Question d'origine :
Dans quelle mesure le juriste Carl Schmitt était-il impliqué dans le nazisme ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 07/12/2019 à 15h10
Bonjour,
D’après nos recherches, la question que vous posez est encore largement débattue actuellement. Aussi, nous ne pourrons vous répondre de manière catégorique, mais nous vous fournirons plutôt une liste de références à consulter, afin que vous vous fassiez votre propre opinion sur le sujet. N’hésitez pas également, à approfondir vos recherches sur internet qui semble fournir nombre d’articles sur le sujet.
Rappelons que Carl Schmitt (1888-1985) était un juriste, conservateur catholique et théoricien allemand. Pour vous répondre de façon factuelle, Schmitt rejoignit le parti nazi dès 1933. Il aurait été partie prenante dans la théorisation des lois du IIIe Reich nazi. La fiche Wikipédia de celui-ci nous fournit d’ailleurs une biographie détaillée.
C’est dès les années 20 qu’il commencera à se faire un nom grâce à son style littéraire, voire poétique qui dépasse le cadre juridique. Dans les années 30, il se rapproche des courants réactionnaires et antiparlementaires, et suscite de vives réactions lorsqu’il critique la Constitution de Weimar qui selon lui affaiblirait l’Etat par son aspect libéral. La démocratie parlementaire serait une façon bourgeoise et dépassée de gouverner, et il prônerait à la place la mise en place d’un gouvernement dictatorial. Selon lui, seul le fascisme et le communisme ont cherché à rompre cette gérance constitutionnelle. De fait, des penseurs et juristes d’extrême gauche comme d’extrême droite se sont penchés sur ses théories.
David Cumin dans sa biographie de Carl Schmitt ajoute que « ce nationaliste allemand antilibéral et antimarxiste se tourne vers la France (Sorel et la germanophobe Action française, dont il a l’habitude de lire le journal) et vers l’Italie. »
En 1936, il est écarté du parti suite à des accusations d'opportunisme et d'antisémitisme peu convaincant. Néanmoins, grâce à l'intervention d'Hermann Göring, Schmitt conservera son poste d’enseignant à l'université de Berlin, et son rôle de conseiller d’état pour la Prusse.
Deux courants semblent s’affronter en ce qui concerne les liens du juriste avec le nazisme. Ceux qui pensent que le théoricien ne peut être dissocié de son engagement politique et de ses idées antisémites, et ceux à l’inverse qui ne veulent pas réduire l’homme et sa pensée, à cette période de sa vie. Voici quelques références qui pourront vous aider à vous faire une opinion.
Dans son ouvrage La loi du sang: penser et agir en nazi, Johann Chapoutot, historien et spécialiste du IIIe Reich affirme qu'on ne peut dissocier Schmitt de l’idéologie nazie: «C’était un vrai juriste et un vrai nazi. Que ce soit par opportunisme ou par conviction, il a accompagné le national-socialisme de l’éclosion à l’implosion.» Au-delà de ce fait, l’auteur reconnaît l’intelligence et la culture du juriste.
Vous pouvez retrouver une intervention de l’historien sur ce sujet en ligne.
De même, le philosophe Yves-Charles Zarka affirme dans un article:
«Tous les usages prétendument neutres de Carl Schmitt sont dangereux. Nous n’avons pas besoin de lui pour faire une critique du néolibéralisme. On ne peut prélever un aspect de cette œuvre en faisant silence sur le reste. Il était très hostile à la démocratie libérale et à l’Etat de droit auquel il voulait substituer une démocratie d’acclamation qui suppose une homogénéité raciale du peuple, ainsi qu’entre le leader et son peuple. Si vous utilisez Schmitt, il faut mettre en évidence la contrepartie de ses thèses, et non la masquer ! Vous saurez alors ce qu’est une pensée nazie, car la pensée n’est pas immunisée contre les dérives criminelles.»
Le philosophe a d'ailleurs beaucoup écrit sur le lien entre Schmitt et le nazisme, voici les références:
Carl Schmitt le nazi.
Un détail nazi dans la pensée de Carl Schmitt : la justification des lois de Nuremberg du 15 septembre 1935
Carl Schmitt nazi philosophe
Pour continuer votre réflexion:
Yves-Charles Zarka, Un détail nazi dans la pensée de Carl Schmitt / Claude Obadia
Que faire de Carl Schmitt ? / Jean-François Kervégan
Penser la démocratie moderne avec, et contre, Carl Schmitt / Chantal Mouffe
Carl Schmitt, juriste nazi ou juriste qui fut nazi. Tentative de réexamen critique / Olivier Beaud
Bonnes lectures!
