Existence de la Reine de Saba
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 05/12/2019 à 14h50
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Question d'origine :
Bonjour,
Après avoir lu le livre que Marek Halter a consacré à la Reine de Saba, je me suis interrogée sur cette reine.
J'ai ainsi lu que plusieurs traditions existent à son sujet.
Mais est-elle un personnage historique? A-t-on retrouvé des traces de son palais?
La même question se pose d'ailleurs au sujet du roi Salomon.
Merci par avance de votre réponse.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 09/12/2019 à 10h15
Bonjour,
Bien que la figure de la reine de Saba et sa rencontre avec le roi Salomon soit évoquée dans plusieurs textes anciens, on n’a (pour l’instant) trouvé aucune preuve matérielle attestant qu’elle a réellement existé. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous conseillons de consulter l’ouvrage d’ André H. Kaplun : La reine de Saba : légende ou réalité ?, dont voici plusieurs extraits :
«Salomon
Les historiens s’accordent généralement à considérer qu’il a régné durant une quarantaine d’années, soit d’environ 970 930 av. J.-C. Par conséquent, à première vue, tout paraît simple. La trace de la souveraine de Saba doit être recherchée à la même époque. Soit. Mais quelle valeur temporelle peut-on attribuer à Salomon ? De quelles preuves de son existence disposons-nous ? D’une seule et unique source : la Bible. Et c’est précisément là que le bât blesse. Car en consultant les écrits des spécialistes, on constate que c’est un peu la bouteille à l’encre. Entre ceux qui doutent que Salomon ait jamais existé (il y en a) et les autres pour qui il n’a jamais été roi, mais tout au plus un chef de tribu, et d’autres encore qui le voient à la tête d’un empire riche et puissant qui s’étendait du golfe d’Aqaba (au sud) jusqu’à Tyr (au nord), vous conviendrez qu’on peine à s’y retrouver. Ce d’autant plus que, selon les auteurs de La Bible dévoilée, I. Finkelstein et N.A. Silberman, « la lecture attentive de la description du règne de Salomon démontre clairement qu’il s’agit de la peinture d’un passé idéalisé.
Certes, les textes bibliques eux-mêmes ne sont pas exempts de contradictions. Mais en fin de compte, sans écarter les exégèses les plus diverses, peu importe – me semble-t-il – que Salomon ait ou non possédé une armada de vaisseaux qui « revenaient chargés d’or et d’argent, d’ivoire, de singes et de paons » selon une thèse, ou qu’il ait été « un marchand de chevaux fortuné » d’après une autre, voire un personnage ambigu suivant une troisième. En revanche, il est plus déroutant de constater que certains auteurs sont prêts à aller plus loin en soutenant l’idée qu’il faut carrément abandonner l’idée « de reconstruire une histoire de Salomon datant du Xe siècle avant notre ère ». Selon cette conception nihiliste, il n’y aurait jamais eu d’empire salomonien, dès lors qualifié « de pure fiction ». […]
Fouilles archéologiques
Compte tenu des vicissitudes subies par les populations des divers royaumes – également affectés par des luttes intestines – la traçabilité des Sabéen après des milliers d’années dans un milieu hostile présente des difficultés qui, sans être insurmontables, n’en restent pas moins réelles. Bien que cet environnement complique nécessairement la tâche des archéologues, il ressort des articles publiés sous l’égide de l’Université de Calgary au Canada, avec notamment la collaboration des professeurs B.J. Moorman et W. D. Glanzman, sur les fouilles entreprises au Yémen, que le temple de Mahram Bilqis près de Marib est considéré par ces derniers comme celui de la reine de Saba. Quant à J.-F. Breton, sans aller jusqu’à rattacher ce temple à la reine de Saba, il identifie néanmoins la région de Marib comme le « berceau de la civilisation sabéenne. » […]
D’autre part, je ne saurais passer sous silence la thèse soutenue par le professeur Ziegert, de l’Université de Hambourg, selon laquelle un autre temple attestant (selon lui) de l’existence de la reine de Saba, aurait été découvert à proximité d’Axoum, en Ethopie, sous les vestiges d’un palais du roi Kaleb (VIe siècle av. J.-C.). Plus précisément, ce palais se trouverait dans les ruines de la cité antique de Dungur, au sud-ouest d’Axoum, dans la province dite du Tigré.
