, la critique de leurs hommes politiques. Cet humour libéré est le plus souvent politiquement incorrect, novateur et artistique. Il peut être à la fois corrosif, poétique, décalé et même surréaliste. Après tout, le courant surréaliste n'est-il pas né en Belgique? Ses habitants lui rendent ainsi hommage et la critique de leurs hommes politiques.
Les flamands et les germanophones jouent moins sur les mots. Est-ce parce que leur langue s'y prête moins? Plus sûrement parce qu'il n'y existe pas une telle tradition et que le langage y exerce une fonction différente. Mais les flamands sont les seuls à plaisanter sur la famille royale belge, du fait de leur position souvent sécessionniste régionaliste.
Il existe une dérision intercommunautaire entre flamands et wallons. La rivalité historique se traduit par une critique des pauvretés du voisin et de ses orientations sociales ou politiques, comme le montrent les chansons de Jacques Brel les Flamingants, on ne peut plus d'actualité dans le contexte de crise communautaire, et les Flamandes.
La dérision est cependant aussi intracommunautaire, opposant citadins et campagnards, en Wallonie, en Flandre, comme dans bien des pays. Il s'agit d'un humour le plus souvent lié à la situation de chacun dans la hiérarchie sociale, consistant à rire du peu de manière de celui qui est moins bien placé sur l'échelle sociale, et de l'apparente arrogance de celui qui occupe une position supérieure.
L'humour bruxellois, enfin, est le plus souvent imité par les comiques français. C'est la «zwanze» (du brabançon «radotage»), cette gouaille populaire fondée sur l'exagération et la traduction littérale d'expressions néerlandaises: «mettez-vous», «tire ton plan» ou «installez-vous et débrouillez-vous». "
source : L'humour a-t-il une géographie? / Cafés Géographiques de Paris - 27 janvier 2009

Jean-Baptiste BARONIAN explique l'humour belge sous l'angle géographique et politique dans le Dictionnaire amoureux de la Belgique et tente de trouver des traits communs aux Flamands, Belges et Bruxellois :
" Peut-on, sinon définir, du moins circonscrire l’humour belge, l’humour des Belges en général et l’humour des Flamands, des Wallons et des Bruxellois en particulier ? A l’instar de l’humour juif et de l’humour écossais avec lesquels il a des traits communs, il possède ses invariants. C’est, d’abord et avant tout, celui d’un petit pays et qui a conscience de l’être – un Etat qui, parce qu’il est petit, parce que sa souveraineté est liée aux avatars de l’histoire de l’Europe occidentale, est parvenu à fourbir ses propres armes. Dont deux qu’il maîtrise avec beaucoup de brio : l’absurde et la dérision. Laquelle va parfois jusqu’à l’autodérision, le Belge ayant une grande faculté pour se regarder dans le blanc des yeux, mettre le doigt sur ses travers et se moquer gentiment, presque naïvement, de lui-même (James Ensor en est un remarquable exemple). En quoi, il y a bel et bien un humour belge, mais un humour dont la spécificité n’est réellement apparue que depuis la fin des années 1960, c’est-à-dire depuis que la petite Belgique a été remodelée, s’est régionalisée et s’est communautarisée. Au fond, et la chose s’apparente sans doute à un paradoxe, les diverses révisions constitutionnelles ont créé un climat propice à l’éclosion d’un humour de plus en plus décalé, de plus en plus absurde et, partant, de plus en plus caractéristique. "


Pour finir, on terminera sur cette belle image très caricaturale de l'humour belge (restons dans les clichés !) :
" Le Belge est un sale gosse qui aurait mal tourné, en fait, tout ce qu'on aime. Et, inconsciemment, nous en sommes jaloux. Le Belge aime rire de lui-même, il urine dans une fontaine, il a la bonne l'humeur en bandoulière, bref il se pisse dessus, a fait bien avant nous les 400 coups. Il a l'esprit naturellement mal tourné, l'art de l'irrévérence chevillé au corps, se fout comme de l'an 40 de la politique, ça soulage. Son humour est distingué, «surréaliste», son humeur est ailleurs. L'auto-ironie fait partie de sa panoplie."
source : Poelvoorde, Geluck, Damiens… L'humour belge, une autre planète : Surréalistes, impertinents… sans oublier une grosse pointe d'autodérision, nos voisins du plat pays sont les champions toutes catégories du rire. / Anthony Palou - LeFigaro.fr- 14 novembre 2014

Bonne journée