D’après nos recherches, la question que vous posez est encore largement débattue actuellement. Aussi, nous ne pourrons vous répondre de manière catégorique, mais nous vous fournirons plutôt une liste de références à consulter, afin que vous vous fassiez votre propre opinion sur le sujet. N’hésitez pas également, à approfondir vos recherches sur internet qui semble fournir nombre d’articles sur le sujet.
Rappelons que Carl Schmitt (1888-1985) était un juriste, conservateur catholique et théoricien allemand. Pour vous répondre de façon factuelle, Schmitt rejoignit le parti nazi dès 1933. Il aurait été partie prenante dans la théorisation des lois du IIIe Reich nazi. La fiche Wikipédia de celui-ci nous fournit d’ailleurs une biographie détaillée.
C’est dès les années 20 qu’il commencera à se faire un nom grâce à son style littéraire, voire poétique qui dépasse le cadre juridique. Dans les années 30, il se rapproche des courants réactionnaires et antiparlementaires, et suscite de vives réactions lorsqu’il critique la Constitution de Weimar qui selon lui affaiblirait l’Etat par son aspect libéral. La démocratie parlementaire serait une façon bourgeoise et dépassée de gouverner, et il prônerait à la place la mise en place d’un gouvernement dictatorial. Selon lui, seul le fascisme et le communisme ont cherché à rompre cette gérance constitutionnelle. De fait, des penseurs et juristes d’extrême gauche comme d’extrême droite se sont penchés sur ses théories.
David Cumin dans sa biographie de Carl Schmitt ajoute que « ce nationaliste allemand antilibéral et antimarxiste se tourne vers la France (Sorel et la germanophobe Action française, dont il a l’habitude de lire le journal) et vers l’Italie. »
En 1936, il est écarté du parti suite à des accusations d'opportunisme et d'antisémitisme peu convaincant. Néanmoins, grâce à l'intervention d'Hermann Göring, Schmitt conservera son poste d’enseignant à l'université de Berlin, et son rôle de conseiller d’état pour la Prusse.
Deux courants semblent s’affronter en ce qui concerne les liens du juriste avec le nazisme. Ceux qui pensent que le théoricien ne peut être dissocié de son engagement politique et de ses idées antisémites, et ceux à l’inverse qui ne veulent pas réduire l’homme et sa pensée, à cette période de sa vie. Voici quelques références qui pourront vous aider à vous faire une opinion.
Dans son ouvrage La loi du sang: penser et agir en nazi, Johann Chapoutot, historien et spécialiste du IIIe Reich affirme qu'on ne peut dissocier Schmitt de l’idéologie nazie: «C’était un vrai juriste et un vrai nazi. Que ce soit par opportunisme ou par conviction, il a accompagné le national-socialisme de l’éclosion à l’implosion.» Au-delà de ce fait, l’auteur reconnaît l’intelligence et la culture du juriste.
Vous pouvez retrouver une intervention de l’historien sur ce sujet en ligne.
De même, le philosophe Yves-Charles Zarka affirme dans un article:
«Tous les usages prétendument neutres de Carl Schmitt sont dangereux. Nous n’avons pas besoin de lui pour faire une critique du néolibéralisme. On ne peut prélever un aspect de cette œuvre en faisant silence sur le reste. Il était très hostile à la démocratie libérale et à l’Etat de droit auquel il voulait substituer une démocratie d’acclamation qui suppose une homogénéité raciale du peuple, ainsi qu’entre le leader et son peuple. Si vous utilisez Schmitt, il faut mettre en évidence la contrepartie de ses thèses, et non la masquer ! Vous saurez alors ce qu’est une pensée nazie, car la pensée n’est pas immunisée contre les dérives criminelles.»
Le philosophe a d'ailleurs beaucoup écrit sur le lien entre Schmitt et le nazisme, voici les références:
Carl Schmitt le nazi.
Un détail nazi dans la pensée de Carl Schmitt : la justification des lois de Nuremberg du 15 septembre 1935
Carl Schmitt nazi philosophe
Pour continuer votre réflexion:
Yves-Charles Zarka, Un détail nazi dans la pensée de Carl Schmitt / Claude Obadia
Que faire de Carl Schmitt ? / Jean-François Kervégan
Penser la démocratie moderne avec, et contre, Carl Schmitt / Chantal Mouffe
Carl Schmitt, juriste nazi ou juriste qui fut nazi. Tentative de réexamen critique / Olivier Beaud
Bonnes lectures!
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