Il est évidemment tentant d’émettre l’hypothèse suivante : la reine de Saba n’aurait-elle pas régné sur une vaste région comprenant à la fois les territoires actuels du Yémen et de l’Ethopie ? Cette approche aurait au moins le mérite d’expliquer la présence de temples sabéens tant à Mahram Bilqis qu’à Axoum, et par conséquent de mettre tout le monde d’accord. Mais nous n’en sommes pas encore là. Espérons que de nouvelles découvertes dans les années à venir (pour autant que la situation locale ne les empêche pas) permettront de dissiper ce mystère.
Quoi qu’il en soit, une telle hypothèse n’est peut-être pas aussi farfelue qu’elle en a l’air dès lors qu’au début de notre ère, l’historien romain Flavius Josèphe attribuait à la reine de Saba le titre de « reine d’Egypte et d’Ethiopie »… […]
Légende ou réalité ?
[…]Les écoles de pensée
Les partisans de l’une ou l’autre thèse se classent, à première vue, en deux groupes bien distincts. La réalité (c’est le cas de le dire) est un peu plus complexe. En effet, un examen plus subtil des positions conduit à nuancer l’analyse. Aux deux extrêmes, vous avez les fidèles entre les fidèles c’est-à-dire celles et ceux qui se satisfont de faire confiance aux textes, sans trop se poser de questions, A l’opposé se trouvent les négationnistes, soit les historiens purs et durs qui n’acceptent de se laisser convaincre que par des preuves scientifiques irréfutables.
Entre deux, il y a les « Saba-sceptiques » (peut-être bien que oui, peut-être bien que non), et puis une catégorie à part que j’ai bien envie d’appeler les ni-ni, soit ceux qui pensent que le personnage de la reine (couronnée ou non) a probablement existé mais dont d’habiles conteurs ont fait a posteriori une figure de légende dans un but précis, qu’il soit d’ordre religieux, d’embellissement confinant au conte de fées ou à connotation de propagande.
Car c’est bien là que réside le cœur du problème. L’analyse méticuleuse des divers aspects du récit de la reine de Saba ne peut laisser indifférent. Dès que l’on exerce son esprit critique vis-à-vis de textes surgis d’un passé lointain, il n’est plus possible de se bercer d’illusions. […]
Conclusion
Parmi les hypothèses évoquées, nous avons vu qu’il y a celle de l’njolivement. D’ingénieux narrateurs n’auraient pas hésité à parer une certaine Bilqîs des atours royaux afin de donné un éclat retentissant à une anecdote qui en était dépourvue. Pourquoi pas ? Nous ne devons cependant pas négliger un aspect fondamental. Si cette approche est la bonne, cela revient à admettre que le récit recèle néanmoins un fond de vérité. Est-ce le cas ?
Au risque de décevoir les romantiques et les romanesques (au fait : quelle est la différence ?), je dois vous avouer que j’ai beaucoup de peine à reconnaître l’authenticité du récit sabéen tel qu’il est relaté dans la Bible, le Coran et le Kebra Nagast. Trop d’invraisemblances, d’incohérences et d’incertitudes entourent le compte-rendu de la rencontre improbable entre celle que les textes désignent sous le nom de « reine de Saba » et le roi Salomon.
Mais il y a plus en ce qui me concerne. J’éprouve les doutes les plus sérieux quant à l’existence même de la reine. L’ouvrage publié en 2004/2005 par le musée de Brugg sous le titre Die Königin von Saba ne dit d’ailleurs pas autre chose […]. J.-F. Breton constate pour sa part qu’ « un certain flou subsiste » […] puisque « le nom de la reine de Saba n’est pas mentionné ». Il finit d’ailleurs par envisager l’hypothèse suivante qui n’a, à mon sens, rien de sacrilège : « Il n’est pas exclu que le nom de « Saba » ait été ajouté pour enjoliver le récit ». Parmi les spécialistes qui se sont exprimés sur la valeur de ce qui apparaît de plus en plus comme un conte de fées, seul un d’entre eux affirme « qu’il ne saurait être question de qualifier [le chapitre 10 du premier livre des Rois] de pieuse légende ». Et à propos de la rencontre entre les deux souverains, il fait cette remarque : « De nos jours, on appellerait cela des négociations économiques et l’on chargerait des experts qui, eux aussi, emporteraient des présents pour rendre au chef de l’Etat visité l’hommage qui lui est dû… Comme le fit autrefois la reine de Saba. »
Or, même J. Vermeylen, qui soutient la contemporanéité du récit avec le règne de Salomon, qualifie d’hypothétique la visite d’une reine à la cour de Jérusalem au milieu du Xe siècle av. J.-C. Il admet, en outre, que « la portée du récit tel qu’il se présente dans la Bible hébraïque est avant tout d’ordre théologique, mettant en valeur « l’hommage du monde païen au Dieu d’Israël ». A moins de mal interpréter les propos de cet éminent théologien, on serait donc bien en présence d’un langage imagé, et non du compte-rendu d’un fait réel. […]
Faut-il pour autant tout jeter aux orties ? Je ne le pense pas car, nonobstant les doutes, les réserves, voire le scepticisme exprimés ci-dessus, nous ne devons pas oublier que toute conclusion en histoire ancienne ne peut, par nature, être que provisoire. Je dis « par nature » puisqu’elle peut à chaque instant être infirmée, en tout ou en partie, par une nouvelle découverte ne procédant pas d’un simple rêve. N’oublions pas qu’un grand spécialiste de la Mésopotamie (G. Roux) recommande de se méfier de la vérité d’aujourd’hui car elle n’est souvent que l’erreur de demain…
Mais n’est-ce pas précisément la fragilité de nos connaissances qui les rend si fascinantes ? »
L’existence de Salomon n’est pas non plus attestée historiquement, mais des fouilles archéologiques témoignent de traces qui coïncident avec l’époque supposée de son règne :
« De l'engrais préservé pendant des millénaires grâce au climat aride de la vallée Timna en Israël ravive un ancien débat sur le roi Salomon et l'origine de sa fortune légendaire.
C’est dans un ancien camp minier situé au-dessus d’un plateau de grès appelé Slaves’ Hill (la colline des esclaves) que des archéologues ont découvert des excréments vieux de 3 000 ans. La région est parsemée de mines de cuivre et de camps de fonte, des sites où le minerai a été chauffé puis transformé en métal.
En 2013, Erez Ben-Yosef, archéologue à l’Université de Tel Aviv, avait commencé à fouiller le site. L’année dernière, son équipe et lui avaient mis au jour les restes de plusieurs constructions dotées de murs, dont une porte fortifiée, lorsqu’ils avaient fait la découverte de ce qui semblait être des excréments d’origine animale relativement récents.
« Nous pensions qu’il était possible que des nomades aient établi un camp, avec leurs chèvres, quelques décennies plus tôt, » explique Ben-Yosef en notant que les excréments contenaient encore de la matière végétale décomposée. « Mais au retour des résultats du labo, la datation [au carbone] a révélé qu’il s’agissait d’excréments d’ânes et d’autres animaux d’élevage datant du 10ème siècle avant J.-C. On a eu du mal à y croire. »
Alors que les excréments, d’âge et d’état exceptionnels, étaient tout à fait remarquables, les implications des résultats du radiocarbone étaient d’autant plus surprenants.
« Avant le lancement du projet en 2013, on estimait que le site datait de l’âge du bronze tardif, qui a des liens étroits avec le nouveau royaume d’Égypte du 13ème et du début du 12ème siècle av. J.-C., » dit Ben-Yosef. Il existe des preuves évidentes indiquant une présence égyptienne pendant ces siècles. Et à proximité du parc de Timna, les visiteurs sont aujourd’hui accueillis par des signes représentant les égyptiens de l’antiquité.
Mais la datation très précise des excréments par radiocarbone, ainsi que de textiles et d’autres matières organiques, a montré que l’apogée du camp minier coïncidait avec le 10ème siècle avant J.-C., soit l’ère des rois bibliques David et Salomon. »
Source : Archéologie : l'origine de la fortune du roi Salomon révélée, nationalgeographic.fr
Quelques autres ressources sur le roi Salomon :
- Données archéologiques sur David et Salomon, Wikipedia
- Les rois David et Salomon ont-ils existé? lexpress.fr
Bonne journée.
Bien que la figure de la reine de Saba et sa rencontre avec le roi Salomon soit évoquée dans plusieurs textes anciens, on n’a (pour l’instant) trouvé aucune preuve matérielle attestant qu’elle a réellement existé. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous conseillons de consulter l’ouvrage d’ André H. Kaplun : La reine de Saba : légende ou réalité ?, dont voici plusieurs extraits :
«
Les historiens s’accordent généralement à considérer qu’il a régné durant une quarantaine d’années, soit d’environ 970 930 av. J.-C. Par conséquent, à première vue, tout paraît simple. La trace de la souveraine de Saba doit être recherchée à la même époque. Soit. Mais quelle valeur temporelle peut-on attribuer à Salomon ? De quelles preuves de son existence disposons-nous ? D’une seule et unique source : la Bible. Et c’est précisément là que le bât blesse. Car en consultant les écrits des spécialistes, on constate que c’est un peu la bouteille à l’encre. Entre ceux qui doutent que Salomon ait jamais existé (il y en a) et les autres pour qui il n’a jamais été roi, mais tout au plus un chef de tribu, et d’autres encore qui le voient à la tête d’un empire riche et puissant qui s’étendait du golfe d’Aqaba (au sud) jusqu’à Tyr (au nord), vous conviendrez qu’on peine à s’y retrouver. Ce d’autant plus que, selon les auteurs de La Bible dévoilée, I. Finkelstein et N.A. Silberman, « la lecture attentive de la description du règne de Salomon démontre clairement qu’il s’agit de la peinture d’un passé idéalisé.
Certes, les textes bibliques eux-mêmes ne sont pas exempts de contradictions. Mais en fin de compte, sans écarter les exégèses les plus diverses, peu importe – me semble-t-il – que Salomon ait ou non possédé une armada de vaisseaux qui « revenaient chargés d’or et d’argent, d’ivoire, de singes et de paons » selon une thèse, ou qu’il ait été « un marchand de chevaux fortuné » d’après une autre, voire un personnage ambigu suivant une troisième. En revanche, il est plus déroutant de constater que certains auteurs sont prêts à aller plus loin en soutenant l’idée qu’il faut carrément abandonner l’idée « de reconstruire une histoire de Salomon datant du Xe siècle avant notre ère ». Selon cette conception nihiliste, il n’y aurait jamais eu d’empire salomonien, dès lors qualifié « de pure fiction ». […]
Compte tenu des vicissitudes subies par les populations des divers royaumes – également affectés par des luttes intestines – la traçabilité des Sabéen après des milliers d’années dans un milieu hostile présente des difficultés qui, sans être insurmontables, n’en restent pas moins réelles. Bien que cet environnement complique nécessairement la tâche des archéologues, il ressort des articles publiés sous l’égide de l’Université de Calgary au Canada, avec notamment la collaboration des professeurs B.J. Moorman et W. D. Glanzman, sur les fouilles entreprises au Yémen, que le temple de Mahram Bilqis près de Marib est considéré par ces derniers comme celui de la reine de Saba. Quant à J.-F. Breton, sans aller jusqu’à rattacher ce temple à la reine de Saba, il identifie néanmoins la région de Marib comme le « berceau de la civilisation sabéenne. » […]
D’autre part, je ne saurais passer sous silence la thèse soutenue par le professeur Ziegert, de l’Université de Hambourg, selon laquelle un autre temple attestant (selon lui) de l’existence de la reine de Saba, aurait été découvert à proximité d’Axoum, en Ethopie, sous les vestiges d’un palais du roi Kaleb (VIe siècle av. J.-C.). Plus précisément, ce palais se trouverait dans les ruines de la cité antique de Dungur, au sud-ouest d’Axoum, dans la province dite du Tigré.
Il est évidemment tentant d’émettre l’hypothèse suivante : la reine de Saba n’aurait-elle pas régné sur une vaste région comprenant à la fois les territoires actuels du Yémen et de l’Ethopie ? Cette approche aurait au moins le mérite d’expliquer la présence de temples sabéens tant à Mahram Bilqis qu’à Axoum, et par conséquent de mettre tout le monde d’accord. Mais nous n’en sommes pas encore là. Espérons que de nouvelles découvertes dans les années à venir (pour autant que la situation locale ne les empêche pas) permettront de dissiper ce mystère.
Quoi qu’il en soit, une telle hypothèse n’est peut-être pas aussi farfelue qu’elle en a l’air dès lors qu’au début de notre ère, l’historien romain Flavius Josèphe attribuait à la reine de Saba le titre de « reine d’Egypte et d’Ethiopie »… […]
[…]
Les partisans de l’une ou l’autre thèse se classent, à première vue, en deux groupes bien distincts. La réalité (c’est le cas de le dire) est un peu plus complexe. En effet, un examen plus subtil des positions conduit à nuancer l’analyse. Aux deux extrêmes, vous avez les fidèles entre les fidèles c’est-à-dire celles et ceux qui se satisfont de faire confiance aux textes, sans trop se poser de questions, A l’opposé se trouvent les négationnistes, soit les historiens purs et durs qui n’acceptent de se laisser convaincre que par des preuves scientifiques irréfutables.
Entre deux, il y a les « Saba-sceptiques » (peut-être bien que oui, peut-être bien que non), et puis une catégorie à part que j’ai bien envie d’appeler les ni-ni, soit ceux qui pensent que le personnage de la reine (couronnée ou non) a probablement existé mais dont d’habiles conteurs ont fait a posteriori une figure de légende dans un but précis, qu’il soit d’ordre religieux, d’embellissement confinant au conte de fées ou à connotation de propagande.
Car c’est bien là que réside le cœur du problème. L’analyse méticuleuse des divers aspects du récit de la reine de Saba ne peut laisser indifférent. Dès que l’on exerce son esprit critique vis-à-vis de textes surgis d’un passé lointain, il n’est plus possible de se bercer d’illusions. […]
Parmi les hypothèses évoquées, nous avons vu qu’il y a celle de l’njolivement. D’ingénieux narrateurs n’auraient pas hésité à parer une certaine Bilqîs des atours royaux afin de donné un éclat retentissant à une anecdote qui en était dépourvue. Pourquoi pas ? Nous ne devons cependant pas négliger un aspect fondamental. Si cette approche est la bonne, cela revient à admettre que le récit recèle néanmoins un fond de vérité. Est-ce le cas ?
Au risque de décevoir les romantiques et les romanesques (au fait : quelle est la différence ?), je dois vous avouer que j’ai beaucoup de peine à reconnaître l’authenticité du récit sabéen tel qu’il est relaté dans la Bible, le Coran et le Kebra Nagast. Trop d’invraisemblances, d’incohérences et d’incertitudes entourent le compte-rendu de la rencontre improbable entre celle que les textes désignent sous le nom de « reine de Saba » et le roi Salomon.
Mais il y a plus en ce qui me concerne. J’éprouve les doutes les plus sérieux quant à l’existence même de la reine. L’ouvrage publié en 2004/2005 par le musée de Brugg sous le titre Die Königin von Saba ne dit d’ailleurs pas autre chose […]. J.-F. Breton constate pour sa part qu’ « un certain flou subsiste » […] puisque « le nom de la reine de Saba n’est pas mentionné ». Il finit d’ailleurs par envisager l’hypothèse suivante qui n’a, à mon sens, rien de sacrilège : « Il n’est pas exclu que le nom de « Saba » ait été ajouté pour enjoliver le récit ». Parmi les spécialistes qui se sont exprimés sur la valeur de ce qui apparaît de plus en plus comme un conte de fées, seul un d’entre eux affirme « qu’il ne saurait être question de qualifier [le chapitre 10 du premier livre des Rois] de pieuse légende ». Et à propos de la rencontre entre les deux souverains, il fait cette remarque : « De nos jours, on appellerait cela des négociations économiques et l’on chargerait des experts qui, eux aussi, emporteraient des présents pour rendre au chef de l’Etat visité l’hommage qui lui est dû… Comme le fit autrefois la reine de Saba. »
Or, même J. Vermeylen, qui soutient la contemporanéité du récit avec le règne de Salomon, qualifie d’hypothétique la visite d’une reine à la cour de Jérusalem au milieu du Xe siècle av. J.-C. Il admet, en outre, que « la portée du récit tel qu’il se présente dans la Bible hébraïque est avant tout d’ordre théologique, mettant en valeur « l’hommage du monde païen au Dieu d’Israël ». A moins de mal interpréter les propos de cet éminent théologien, on serait donc bien en présence d’un langage imagé, et non du compte-rendu d’un fait réel. […]
Faut-il pour autant tout jeter aux orties ? Je ne le pense pas car, nonobstant les doutes, les réserves, voire le scepticisme exprimés ci-dessus, nous ne devons pas oublier que toute conclusion en histoire ancienne ne peut, par nature, être que provisoire. Je dis « par nature » puisqu’elle peut à chaque instant être infirmée, en tout ou en partie, par une nouvelle découverte ne procédant pas d’un simple rêve. N’oublions pas qu’un grand spécialiste de la Mésopotamie (G. Roux) recommande de se méfier de la vérité d’aujourd’hui car elle n’est souvent que l’erreur de demain…
Mais n’est-ce pas précisément la fragilité de nos connaissances qui les rend si fascinantes ? »
L’existence de Salomon n’est pas non plus attestée historiquement, mais des fouilles archéologiques témoignent de traces qui coïncident avec l’époque supposée de son règne :
« De l'engrais préservé pendant des millénaires grâce au climat aride de la vallée Timna en Israël ravive un ancien débat sur le roi Salomon et l'origine de sa fortune légendaire.
C’est dans un ancien camp minier situé au-dessus d’un plateau de grès appelé Slaves’ Hill (la colline des esclaves) que des archéologues ont découvert des excréments vieux de 3 000 ans. La région est parsemée de mines de cuivre et de camps de fonte, des sites où le minerai a été chauffé puis transformé en métal.
En 2013, Erez Ben-Yosef, archéologue à l’Université de Tel Aviv, avait commencé à fouiller le site. L’année dernière, son équipe et lui avaient mis au jour les restes de plusieurs constructions dotées de murs, dont une porte fortifiée, lorsqu’ils avaient fait la découverte de ce qui semblait être des excréments d’origine animale relativement récents.
« Nous pensions qu’il était possible que des nomades aient établi un camp, avec leurs chèvres, quelques décennies plus tôt, » explique Ben-Yosef en notant que les excréments contenaient encore de la matière végétale décomposée. « Mais au retour des résultats du labo, la datation [au carbone] a révélé qu’il s’agissait d’excréments d’ânes et d’autres animaux d’élevage datant du 10ème siècle avant J.-C. On a eu du mal à y croire. »
Alors que les excréments, d’âge et d’état exceptionnels, étaient tout à fait remarquables, les implications des résultats du radiocarbone étaient d’autant plus surprenants.
« Avant le lancement du projet en 2013, on estimait que le site datait de l’âge du bronze tardif, qui a des liens étroits avec le nouveau royaume d’Égypte du 13ème et du début du 12ème siècle av. J.-C., » dit Ben-Yosef. Il existe des preuves évidentes indiquant une présence égyptienne pendant ces siècles. Et à proximité du parc de Timna, les visiteurs sont aujourd’hui accueillis par des signes représentant les égyptiens de l’antiquité.
Mais la datation très précise des excréments par radiocarbone, ainsi que de textiles et d’autres matières organiques, a montré que l’apogée du camp minier coïncidait avec le 10ème siècle avant J.-C., soit l’ère des rois bibliques David et Salomon. »
Source : Archéologie : l'origine de la fortune du roi Salomon révélée, nationalgeographic.fr
Quelques autres ressources sur le roi Salomon :
- Données archéologiques sur David et Salomon, Wikipedia
- Les rois David et Salomon ont-ils existé? lexpress.fr
Bonne journée.
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